Interview de Guillaume Richard, cofondateur du groupe O2 Développement qui a permis la création de 6 100 emplois ces cinq dernières années.
Le Groupe O2 est le premier créateur d’emplois en France selon une étude Xerfi. Qu’est-ce que cela vous fait ?
C’est à la fois une immense fierté et une immense responsabilité. Une fierté parce que nos métiers sont porteurs de sens aussi bien pour nos clients que pour nos salariés. En créant des emplois, nous donnons des débouchés professionnels, des perspectives et de la dignité à des personnes qui sans cela seraient au chômage ou au RSA. Depuis une vingtaine d’années, beaucoup de fonctions de base ont disparu comme les métiers de pompiste, d’hôtesse de caisse, de guichetier… Le métier du service à la personne est encore un secteur qui crée beaucoup d’emplois.
Vous parliez de responsabilité ?
Une des difficultés majeures pour une entreprise en croissance, c’est l’entrepreneur lui-même. Quand vous créez votre boîte, vous êtes seul ou à deux. à dix salariés, vous apprenez à déléguer, à vingt, vous apprenez à gérer. à partir de 1 000 salariés, votre métier n’a plus rien à voir avec ce que vous faisiez initialement. Vous devenez un chef d’orchestre. Votre fonction ne consiste non plus tant à produire par vous-même qu’à encadrer, manager, donner une direction et une stratégie. J’ai donc une responsabilité vis-à-vis de ce que la société est devenue. à présent, ce n’est plus mon entreprise mais l’entreprise des 10 000 salariés du groupe.
Tout chef d’entreprise doit juger d’un œil lucide ses compétences et ses faiblesses. J’ai mené ce groupe jusque-là, je veux continuer de le développer pour le conduire à l’international vers 100 000 salariés. Mais je ne suis pas sûr que j’aurai les compétences et l’appétence ! Car cela supposerait être davantage mobile et moins présent auprès de ma femme et de mes enfants, et je ne sais pas si j’en aurai envie.
Vous avez monté O2 en parallèle de votre emploi chez Relay H. Quel a été votre parcours ?
J’ai été diplômé de l’EDHEC, école des Hautes études Commerciales du Nord, en 1996 et je suis entré à la Française des jeux comme contrôleur de gestion. En 1999, j’ai démissionné de mon poste pour créer une première entreprise dans le domaine du service en m’associant avec une boîte qui existait déjà pour allier l’économie réelle à l’économie virtuelle du web, selon le modèle « click and mortar ». Le temps de fabriquer le business plan et de se mettre d’accord, l’explosion de la bulle Internet nous a empêchés de lever les fonds que nous cherchions.
Plusieurs associés ont définitivement quitté l’aventure et j’ai été obligé de prendre un emploi salarial. J’ai été adjoint au directeur de l’exploitation chez Relay H pour les 800 points de vente du groupe, entre mars 2001 et fin juin 2004. J’étais en charge des différents services dont l’entretien et la maintenance des points de vente du groupe. Le jour, je travaillais de 9h à 20h puis le soir, le week-end et les vacances, je m’occupais de ma boîte avec une intensité toute particulière à partir de 2004 où pour le coup, je faisais au moins trois à quatre nocturnes par semaine en renchaînant le lendemain chez Relay.
Comment avez-vous réussi à conquérir votre marché ?
Personne ne devient numéro 1 par hasard, cela demande des sacrifices et un travail de malade. En 2005, avec mon associé, nous nous sommes donné pour objectif de devenir leader, nous avons mis tout en œuvre pour mener une stratégie de croissance : ouvrir notre capital, aller chercher des financements, recruter des personnes meilleures que soi… Ce qui est quand même un acte d’humilité important pour des chefs d’entreprise qui sont en règle générale, un peu mégalo !
Le marché de services à la personne a explosé en 2006. Nous avons profité de la dynamique pour nous doter d’un réseau qui a couvert tout le territoire. En 2007, le groupe représentait 93 agences de proximité implantées dans l’ensemble des grandes villes de France. Nous avons consolidé ensuite notre développement et avons gagné en expertise. Après avoir commencé par l’entretien de la maison, nous avons développé la garde d’enfants et à partir de 2011 l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées. Aujourd’hui, le groupe comprend 163 agences de proximité et intervient auprès de 40 000 familles au quotidien.
Vous avez réussi votre pari !
Le pari de la quantité est gagné mais je travaille encore sur le pari de la qualité. J’ai 94 % de mes salariés qui se disent épanouis dans leur travail. C’est beaucoup. Mais cela veut aussi dire 6 % qui ne le sont pas, soit 600 personnes quand vous avez 10 000 salariés. Clairement, cela m’embête. Au cœur de notre projet d’entreprise, un salarié satisfait, c’est à 99,9 % l’assurance d’un client satisfait. Il faut donc que nous réussissions à nous améliorer.
Dans le domaine des services, les rémunérations sont structurellement assez proches du Smic, nous ne pouvons pas les revoir à la hausse. Nous essayons donc d’offrir d’autres satisfactions comme des conditions de travail en conformité avec les attentes de nos salariés, une augmentation du niveau de compétence ou des évolutions de carrière. Tous ont une carte de visite personnalisée, un téléphone portable professionnel, une tenue, des méthodes et des outils. Ce sont des éléments auxquels nous sommes très attachés.
Quels sont les objectifs du groupe pour la suite ?
Ce sont toujours les mêmes ! Devenir numéro 1, ce n’est pas seulement être numéro 1 français ! Mon rêve pour O2 est que, dans 15 ou 20 ans, l’entreprise fasse partie des leaders mondiaux dans le service à la personne comme Sodexo l’est par exemple dans la restauration collective.
Comment cela va-t-il se mettre en place ?
Nous allons faire appel à un autre fonds d’investissement pour pouvoir être accompagnés dans cette prochaine étape. En France, au début, nous étions uniquement dans un modèle intégré et succursaliste. Depuis 2012, nous avons choisi la franchise pour nous développer. Aujourd’hui, j’ai donc deux grandes formes d’organisation et trois grands métiers de service à la personne qui me permettent, en fonction des pays, de choisir le développement qui est le plus approprié. Bien sûr, notre ordre de priorité passera obligatoirement par la rencontre avec les personnes qui rejoindront l’aventure O2, exactement de la même façon que nous l’avons fait en France.
les Conseils de guillaume richard
- Bien définir votre projet. Avant de vous lancer, vous devez bien définir vos ambitions. Vous devez également évaluer le potentiel de croissance de votre projet et connaître la direction vers laquelle vous souhaitez l’amener.
- Rêver la lune. C’est comme en sport. Il y a ceux qui ambitionnent de devenir Lionel Messi, le meilleur joueur de foot au monde et qui se donnent à fond pour réussir. D’autres disent qu’ils veulent devenir professionnels et d’autres simplement des amateurs qui prennent du plaisir. Lionel Messi a rêvé sa vie, c’est pour cela qu’il a réussi à atteindre son objectif. Vous ne pouvez pas devenir leader si vous ne le rêvez pas. Et en face, il faut s’en donner les moyens.
- Se donner les moyens de réussir. Vous ne deviendrez numéro 1 que si vous l’avez décidé. Il faut donc faire des sacrifices et prendre les mesures qui conviennent. C’est aussi accepter éventuellement qu’un jour ou l’autre vous deviez céder la place à des personnes qui sont plus compétentes que vous, pour amener l’entreprise plus haut.