Les actions visant à entraver la concurrence, comme les ententes illicites et l’abus de domination, sont considérées comme des pratiques anticoncurrentielles. Celles-ci sont interdites par la loi, à la fois pour protéger les plus petites entreprises mais également pour protéger les consommateurs. Quelles limites ne faut-il pas dépasser pour ne pas être accusé de pratiques anticoncurrentielles ?
Les ententes, interdites par la loi
Les ententes interdites par la loi sont nombreuses. Notamment celles qui limitent l’accès au marché à d’autres entreprises, la répartition des marchés ou sources d’approvisionnement, les prix ou encore les conditions générales de vente. Ainsi, choisir ses distributeurs sur des critères objectifs est autorisé. Cependant, la distribution sélective ne l’est pas (sélection en fonction de leur image). Cela est considéré comme une entente illicite limitant l’accès au marché à d’autres entreprises.
Les ententes peuvent prendre de multiples formes
la vigilance est alors de mise pour ne pas franchir la frontière des pratiques anticoncurrentielles. En effet, même une concertation n’ayant pas pour objectif d’entraver la concurrence mais ayant pour effet de l’affecter tout de même est anticoncurrentielle.
De même, l’effet sur la concurrence n’est pas à prouver. Il suffit que l’entente ait potentiellement joué sur la concurrence pour qu’elle soit illégale.
Enfin, si l’on pense à l’entente comme étant un accord entre concurrents, il faut également savoir que l’entente peut impliquer producteurs et distributeurs mais aussi des collectivités territoriales, fédérations, syndicats d’entreprises, associations…
Autant d’acteurs possibles qui nécessitent de redoubler de prudence afin de ne pas être impliqué dans une entente illicite. En France, on peut notamment citer l’entente entre onze fabricants de produits laitiers concernant leurs tarifs et leurs politiques commerciales.
Les grands groupes impliqués, comme Lactalis Nestlé ou Senagral, ont ainsi désavantagé le consommateur. Ils se sont accordés sur des hausses de prix. Ils ont également altéré le jeu de la concurrence en s’accordant sur le fait de ne pas capter les marchés détenus par les concurrents participant à l’entente. Ainsi, l’Autorité de la concurrence en France a condamné le géant américain à payer une amende de 1,1 milliard d’euros pour avoir faussé la concurrence en contrôlant totalement les ventes de ses produits, hors iPhones, par ses revendeurs, et en avantageant ses propres boutiques.
L’autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence considère que l’entreprise « a commis un abus de dépendance économique, à l’égard de ses détaillants ’premium’ (spécialisés dans les produits haut de gamme, hors iPhones), une pratique qu’elle juge particulièrement grave ». En contrôlant totalement les ventes de ses produits, hors iPhones, par ses revendeurs, et en avantageant ses propres boutiques, elle a privé les consommateurs d’une concurrence sur les prix. Les deux grossistes, Tech Data et Ingram Micro, ont également été sanctionnés, respectivement à hauteur de 76,1 millions et 62,9 millions d’euros au titre de l’une des pratiques d’entente.
Que dit l’autorité de la concurrence ?
Isabelle de Silva, Présidente de l’Autorité de la concurrence a déclaré : «L’Autorité a décrypté, à l’occasion de cette affaire, les pratiques très particulières qui avaient été mises en œuvre par Apple pour la distribution de ses produits en France (hors Iphones), tels que l’Ipad. En premier lieu, Apple et ses deux grossistes se sont entendus pour ne pas se faire concurrence et empêcher les distributeurs de faire jouer la concurrence entre eux, stérilisant ainsi le marché de gros des produits Apple. En deuxième lieu, les distributeurs dits Premium ne pouvaient sans risque pratiquer des promotions ou baisses de prix, ce qui a conduit à un alignement des prix de détail entre les distributeurs intégrés d’Apple et les distributeurs Premium indépendants.
Enfin, Apple a exploité abusivement la dépendance économique de ces distributeurs Premium à son égard, en les soumettant à des conditions commerciales inéquitables et défavorables par rapport à son réseau de distributeurs intégrés. Au regard du fort impact de ces pratiques sur la concurrence dans la distribution des produits Apple via les Apple premium resellers, l’Autorité inflige la sanction la plus élevée jamais prononcée dans une affaire (1,24 milliard d’euros). C’est également la plus lourde sanction prononcée à l’encontre d’un acteur économique, en l’espèce Apple (1,1 milliard d’euros), dont la dimension extraordinaire a été dûment prise en compte. Enfin, l’Autorité a estimé, qu’en l’espèce, Apple avait commis un abus de dépendance économique, à l’égard de ses détaillants premium, pratique que l’Autorité considère comme particulièrement grave ».
Les abus de domination
Les entreprises représentant une puissance sur un marché n’ont pas le droit d’abuser de cette position pour jouer sur la concurrence. Le premier abus de domination considéré étant l’abus de position dominante. Cela concerne les entreprises disposant de la majorité des parts de marché. Les entreprises ayant de plus faibles parts de marché peuvent également être concernées à partir du moment où elles appartiennent à un groupe puissant, disposent d’une technologie avancée, bénéficient de certaines aides ou encore possèdent des marques à forte notoriété.
Les différents types d’abus
Ces différents types d’entreprises étant considérés comme dominantes sur le marché, la loi sanctionne tous types d’abus de cette domination ayant pour objectif d’évincer la concurrence. A ce titre, certaines pratiques sont anticoncurrentielles que lorsqu’elles sont l’œuvre d’entreprises dominantes. Ainsi si faire bénéficier à sa clientèle d’avantages est autorisé pour les entreprises non dominantes, cela peut être sanctionné pour les entreprises dominantes.
Le laboratoire Sandoz a été condamné en 2003 pour avoir proposé des remises sur tout achat d’un autre médicament que la ciclosporine sachant qu’il en avait le monopole. Il a alors abusé de sa position dominante en éliminant la concurrence par le biais d’avantages offerts aux clients.
De même, Google est actuellement poursuivi par la commissaire européenne à la Concurrence. L’entreprise est soupçonnée d’avoir avantagé injustement son service de comparaison de prix en le plaçant automatiquement dans les résultats du moteur de recherche. Cela au détriment de ses concurrents, sur le marché des comparateurs de prix.
L’abus de dépendance économique d’un partenaire est également un abus de domination. Il concerne les entreprises dominant leurs partenaires économiques. Ainsi, sont considérées comme pratiquant une action anticoncurrentielle toutes les entreprises proposant des conditions abusives à une entreprise partenaire qui ne peut trouver de solution alternative.
La frontière est alors très mince entre proposer ses conditions et abuser de la dépendance économique. Les refus de vente, les pratiques discriminatoires en matière de prix ou de conditions notamment et de manière générale toutes les pratiques, qui ne seraient pas mises en œuvre si le partenaire n’était pas en situation de dépendance, sont des abus de dépendance économique.
Les pratiques anticoncurrentielles autorisées
Dans le cas d’ententes illicites et d’abus de domination, on peut prononcer des sanctions à l’égard des entreprises ou personnes physiques impliquées. Les plus communes étant les sanctions pécuniaires (amendes, astreintes, dommages et intérêts), elles peuvent parfois atteindre d’énormes montants, jusqu’à plusieurs milliards d’euros pour les plus grosses entreprises. D’autres peines existent comme la suspension de la pratique, la nullité de la pratique anticoncurrentielle ou encore l’emprisonnement.
Cependant toutes les pratiques ne sont pas concernées par ces peines. En effet, certaines pratiques anticoncurrentielles sont autorisées par le Code de Commerce. Pour cela elles doivent satisfaire à certaines conditions. En premier lieu, la pratique doit assurer un progrès économique et y être indispensable, qu’il s’agisse d’une amélioration de la productivité, de la création d’emplois ou de l’amélioration des conditions de marché. De plus, les pratiques anticoncurrentielles concernées ne doivent pas éliminer l’ensemble de la concurrence. Enfin, de cette pratique, les utilisateurs doivent bénéficier d’une partie du profit grâce à une diminution des prix par exemple ou encore une amélioration de la qualité.
De même, le Code de Commerce autorise certains cas d’ententes et d’abus de position dominante découlant de la loi. Il s’agit par exemple de l’entente entre les syndicats de médecins et l’assurance maladie pour fixer des tarifs de consultation afin de satisfaire le code de la Sécurité sociale.