Frédéric Verdavaine est un dirigeant en phase avec son temps. Du conseil en organisation et stratégie à l’immobilier, en passant par le retail et la chimie, il se passionne pour les problématiques de conduite de changement. Portrait d’un homme qui articule sa vision du leadership autour de deux grands axes : la valorisation de la notion de service et l’intégration du digital, tant dans les processus métiers que dans l’expérience client.
« Je suis un passionné de triathlon : si vous manquez vos enchaînements, vous risquez de perdre la course. » Sportif confirmé, à la fois triathlète et boxeur, Frédéric Verdavaine est fort d’un parcours de patron aux multiples casquettes. Originaire du Nord, c’est à l’international qu’il plonge pleinement dans les métiers du restructuring, après deux premières expériences pour le compte du cabinet de conseil Quaternaire et de Pinault-Printemps-Redoute. Il rejoint en 2002 le chimiste américain Johnson Diversey, d’abord en tant que directeur des ressources humaines puis directeur général délégué et vice-président Europe, pour y multiplier les opérations de réorganisation de l’entreprise.
En quête de sens et soucieux de se rapprocher de sa famille, Frédéric Verdavaine est sollicité par un spécialiste de l’immobilier. Il saute le pas et revient dans le valenciennois de son enfance, en assumant la direction générale du groupe GHI. « Ils cherchaient un dirigeant capable de structurer l’entreprise et de donner un sens stratégique à l’ensemble. » Très vite, il a fallu devenir polyvalent pour être en capacité de comprendre les problématiques d’un secteur que Frédéric Verdavaine découvre du tout au tout. Il enchaîne avec de nouvelles fonctions de directeur général au sein d’un autre groupe immobilier, NDFI, avant de rencontrer Alain Dinin, PDG de Nexity. En 2014, il intègre la société cotée en bourse pour s’occuper des services aux particuliers, avec une mission : faire évoluer la rentabilité de ces métiers de 6 à 10 % en maximum trois ans. Challenge relevé en dix-huit mois.
« Le service, pierre angulaire de notre société »
À côté du métier historique de promoteur, les services souffraient d’un déficit de reconnaissance. « En tant que promoteur, vos appartements sont vendus en moyenne à 200 000 € ; lorsque vous gérez un lot de syndic, vous générez 200 € par an de chiffre d’affaires. » Le défi a été de dépoussiérer l’administration de biens, afin de redonner de la fierté à des collaborateurs en perte de motivation. S’enclenche alors un profond travail de communication et de réorganisation des agences, source d’excellents résultats financiers. Frédéric Verdavaine devient ensuite directeur général délégué du groupe, où il ajoute les réseaux de franchises à son portefeuille de compétences. « Une étape importante pour moi, car j’y ai découvert ce qu’était le métier d’entrepreneur en travaillant avec les franchisés », souligne-t-il.
Enfin, il parvient à la présidence et à la direction générale de l’immobilier géré, toujours au sein de Nexity. Trois volets composent son champ d’action : les résidences étudiantes, les résidences seniors et le coliving. À ses yeux, l’immobilier géré représente l’immobilier de demain. « Quand vous considérez un smartphone, la fonction première – celle de téléphoner – est devenue subsidiaire et ce sont les applications qui font la valeur de l’appareil. » Ainsi en est-il du produit « logement », désormais secondaire en comparaison avec les services qui s’y greffent. C’est ce que traduit l’émergence du coliving et du coworking, accélérée par le Covid et le développement de nouvelles formes de travail, via le nomadisme digital. Cette demande est dopée par la recherche d’une plus grande flexibilité que celle offerte par le bail classique et, caractéristique forte de l’immobilier géré, par la volonté de se fondre au sein d’une communauté.
Frédéric Verdavaine est formel : « nous sommes entrés dans une phase économique où le service sera le vrai sujet de création de valeur. » Il est particulièrement attaché à l’idée de plateforme de services. En plus de répondre à un besoin par un produit et à un usage par un service, les entreprises d’aujourd’hui doivent concevoir des écosystèmes pour satisfaire largement les problématiques de leurs clients. « C’est ça, la notion de plateforme : ma capacité à répondre à n’importe quelle problématique d’un consommateur, par moi-même ou par ma faculté à ouvrir ma société à d’autres, afin de créer de la valeur et de la richesse ensemble. » Par nature, une résidence étudiante s’inscrit étroitement dans la vie de son quartier et de sa ville. Raisonner en termes d’écosystème permet de concevoir une batterie de services interdépendants, au-delà de l’appartement en lui-même : circuits courts, mobilités douces, vie associative, démarches administratives auprès de la mairie, etc. « Le service devient la pierre angulaire de notre société. »
« Donner du sens au digital »
Outre les métiers de service, le digital constitue l’autre constante essentielle du parcours de Frédéric Verdavaine. Il estime que la société a beaucoup mûri sur ce point : « il y a deux ou trois ans, mon discours aurait été tout autre ». L’appréhension du début, notamment des collaborateurs, est remplacée progressivement par la conviction que le digital permet de se concentrer sur le service et la satisfaction du client. Comment un dirigeant parvient-il à diffuser cet état d’esprit parmi ses collaborateurs ? « La première chose est de ne pas être incantatoire, de ne pas prétendre que l’on n’a pas le choix », assure Frédéric Verdavaine. Il s’agit plutôt de donner du sens, en expliquant pourquoi le métier d’un collaborateur va devenir plus intéressant. « Faire une visite d’immeuble avec une tablette où les éléments sont pré-remplis, c’est permettre d’avoir plus de temps pour discuter avec le client. »
Deuxième étape : la formation, parce qu’il y a des incontournables à maîtriser. En l’espèce, le e-learning a des vertus intéressantes puisqu’il permet d’apprendre à la fois le savoir en tant que tel et l’utilisation de supports numériques. Enfin, il faut créer des ambiances propices à cet engouement digital, comme la création d’un start-up studio pour incuber de jeunes entreprises en interne et favoriser le mélange de profils qui ne se côtoieraient pas autrement. « C’est l’alchimie de tous ces éléments qui catalyse l’acceptation et le recours au digital », conclut-il.
Service et digital sont autant les fondements d’un parcours singulier que du renouvellement à l’œuvre en matière d’expérience client. Une expérience plus que jamais multicanale. Dans ce contexte, le Net Promoter Score (NPS) s’invite dans toutes les réflexions. « Pour réussir, les entreprises doivent assurer un même standard de performance quel que soit le canal utilisé par le client. » De là à prédire l’avènement du tout digital ? « Je n’y crois pas une minute, celui qui gagne reste celui qui serre la main du client. » Au contraire, Frédéric Verdavaine juge que la crise sanitaire réaffirme notre besoin d’une relation humaine de qualité. La clé, dès lors, serait l’authenticité. Ne plus sur-promettre ou se confondre en discours éthérés, mais faire ce qui est annoncé. « C’est ma façon et mon ambition d’être un leader, d’être un homme de service et de conduite de changement. »