Interview de Frédéric Bedin, président du directoire de HOPSCOTCH Groupe qui a su imposer son entreprise comme la référence européenne en relations publics.
Comment vous est-venue l’idée d’Hopscotch ?
Nous avons démarré en 1986 avec trois de mes amis, dont mon associé actuel, Benoit Desveaux. Nous étions alors étudiants et avons décidé de monter une société d’organisation d’évènements qui s’occupait en réalité de « Brand Content ». Internet n’existait pas et c’est le contenu des évènements qui permettait de communiquer. Nous avons créé des évènements afin de capter l’attention des journalistes et nous avons proposé des sujets qui ne pouvaient que susciter leur intérêt.
Notre originalité nous a permis d’acquérir des clients comme L’Oréal, Thomson ou Alcatel. Nous avons alors rencontré Lionel Chouchan, qui avait créé son entreprise en 1968. Il se plaçait comme l’un des grands précurseurs dans les relations publics mais aussi et surtout, dans la création de contenus originaux. Nous avons commencé à développer des évènements ensemble. Fin 1992, nous avons décidé de fusionner nos entités, que nous avons choisi d’appeler le Public Système. Nous sommes par la suite entré en bourse mais nous étions bien loin des secteurs traditionnels. Nous avons eu beaucoup de difficultés à expliquer nos métiers aux investisseurs, et ce, à tous les niveaux, car nous étions dans la communication innovante.
Vous dites souvent qu’internet a particulièrement influencé votre métier. En quoi au juste ?
L’innovation qu’est Internet a bouleversé, sans qu’il soit possible de le contester par quiconque, nos habitudes de communication. Tout ce que l’on pouvait transmettre au travers des relations presse et de la communication traditionnelle à l’aide d’un porte-voix, est devenu obsolète. Internet est désormais au cœur de notre innovation et de notre performance. Cette vérité s’applique à tous les stades dans ce que j’appelle la stratégie du diabolo. On organise un évènement, qui représente le milieu du diabolo ou du sablier. Toute la période en amont symbolise la « descente ».
On va vers l’évènement, on invite les gens, on les fait travailler ensemble, on crée des rumeurs et des envies. Puis, vient le moment intense, celui de l’évènement. Ensuite, il y a la longue traine et on communique tout azimut sur ce qui s’est passé. Tous les gens qui ont participé à l’évènement se placent alors comme des vecteurs de la communication car ils tweetent, ils écrivent des posts sur Facebook et ils en parlent autour d’eux. Si 400 personnes participent aujourd’hui à un évènement, ils vont tous communiquer de manière exponentielle. Internet nous a, en ce sens, apporté une aide considérable car les investissements de nos clients
ont eu des retombées qui leur ont amené une pleine satisfaction. Nous avons investi sur l’ensemble de nos métiers afin de faire en sorte de devenir des experts, non seulement de la création de contenus, mais aussi de l’organisation et de la gestion de l’impact. Aujourd’hui, sur les 580 collaborateurs du groupe, près de 300 s’avèrent être des spécialistes des réseaux sociaux.
Vos collaborateurs travaillent-ils dans vos locaux ?
La majeure partie d’entre eux se trouve ici, au siège, proche de Bourse, même si 80 demeurent encore rue de Clery, située juste à côté. Une vingtaine se trouve à Lyon et environ 15 à 20 collaborateurs sont à Dublin. Cette dernière cellule parle toutes les langues européennes afin de pouvoir faire du community management au sein de toute l’Europe. Elle nous permet d’être très réactifs. Nous sommes par ailleurs en train d’implanter le même concept à Casablanca pour tout ce qui touche l’Afrique.
Autrement, nous avons emménagé ici en juin 2015. Le choix du lieu s’explique par le fait qu’il s’agit d’un point central et aussi parce que nous voulions faire de notre immeuble une destination où tout le monde aurait envie de venir. L’immeuble possède tous les atouts de convivialité. On y est normalement mieux que chez soi pour travailler, on place tous nos efforts dans cette direction. La boîte de nuit présente à l’intérieur nous permet de partager des moments de détente, les salles de brainstorming des moments de cocréation, les open-spaces de travailler en équipe, se soutenir et s’entraider, et les terrasses pour se réunir au soleil, si besoin est.
Comment qualifiez-vous votre activité ?
Je pense qu’elle peut être qualifiée de communication innovante. Elle consiste à fabriquer du contenu pour s’en servir de prétexte de prise de parole vers des communautés qui peuvent être soit internes, soit externes tels que des journalistes, des amateurs de bowlings… En bref, des personnes de tous les horizons. Grâce à ce prétexte de prise de parole, nous pouvons animer des communautés online ou via les médias traditionnels.
Cela se fait par le biais de ce qu’on appelle les médias « paid, earned, shared, owned », c’est-à-dire les médias que nous achetons, ceux que nous méritons car on a des infos intéressantes et pertinentes, les médias que nous partageons et que chacun partage, mais aussi les médias que nous possédons en interne. Nous avons été les premiers à mettre au point des web TV pour le compte de clients. L’une des choses passionnantes est que nous travaillons sur des évènements parfois internationaux. Ainsi, nous pouvons avoir un client japonais, et en même temps un évènement qui se passe à Rio avec le cœur de l’organisation à Paris.
Tout a-t-il toujours été facile, depuis le début ?
Ce n’est jamais facile ! Le plus difficile reste de se montrer innovant en permanence afin que les clients aient envie de travailler avec nous. Il y a beaucoup de concurrence et nous sommes arrivés sur un marché détenu par deux énormes mastodontes. Ils existaient déjà à la création de l’entreprise. Ils exerçaient déjà un pouvoir considérable sur les médias dont certains dépendaient d’eux, notamment par la publicité. Quand vous arrivez et que vous n’avez que 22 ans, rien ne justifie qu’on va vous faire bosser vous et pas un autre. Il faut pour cela faire quelque chose de novateur que les autres ne font pas.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans les relations publics en créant des contenus : l’entertaining qui n’existait pas alors. Au début, il faut justifier de son existence par rapport aux grands groupes. Il ne suffit pas de dire qu’on est moins cher. Il faut se montrer différent, plus créatif. Aujourd’hui, il en va de même et cela justifie nos 6 % d’augmentation de chiffre d’affaires alors que le reste du marché baisse de 4 %.
Comment réagissez-vous face aux difficultés ?
Chaque jour, il faut s’attendre à ce qu’il y ait un pépin. La plus importante difficulté demeure de faire grandir son entreprise. Il faut pouvoir assumer que chaque jour il peut y avoir une mauvaise nouvelle, et qui n’est pas forcément attendue car autrement, on pourrait évidemment s’y préparer. A contrario, il y a aussi chaque jour de bonnes nouvelles. Il est nécessaire de rester zen, de positiver, de rebondir sur les mauvaises nouvelles, mais elles n’arrivent généralement pas directement aux oreilles du dirigeant.
Et quand elles parviennent aux équipes, les comportements sont différents : certains peuvent être effondrés, d’autres tentés de les cacher. Le rôle du dirigeant est de faire en sorte d’être le plus vite possible au courant pour pouvoir intervenir, prendre les mesures nécessaires et soutenir le moral des équipes si besoin. « Bill Gates dit ainsi qu’une bonne entreprise est une entreprise où les mauvaises nouvelles vont plus vite que les bonnes ».
Hopscocth demain, comment le voyez-vous ?
Le grand projet actuel réside dans l’alliance que nous sommes en train de créer avec Sopexa, une agence de plus de 30 ans et qui avait pour mission au départ de promouvoir le savoir-faire agricole et gastronomique français dans le monde. Sopexa est aujourd’hui présent au sein de 28 pays. Le cœur de notre collaboration est de créer ce nouveau réseau mondial de relations publics avec un ADN différent de celui des grands groupes anglo-saxons historiques. Ces derniers se sont tous créés autour de la communication financière et du lobbying politique, alors que nous sommes dans le lifestyle, l’entertainement, le luxe, le vin…, ce qui constitue un autre angle d’attaque qui intéresse pas mal les gens.
Ce n’est pas seulement une approche sectorielle mais également une approche selon le style de vie. Lorsqu’on s’adresse au consommateur, le cours de la bourse de la société qui lui vend un produit est de loin sa dernière préoccupation. Si l’on évoque des sujets qui vont impacter ses enfants ou ses activités du week-end il est davantage réceptif. Vous seriez surpris d’apprendre que le consommateur chinois, par exemple, est sensible à la qualité. La consommation de masse, qui était leur seul critère ces dernières années, est en train d’évoluer et l’écologie fait partie maintenant de leurs centres d’intérêt. Les normes antipollution s’avèrent bien supérieures pour les voitures à celles européennes. Ils sont soucieux du respect des process par les marques.
comment avez-vous faiT pour gérer vore équilibre Vie professionnelle / vie personnelle ?
Je pense que je n’ai jamais eu de problème à gérer vie professionnelle et personnelle car nous avons toujours été plusieurs associés. C’est d’ailleurs un conseil que je donne car être entrepreneur peut nécessiter une présence 24h/24 et 7j/7, et si on est tout seul, cela peut vite devenir insupportable. Surtout, du fait que les clients veulent voir le patron. Et à partir de deux, on peut se dire cette semaine c’est moi, l’autre semaine, c’est toi. Du coup, à partir du moment où l’on a confiance, on peut partir en vacances.
Les 4 Conseils de Frédéric Bedin
- Le faire : n’ayez pas peur !
- Faites-le avec des associés.
- Suivre son idée mais rester extrêmement pragmatique : si vous avez un client mais qu’il veut autre chose, il faut vendre l’autre chose. Si vous voulez vraiment vendre cette première chose, vous ferez un bundle pour faire découvrir votre premier produit.
- Essayez de vous positionner sur des marchés pas trop étroits. Ne cherchez pas à vendre l’escarpin rouge en 38 uniquement. Pour un peu que la personne fasse du 36 ou du 40, vous risquez de vous trouver enfermé.
« Bill Gates dit ainsi qu’une bonne entreprise est une entreprise où les mauvaises nouvelles vont plus vite que les bonnes. »