François Guarino, à la tête de l’agence évènementielle Groupe FG Design, fait partie de la nouvelle génération issue du domaine des expositions. Poursuivant son développement à l’international et en régions, le groupe fête, cette année, ses 40 ans d’existence. L’occasion de s’entretenir avec son dirigeant.
Qu’est-ce qui vous a amené à monter votre propre agence ?
Après l’obtention du baccalauréat, j’ai fait le choix d’intégrer la prépa Penninghen, une école supérieure d’arts graphiques. Je souhaitais devenir architecte mais les mathématiques n’étaient pas ma matière préférée, je me suis dirigé vers l’architecture d’intérieur. Quarante ans plus tard, il est troublant de se rappeler la manière dont tout a commencé, je n’imaginais pas un tel parcours. Pour revenir à mes débuts, le simple métier d’architecte ne m’a, au fil du temps, plus convenu. J’ai perçu dans l’éphémère un rythme beaucoup plus intéressant : on crée, on fabrique, on monte et on démonte, dans un laps de temps très court. à la suite de ce constat, j’ai décidé d’aller étudier à l’ENSA-MA au sein de la section « stands et espaces éphémères » afin d’y découvrir ce nouveau métier.
Lors de ma dernière année, les cours ne sont plus devenus mon objectif principal et j’ai commencé à travailler à droite, à gauche avant de me retrouver face à un dilemme : intégrer une agence ou fonder la mienne avec un ami. J’ai opté pour la deuxième option. Nous nous sommes jetés à corps perdu dans cette aventure, sans aucune formation en gestion d’entreprise. Nous fabriquions des stands, les démontions… En résumé, nous sommes partis de zéro. Aujourd’hui, FG Design représente une solution adaptée aux espaces de rencontres, roadshows, boutiques, salons… Ce qui nous caractérise demeure la recherche de la nouveauté dans le design, l’événementiel, le digital et la gestion de projets à l’international.
Votre associé a, depuis, fait le choix de quitter le navire… Pourquoi, selon vous ?
Le rythme de travail ne lui convenait pas. Au bout de cinq ou six ans, nous avons commencé à obtenir des résultats. Nous avons mis les pieds dans un milieu très fermé, où tout le monde se connaissait. Nous représentions, en quelque sorte, la nouvelle vague. En positionnant les stands de manière différente avec de la scénographie ainsi qu’un design spécifique lié davantage au domaine de l’évènementiel, nous faisions, pour ainsi dire, partis de la nouvelle génération. Mon associé, Patrick Herry, a, sans aucun doute, su donner les lettres de noblesse à l’agence en concevant de très beaux stands mais il s’y consacrait totalement alors que, moi, je lançais le concept puis, constituais une équipe pour la finalisation du projet. Il suscitait une bonne image de marque alors que, de mon côté, j’attaquais dans le pur et dur, à savoir, le développement commercial.
Ce sont là deux façons de faire très différentes et, à un moment donné, nous ne nous y sommes plus retrouvés. Soutenu par mes équipes projet, j’allais, naturellement, beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. Je réalisais près de 90 % du chiffre d’affaires. Lui, se sentait un peu perdu malgré des résultats remarquables au niveau de la création et le fait qu’il ait participé à la reconnaissance de l’agence au sein de la profession et des exposants. Nous nous sommes ainsi quittés, quinze ans après le lancement de l’entreprise, mais sommes restés bons amis.
Comment passe-t-on de 2 à 180 personnes ?
Au fil des années, nous nous sommes progressivement développés à l’étranger avec des grands comptes dans l’aéronautique, l’automobile et autres grands comptes. Nous avons ressenti le besoin de nous entourer rapidement. Aussi, nous sommes alors passés de deux à cinq salariés, de cinq à dix, de dix à vingt, de vingt à cinquante, et ainsi de suite. Nous nous sommes petit à petit structurés en intégrant des mettre des minuscules des commerciaux, des designers, des chargés de production, des responsables. Dans les années 90, tout cela a commencé à prendre de l’ampleur pour donner naissance au groupe. Les quatre filiales de la maison mère, HG Créations, ont été regroupées sous le label Groupe FG Design. Cela avait du sens du point de vue de notre développement, international puis en régions avec le rachat d’entreprises basées à Lille, Bordeaux et Lyon, notamment.
Vous avez remporté le Prix UNIMEV 2014 de la Créativité en Design de la Rencontre. En quoi cet évènement fut-il particulièrement marquant ?
C’était le premier évènement impliquant un prix associé à notre activité à l’initiative de l’UNIMEV. Ensuite, dépourvus d’un solide argumentaire, d’un marketing ou même d’une communication efficace, nous étions inconnus et passions un peu pour les vilains petits canards. Nous nous prétendions agence mais n’avions pas les paramètres pour. Nous avions déjà travaillé comme agence de design & stand pour EDF puis pour ERDF et, ce dernier, avait décidé de nous passer commande d’un showroom. Peu de contrats de ce type existaient à l’époque. Nous y avons vu là une belle opportunité et avons décidé de relever le défi.
D’un côté, nous étendions notre offre pour un client qui avait décidé de nous faire confiance, ce qui nous a permis de développer une politique grands comptes avec principalement des entreprises du CAC 40 comme GRDF, Sanofi ou Orange. Un véritable socle pour FG Design car cela représente, aujourd’hui, près de 60 % de nos activités en France et, en même temps, un moyen d’asseoir notre notoriété. De l’autre, le stand se présentant comme modulable, c’est-à-dire qu’il pouvait être démonté puis remonté, nous en avons profité pour acquérir un savoir-faire éco durable et une certification Label ISO 20121. Cette année, lors du congrès des SYT (See You There) D’OR, organisé à Marseille, nous n’avons pas remporté de prix mais ce n’est pas grave car l’important reste que ce soit la profession qui le gagne.
Un an plus tard, vous rachetez Depack Design et devenez une ETI française porteuse du design de marque et de la french touch. Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui ont motivées ce rachat ?
Lorsque vous investissez dans un déploiement commercial, deux solutions se présentent à vous. La première consiste à développer une équipe commerciale en interne mais cela nécessite une année d’investissement avec plus ou moins de bonheur et de satisfaction. Lorsqu’on en a l’occasion et que l’histoire le permet, l’acquisition se place comme une seconde option. Il reste plus simple de racheter une société qui ne dispose pas des moyens financiers lui permettant de travailler avec les grands comptes. Une acquisition demeure, avant toute chose, une rencontre humaine, mais aussi un bon deal. Si l’entreprise en question a besoin de fonds, de notre côté, nous pouvons investir pour elle.
Nous bénéficions par ailleurs d’un chiffre d’affaires qui nous permet d’amortir rapidement l’acquisition. Les rachat sde Depack Design et de Maori nous ont permis de nous positionner sur la face atlantique puisque, pour nous, Bordeaux devient la référence : un LAB, celui-ci devenant une agence hybride, composé d’événements, de digital et d’architecture éphémère. Nous avons fait le choix de garder le nom de la marque, Depack Design, au vu de sa légitimité en régions et allons intégrer leurs équipes en interne afin qu’il y ait une représentation du groupe plus homogène et compréhensible par nos clients.
Quelle est la plus grande difficulté rencontrée au cours de l’aventure et comment avez-vous fait pour la surmonter ?
Le problème demeure que nous subissons une mutation de notre métier. Ceux qui le connaissaient bien constituent une génération qui a disparu du fait de la restructuration. Beaucoup font du stand mais pas de l’évènement, et inversement. Le ROI (Return Of Investment, retour sur investissement, en français, ndlr) fait partie des éléments indispensables que l’on doit produire à nos clients afin qu’ils continuent à investir. Malgré tout, il reste difficile d’amener de grands dirigeants à investir durablement dans les salons.
Pour résoudre cette problématique, nous fournissons trois guides : un support planning qui rappelle les dates incontournables et la procédure à suivre pour exposer, un guide des achats des stands et autres prestations associées ainsi qu’un guide visant à mesurer et à optimiser son ROI sur un salon. Nos confrères se montrent souvent réticents à exposer publiquement ce type d’informations. Selon moi, parler de notre métier reste essentiel et cette forme de transparence se présente aussi comme un élément de différenciation. Nous faisons partie de la médiation interentreprises afin d’entretenir de meilleures relations avec les exposants et surtout, avec les acheteurs. Plus l’on discute, mieux l’on se comprend. Avec Crealians, dont je suis le Président, nous prêchons la valorisation du savoir-faire.
Quelle vision avez-vous du monde de l’entrepreneuriat ?
Les jeunes n’ont plus qu’un seul mot à la bouche : start-up. On remarque toute une génération qui détient l’envie de créer. Auparavant, les jeunes diplômés passaient par un grand groupe et montaient leur entreprise par la suite. La question à se poser est donc : aujourd’hui, y a-t-il un marché pour tout le monde ? Je ne crois pas et il est difficile de se réaliser au sein d’un marché en totale mutation. Créer et savoir si, quelques mois plus tard, un marché existe dans le domaine visé s’avère, aujourd’hui, beaucoup plus compliqué puisqu’il se révèle fermé. Il faut également avoir la bonne idée et posséder des qualités et valeurs indispensables telles que du caractère, du dynamisme, de la volonté, de l’opiniâtreté… Beaucoup ont néanmoins regretté de ne pas avoir sauté le pas car ils estiment qu’ils n’ont pas réussi leur vie,alors, à vous de jouer !
4 Conseils de François Guarino
- Ne pas hésiter à demander et faire appel aux professionnels. Il en existe qui sont bienveillants, il ne faut pas croire que nous vivons dans un monde funeste.
- Être lucide quant à ses propres capacités. Chacun a son job.
- Conserver ses valeurs. Cela passe par le simple fait de dire bonjour et de respecter l’autre.
- Prendre les choses de manière un peu décalée, avec de la hauteur.Rien n’est grave, la vie est trop importante pour ne pas en profiter. Sans vouloir déplacer les montagnes, parfois, en étant volontaire et obstiné, on y parvient.
« Nous avons mis les pieds dans un milieu très fermé, où tout le monde se connaissait. Nous représentions, en quelque sorte, la nouvelle vague. »