En huit ans, ce sont plus de soixante points de ventes qui ouvrent avec l’ambition de devenir une marque forte. Reconnue de ses pairs, l’enseigne est en train de dépasser ses objectifs. François Bultel, cofondateur du réseau boulangeries ange, nous délivre la recette de leur succès.
Racontez-nous votre parcours dans l’agroalimentaire.
Je suis ingénieur en agriculture. Ma carrière débute en 1992 chez Auchan où je travaille en qualité de chef de rayon puis acheteur Boulangerie en centrale d’achat. En 1996, je rejoins Aldis, un réseau de grossistes indépendants pour la restauration afin de développer le réseau et la clientèle en boulangerie-pâtisserie. En 2001, j’en deviens le directeur régional Sud-Est, puis le directeur exécutif après le rachat par notre concurrent, Prodirest. Rebaptisé Transgourmet, je me charge de toute la partie commerciale et achat jusqu’en 2010. En parallèle, je fais mes premiers pas d’entrepreneur avec l’aide de ma femme, à la fin de l’année 2008.
Une affaire de famille alors ?
Je ne me voyais pas rester cadre toute ma vie. Ma passion ? La boulangerie. Alors pourquoi ne pas avoir la mienne ? Le 8 décembre 2008, à Miramas dans les Bouches-du-Rhône, nous fondons avec ma compagne, Patricia Gaffet, la première boulangerie Ange. Je reste au pôle commercial tandis qu’elle s’occupe de la partie administrative. À nos premières heures, nous nous associons à Patrice Guillois, un ami de longue date.
Comme moi, il était chef de rayon chez Auchan. Il a ensuite fondé les boulangeries Honoré à Nantes. Autour de nous, le besoin d’entreprendre se fait sentir. À quarante ans, on a envie de monter son affaire, on se dit que c’est possible. On profite de cette dynamique pour les inviter à prendre part à l’aventure. C’est ainsi que les premiers franchisés sont pour la plupart, des amis de plus de trente ans. J’ai été à l’école d’ingénieurs avec certains d’entre eux. Plus qu’une boîte familiale c’est une boîte de copains !
Pourquoi choisir de se développer en franchise ?
Je me souviens que cela a tout de suite marché partout ! Que ce soit à Lille, à Bordeaux, à Rouen, à Lyon comme à Marseille. À nos débuts, on comptait déjà en moyenne six cents clients par jour par boulangerie. Depuis le démarrage sur les chapeaux de roue, nous n’avons pas perdu le rythme. Notre offre plaît et la demande se renforce.
L’attente du consommateur est satisfaite donc le contrat est rempli : nous atteignons rapidement le seuil de rentabilité. Dès lors, nous passons à la vitesse supérieure, en recrutant davantage de personnes pour lancer de nouveaux points de vente. Le modèle de la franchise s’impose donc de lui-même. On veut se développer vite mais bien et faire mieux à chaque fois afin de renforcer l’esprit du réseau. Tout est dans le passage de flambeau ! On considère l’accueil d’un autre franchisé comme celui d’un nouveau membre dans une famille. Tout est affaire de transmission, sans aller jusqu’à parler d’héritage. Nous véhiculons nos valeurs et nos expériences communes pour faciliter leur intégration au maximum.
Vous accordez une importance à la transmission dans votre réseau de franchises. C’est-à-dire ?
Rien n’est plus important que la présence d’un patron pour veiller à la bonne gestion globale de son affaire. Dans une boulangerie, il faut être vigilant à la qualité du produit, sa fabrication et sa mise en vente. Celui-ci doit gérer ses équipes, l’animation du commerce et l’accueil des clients. Chez Ange, nous sommes sélectifs sur le recrutement de nos futurs dirigeants. Sans forcément établir de profil type, il s’agit généralement d’anciens cadres âgés de 40 ans environ. La sélection se fait naturellement sur les 2 000 candidatures reçues, en raison de l’investissement conséquent, nécessaire à l’ouverture d’une unité qui dépassera le million d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Ils passent un entretien téléphonique puis physique avec deux franchisés, suivi de deux jours d’immersion dans une boulangerie. Chaque nouveau membre doit être coopté par les anciens. Mais ce n’est pas tout. Notre culture d’entreprise est basée sur la transmission. Chez nous, tout se base sur l’échange et le partage. Avancez ensemble, sinon rien. Plus que des collègues, c’est une seconde famille. C’est-à-dire que le dernier entrant dans notre groupe sera forcément coaché par les premiers. Ces derniers m’aident à piloter le réseau, je leur délègue beaucoup de responsabilités. Je leur fais entièrement confiance pour tenir la barre et garder le cap en mon absence. J’ai à cœur de maintenir la qualité des relations humaines au sein de notre structure. On ne serait rien les uns sans les autres.
Comment la marque a-t-elle pris son envol ?
C’est en toute logique qu’Ange a étendu son réseau qui compte aujourd’hui soixante points de vente. Parmi eux, nous avons quarante-sept franchises et treize magasins en propre. Je sais que le marché est prisé et que nous avons besoin de nous développer encore plus vite. L’hyper-concurrence ne nous fait pas peur. Notre marque se démarque par son implantation majoritaire en zone périurbaine. Nous resserrons néanmoins le maillage territorial, en nous réimplantant dans les zones où le groupe est déjà présent, comme Lille ou la région parisienne.
En 2016, on a mis le cap sur l’Ouest de la France en nous installant au Mans en Pays-de-Loire, à Poitiers en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et enfin à Mittelhausbergen en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Avec une nouvelle cadence d’ouverture d’environ 30 boulangeries par an, nous souhaiterions avoir 100 à 150 points de vente dans notre parc en 2017. À long terme, on envisage de nous exporter et nous développer à l’international. En 2014, le groupe réalisait un chiffre d’affaires global de 38 millions d’euros. L’année suivante, grâce aux points de vente, le chiffre d’affaires a augmenté de 20 millions. Le gros avantage de la franchise est de pouvoir consacrer nos moyens au développement du réseau et d’avoir une croissance sur fonds propres.
Votre concept donne-t-il des ailes ?
Notre groupe entend casser les codes de la boulangerie artisanale. Ce secteur traditionnel ne demande qu’à être renouvelé. Le concept est efficace : des produits de qualité à un prix attractif, que nous soulignons par des opérations commerciales quotidiennes. Nous offrons aussi un programme de fidélité, des prix dégressifs, des promotions et des nouveautés régulièrement. Autre plus, nous préparons tout sur place aux vu et au su de la clientèle. Nous misons sur l’authenticité et l’efficacité. Pouvoir consommer du frais, à toute heure de la journée. Nous avons enrichi notre carte pour élargir notre public.
En plus de proposer une gamme complète de pains, de viennoiseries, de pâtisseries, nous nous lançons dans la restauration rapide salée. Notre sélection reste classique mais efficace avec des sandwichs, salades et pizzas. Ces basiques de la pause déjeuner peuvent dorénavant se consommer chez l’Ange Café au cœur de la boulangerie. Nous avons opté pour un décor sobre, esthétique et lumineux et avons mis à disposition un accès gratuit au Wi-Fi gratuitement. Nous faisons plus que de l’alimentaire, en proposant une réelle expérience de restauration. Notre ambition est de créer une vraie marque autour d’un réseau de franchisés. Il n’en existe pas à ma connaissance. Ange a les moyens de se démarquer et de se faire reconnaître de ses pairs. C’est dans l’ADN du groupe de repenser la boulangerie notamment en réponse aux grandes problématiques actuelles. L’agroalimentaire est au cœur des débats environnementaux.
Être différent c’est quoi pour vous ?
Nous désirons intégrer l’éco-durabilité dans le positionnement du réseau. Celui-ci se traduit par un choix de matières premières bioéthiques, gage de qualité et d’équité. Nous nous approvisionnons aujourd’hui à hauteur de 30 à 50 % en « Blé Agri Éthique France ». Il s’agit d’un accord à prix fixe sur trois ans passé avec les cultivateurs, désormais rassurés. à l’heure actuelle notre groupe achète 4 000 tonnes de blé et bientôt 10 000. Grâce au volume de nos commandes, nous garantissons aux agriculteurs des ventes à un prix correct. Nos faibles marges permettent de proposer des prix compétitifs à nos clients. Nous nous engageons auprès de nos fournisseurs et sous-traitants à une collaboration équitable à coût fixe et à long-terme.
C’est un gagnant-gagnant dans lequel nous ne faisons pas d’impasse sur la qualité. Les boulangeries bénéficient de produits certifiés et agri-éthiques, spécifiquement créés pour nous. Parmi eux, nous trouvons la farine, le fromage râpé ou encore la sauce tomate, tous sous l’appellation « Ange ». à l’ère du bio et du « manger mieux », cela n’en reste pas moins un excellent argument marketing. Notre démarche durable soigne l’image de la marque. En ne nous fournissant qu’auprès d’agriculteurs locaux, nous allons même plus loin. Le « Made in France » est apprécié du public « locavore ».
Pour conclure ?
Nous ne dérogeons à aucun de nos principes et notre marque s’inscrit par ailleurs dans une logique de solidarité en faisant don de ses invendus à des associations. Chaque semaine, dans chacun des points de vente, ce ne sont pas moins de 500 euros de marchandises qui vont aux plus nécessiteux. Les modes de consommations changent et nous nous devons d’évoluer en mieux. Lutter contre le gaspillage et la faim, c’est mener de front deux problèmes graves de notre secteur.
Il ne s’agit pas d’un coup marketing, seulement de rétablir un peu d’équilibre dans les rapports que nous avons. Nous pouvons nourrir ceux qui le nécessitent gratuitement alors autant le faire. C’est d’une logique implacable : nous n’attendons pas de lois pour acter ce qui nous semble juste. Nous ne cherchons pas à nous faire de bonne publicité à ce moment-là. La dimension humaine nous importe et j’insiste, nous veillons à notre environnement au sens large : que ce soient avec nos partenaires, nos employés ou nos clients.
4 Conseils de François Bultel
- BIEN SE CONNAÎTRE L’entrepreneuriat n’est pas fait pour tout le monde, il faut déterminer si on a le tempérament adéquat.
- AVOIR LE SENS DU SACRIFICE. Ne pas compter ses heures et accepter quelques nuits blanches
- OSER PRENDRE DES RISQUES. On a rien sans rien, il ne faut pas compter ce que l’on perd pour se concentrer sur ce que l’on va obtenir.
- NE PAS CRAINDRE L’ÉCHEC. C’est une expérience plus formatrice que la réussite.