Fleet ou la professionnalisation de la gestion du parc informatique

Alexandre Berriche répond à nos questions sur les débuts de Fleet jusqu’à aujourd’hui. L’entreprise qui connaît une expansion rapide a su traverser la crise sanitaire sans pour autant lever de fonds.

Quel a été votre parcours jusqu’à la création de fleet ?

Pour rester concis, j’ai commencé en finance en Private Equity. L’opérationnel m’a rapidement attiré, c’est pour cela que j’ai rejoint Rocket Internet, un incubateur Allemand, connu notamment pour ses participations aux succès de marketplaces et de e-commerce dans des pays émergents, en suivant un modèle « copycat ». Je suis resté chez eux deux ans pour construire leurs opérations en Afrique notamment avec Jumia, qui est le Amazon africain et leader du e-commerce en Afrique. C’était la première licorne africaine. Chez eux, j’étais Head of operations d’Afrique du Nord, puis directeur général de la Tunisie. Après cette aventure, j’ai rejoint Ironhack, une edtech en code, design, data ou cybersécruité. J’y étais directeur des opérations et de l’expansion internationale pendant deux ans. Je gérais la boîte au jour le jour ce qui m’a permis de développer des compétences essentielles de l’entrepreneuriat. Enfin, j’ai lancé Fleet il y a maintenant trois ans.

Comment avez-vous rencontré votre co-fondateur ?

Je l’ai connu chez Jumia, au Maroc. Travailler beaucoup ensemble nous a rapprochés si bien que nous sommes devenus très amis. Nous connaissons nos qualités professionnelles qui sont complémentaires et nous avons confiance l’un en l’autre. Ces deux éléments nous ont permis de poser des bases solides dans notre relation de co-fondateurs associés.

Comment vous est venue l’idée de Fleet ?

J’étais déjà dans un processus intellectuel de recherche d’une idée qui me plaît. J’avais quelques critères en tête car je voulais plutôt faire du BtoB et avoir une typologie de clientèle start-up sur un gros marché. J’aimais bien cette notion de choisir une verticale, comme Alan l’a fait pour l’assurance santé. Je pense que cette démarche m’a permis de structurer ma pensée. Pour la petite histoire, un jour, j’ai cassé mon ordinateur professionnel et c’était vraiment difficile. Je me suis retrouvé à aller en acheter un à 11h00 du matin à la Fnac, dans l’urgence sans savoir quel modèle acheter et l’assurer ou non. Je me comportais comme un particulier.

Pourtant, je travaillais dans une entreprise de 150 personnes, qui faisait 20 millions de chiffre d’affaires. Je n’ai pas eu l’idée tout de suite. Après cet évènement, je me suis dit : « C’est fou, à chaque fois que je recrute des personnes dans la boite, je me retrouve à acheter des ordinateurs à la dernière minute, c’est vraiment chaotique ! ». Quelques semaines après, mon patron de l’époque, celui d’Ironhack, m’a dit de passer toute l’Europe en leasing. Il trouvait peu rentable que nous achetions tous les ordinateurs et de les payer au comptant. C’est à ce moment que j’ai eu un déclic et que l’idée est véritablement née, celle de créer un service d’abonnement mensuel digital qui permet à une start-up ou une PME d’acheter un ordinateur ou de l’avoir à disposition, de manière qualitative, avec une garantie, une plateforme de gestion.

Quels ont été les grands challenges du début et quelles ont été les grandes étapes de l’entreprise ?

Notre premier grand challenge c’était d’abord une décision : celle de ne pas lever de fonds. Ne pas lever de fonds impose une rigueur absolue, une détermination et une ambition à toute épreuve. Nous avons constamment cherché à rester dynamiques et constants dans notre travail pour assumer cette décision. Je pense que ce choix nous a réussi puisqu’en 2021, nous avons réalisé six fois le chiffre de 2020. Nous avons dépassé le million par mois au mois de novembre 2021. Nous avons donc bien évolué pour une entreprise qui a bientôt trois ans mais qui reste donc relativement jeune aux effectifs réduits.
Après le lancement en avril 2019, évidemment, la COVID est arrivée. Le premier confinement nous a fortement touchés, comme de nombreuses entreprises. Geler les recrutements alors même que nous venions à peine de recruter nos deux premiers salariés, faire face à une chute drastique des commandes Fleet, le tout sans lever de fonds, nous a beaucoup fragilisés. Cette période d’incertitude nous a fait peur mais nous avons su remonter la pente et relancer les recrutements en nous focalisant sur la croissance des commandes.

Est-ce que vous avez rapidement réussi à vendre ?

Oui clairement nos premières ventes se sont faites dès le lancement officiel et cela a été assez confortable. Au lancement de Fleet, nous avons eu de la chance car nous avons tout de suite fait beaucoup de ventes. En fait, je pense que nous avions bien compris notre marché, bien positionné notre offre et que nous avons rencontré ce qu’on appelle un product- market fit. Après nos difficultés liées à la Covid, nous avons beaucoup grossi et j’ai pu alors constater que la croissance n’est absolument pas linéaire. Malheureusement, il ne suffit pas de tracer une droite pour que les ventes se fassent de manière continue. Quand on grandit, on doit être prêt à passer par des moments forts mais aussi des moments plus faibles de stagnation. Il faut savoir garder du sang-froid face à tout cela.

Quelles ont été les étapes suivantes ?

Nous sommes enfin sortis de la COVID et nous avons su nous concentrer sur les sujets qui ont eu de l’importance pour notre croissance : notre technologie et notre design qui nous positionnent sur les verticales des startups et PME, le recrutement à des postes stratégiques (développeurs, data analysts, designers). Poser ces fondations solides nous a permis par la suite d’accélérer commercialement et en marketing.

Quels vont être vos futurs challenges ? Vos grands défis ?

Nos grands défis à venir ? Il y en a plusieurs. Nous avons envie d’attirer et de grossir rapidement. Nous voulons élargir notre taille de clientèle. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de clients qui sont des start-ups ou des scale-ups. Nous commençons à séduire des PME et nous voulons en servir davantage !
D’un point de vue produit, nous avons lancé les PC et nous souhaitons qu’ils participent plus à notre CA qui est aujourd’hui plus alimenté par nos produits historiques : les Macbook.
Côté expansion internationale, nous lançons Fleet en Espagne. Cela représente une grande étape de notre développement.
Nous rencontrons également des enjeux de R&D. Notre produit est différencié et avancé dans le parcours d’achat, la gestion de flottes… Cependant, nous souhaitons continuer à y investir pour creuser encore plus notre différenciation et notre avance.
Enfin il y a des défis du quotidien comme savoir bien jumeler à la fois les performances et en même temps, les résultats à long terme, comme c’est le cas pour toutes les entreprises.

L’avantage concurrentiel est d’abord dans la technologie, si je comprends bien ?

Oui, il est beaucoup dans la technologie et à plusieurs niveaux. D’abord, notre onboarding est très simple car il permet en trois clics d’acquérir un ordinateur. C’est une différence énorme avec nos concurrents qui sont des acteurs plus traditionnels pour qui il faut deux semaines pour soumettre un contrat. Dans notre cas, c’est quasiment instantané et cela donne une impression de « wahou » pour nos clients.
Notre plateforme permet également de gérer sa flotte et de la renouveler. Cela crée de la valeur pour nos clients et leur permet de se professionnaliser dans certains cas. Il demeure assez rare de proposer un produit financé avec une garantie derrière. Cela permet aux entreprises d’avoir un « one-stop shop », entre guillemets. Ils viennent chez nous et obtiennent le produit, son financement, sa garantie et la plateforme de gestion. Enfin, la technologie est aussi présente en interne avec des outils technologiques qui nous permettent de gérer de nombreux flux mais de façon très efficiente, et de répondre très rapidement au client.

Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a surpris depuis que vous avez créé votre propre structure ?

Avant de diriger Fleet, j’avais un rôle de dirigeant dans une autre start-up, et très jeune, j’ai eu des rôles de dirigeant. Chez Jumia, j’étais directeur de pays et chez Ironhack, j’étais directeur COO, directeur des opérations groupe. Pour autant, je perçois une vraie différence entre occuper un poste de dirigeant et diriger une entreprise que j’ai créée : il y a plus de responsabilités et un peu plus de pression. En effet, payer ses employés chaque mois et faire en sorte que la croissance soit durable sur le long terme sont des facteurs qui accentuent la pression du dirigeant mais qui procure parallèlement une satisfaction immense. 

« Notre plateforme permet également de gérer sa flotte et de la renouveler. Cela crée de la valeur pour nos clients et leur permet de se professionnaliser dans certains cas. Il demeure assez rare de proposer un produit financé avec une garantie derrière. Cela permet aux entreprises d’avoir un « one-stop shop ». »

3 Conseils d’Alexandre Berriche

  1. Être ambitieux. Essayer de projeter une idée sur du moyen terme et viser haut. Je pense que l’ambition, c’est quelque chose d’important quand on est entrepreneur.
  2. Avoir de la ressource et constamment chercher des solutions. Sans relâche, il faut toujours savoir rebondir, trouver des solutions, être « ressourceful », comme on le dit en anglais. C’est une grande qualité de pouvoir être plein de ressources et de solutions. Dans l’entrepreneuriat, nous rencontrons toujours des situations auxquelles nous ne sommes pas préparés, pour lesquelles il faut avoir du bon sens et rebondir.
  3. Savoir se construire un réseau d’autres entrepreneurs, en cherchant à s’entourer des entrepreneurs qui sont des modèles pour nous, avec plus d’expérience et qui peuvent nous aider en partageant leurs apprentissages. C’est une raison pour laquelle j’apprécie d’être business Angel : « Je suis passé par cette situation et c’est cette solution qui a marché dans mon cas »
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