FEVE, l’entreprise qui met l’épargne citoyenne au service de l’agriculture de demain

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Interview de Vincent Kraus, cofondateur de l’entreprise, FEVE, qui nous partage sa passion pour l’agroécologie.

Comment vous est venue l’idée de créer FEVE ?

Tout part d’une « claque » environnementale que j’ai prise il y a quelques années. J’avais une entreprise dans la téléassistance pour les personnes âgées, que j’ai cédé depuis à une mutuelle. J’ai eu envie de redémarrer une activité mais qui ait un impact positif sur l’environnement. Je me suis intéressé à de nombreux domaines et, assez vite, je me suis focalisé sur l’agriculture. Pour moi, elle est au cœur de la transition que nous devons mener. En effet, elle touche à la fois les problématiques de carbone, de biodiversité et de gestion du territoire.

Elle est également liée à ce que nous mangeons tous les jours, donc à notre santé. Je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreuses actions à mener et que la transition agroécologique n’allait pas assez vite. J’ai rencontré une tonne de personnes et je me suis informé. C’est ainsi que j’ai rencontré mes associés et que j’ai décidé de me consacrer à ce secteur. Ensemble, nous avons essayé de réfléchir à comment accélérer cette transition agroécologique.

Quand était-ce ?

J’ai rencontré mes associés en 2020. Nous nous sommes alors posé la question de comment procéder. Nous avons constaté qu’en France, la moitié des agriculteurs sont en train de partir à la retraite. Plutôt que d’essayer de changer les pratiques des gens en place, nous nous sommes plutôt intéressés à ceux qui vont les remplacer. C’est ainsi que nous avons décidé de favoriser des installations plus vertueuses pour l’environnement.

Nous avons constaté que les deux tiers des installations, aujourd’hui, se faisaient hors-cadre familial. Ce sont des personnes qui n’héritent pas les terres de leurs parents, contrairement à ce que l’on peut penser. Or, pour ces personnes, l’accès au foncier est un des principaux freins à l’installation. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer une structure qui a pour objectif de faciliter l’accès au foncier pour des gens qui veulent s’installer sur des pratiques en agroécologie. La création de l’entreprise s’est réalisée en septembre-octobre 2020.

Quelles ont été les premières grandes étapes de l’entreprise ?

La première étape essentielle a été le financement de l’installation de la première ferme qui a eu lieu pendant l’été 2021. Puis, la deuxième étape a été de créer une foncière solidaire pendant ce même été. Il est à noter que les deux premiers projets financés ne l’ont pas été par cette dernière. Cette création nous a permis d’avoir une structure pour lever de l’argent en continu et de financer les projets qui ont suivi. Ce sont pour moi, les deux grands « Milestones ». La troisième étape a été de collecter cinq millions d’euros au courant de l’année 2022. Et la prochaine grande étape, qui est en cours, c’est que nous sommes en train de faire entrer des institutionnels au capital de la foncière, aux côtés des particuliers afin d’accélérer le financement de projets.

Le business model est resté le même depuis le début ?

Le business model, c’est la création de la foncière qui achète des fermes pour les mettre à disposition sous forme de location, avec option d’achat, à des agriculteurs. Nous, nous rémunérons chaque fois que nous créons une ferme. Il y a une commission qui est nous versée en final, pour tout le travail réalisé en amont.

Pourquoi avoir changé de méthode de financement ?

Au départ, nous ne savions pas trop comment nous allions faire. Nous avons créé des GFA qui sont les équivalents des SCI. Au tout début, nous cherchions notre modèle. Nous réfléchissions à comment nous allions faire. C’est pourquoi les premiers projets ont été financés par des structures Ad hoc. Cela s’est révélé judicieux pour démarrer parce que cela nous a permis de tester sur le terrain, mais cela n’était pas valable pour un déploiement à grande échelle. Ces deux premiers projets nous ont permis de vérifier que nous étions capables d’accompagner des projets, de les installer et de trouver des investisseurs. Devant les bons résultats, nous avons mis en place une structure juridique qui permet de le réaliser de façon plus large et plus facile.

Quelle est la plus grande difficulté depuis le début et comment vous l’avez surmontée ?

Rien n’est facile en entrepreneuriat. Mais c’est encore plus compliqué dans le monde agricole. La raison principale est que les agriculteurs ont du mal à se payer correctement. Dès lors que vous créez un service pour eux, il faut réfléchir à comment cela sera financé parce qu’ils n’ont pas forcément toujours la capacité de payer. Le plus compliqué était d’arriver à faire en sorte de parler avec toutes les personnes du monde agricole. Parce qu’il y a les partisans de l’agriculture conventionnelle, d’autres de l’agriculture bio alors que d’autres parlent de culture régénérative.

Nous essayons de discuter avec tout le monde parce que nous sommes convaincus que si nous voulons réussir à installer le plus de monde possible, il faut qu’on puisse se faire entendre de tous et se faire connaître de tous les acteurs de l’écosystème. A défaut, il y a toujours le risque d’être considérés comme des gens qui viennent de l’extérieur et de passer pour des donneurs de leçons. Ce n’est pas du tout ce que nous essayons de faire mais cela nécessite souvent de prendre du temps et plusieurs rendez-vous. Maintenant, nous y parvenons et nous sommes plutôt satisfaits car nous sommes très bien reçus par tous les acteurs de l’écosystème agricole.

Vous venez de faire une levée de fonds de 1,7 Million. Pour quoi faire ?

Nous avons une activité dans laquelle nous avons besoin de travailler beaucoup en amont pour financer les projets. Comme je l’expliquais dans le business model, nous sommes payés au moment où le projet est financé. Nous avons donc des besoins en fonds de roulement qui sont assez importants. La levée de fonds a été faite par conséquent pour financer des recrutements afin de pouvoir développer l’activité un peu partout en France et avec des revenus qui sont un peu décalés.

Nous sommes actuellement présents dans l’ouest de la Normandie jusqu’à l’Occitanie et l’objectif, dans les dix-huit prochains mois, est de déployer l’activité partout en France. La deuxième raison, c’est que nous avons développé, en parallèle de la foncière, une plateforme digitale qui vise à faciliter l’installation de porteurs de projets et avec des outils, des contenus et des services. Cela s’appelle La Grange et l’objectif de cette levée, c’est aussi de déployer plus largement celle-là.

Quels sont vos objectifs à court-moyen-long terme ?

Notre objectif, reste d’être considéré comme la principale aide à l’installation agricole. Nous voulons faire en sorte que toute personne qui cherche à s’installer, pense à FEVE à la fois pour le côté financement via la foncière mais aussi pour La Grange. Nous voulons être considérés comme un des acteurs prépondérants de l’installation agricole à moyen terme. À court terme, l’objectif de cette année, c’est de financer avec la foncière entre dix et quinze projets ainsi que d’accélérer la collecte. Nous levons de l’argent auprès de particuliers et nous voulons lever encore un peu plus de dix millions d’euros. Nous espérons également doubler l’an prochain.

Vous avez réalisé plusieurs levées de fonds, je suppose ?

C’est en continu sur la foncière. Les 1,7 millions sont un peu à part. Ils ont vraiment été levés sur la société qui est gérante de la foncière. L’objectif n’est pas forcément de lever sur ces structures-là. Par contre sur la foncière, nous levons de l’argent, comme je le disais en continu. Nous avons dépassé les cinq millions l’année dernière. Là, nous sommes à huit à peu près et l’objectif, c’est de finir l’année à peu près à quinze. Cela fait partie des objectifs principaux de l’année puisqu’aujourd’hui, c’est là-dessus que nous devons avancer, c’est-à-dire d’accélérer la collecte. En effet, nous avons de plus en plus de projets intéressants à financer.

Finalement, le plus dur, c’est d’avoir des projets ou des financements ?

C’est un peu compliqué. Si vous m’aviez posé la question il y a six mois je vous aurais dit que c’étaient les projets. En ce moment, c’est davantage l’argent, parce que nous avons beaucoup travaillé sur l’identification des projets et beaucoup avancé sur leur montage. Par conséquent nous avons actuellement beaucoup de projets. Après je dirais que c’est un peu les deux car il faut avancer en cohérence sur les deux sujets en parallèle. J’ai tendance à penser que la plus grande valeur ajoutée que nous ayons c’est plutôt justement sur la partie projet : l’identification des projets et le montage des projets, ce qui est le plus compliqué à mon sens. Cependant, à court terme, nous avons davantage besoin de financement car nous avons moins travaillé cet aspect-là sur lequel nous n’avions pas de besoin immédiat.

Qu’est-ce qui m’a le plus surpris depuis le début ?

La diversité des projets qui nous sont proposés. Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui veulent s’installer dans le monde agricole avec des projets très différents. C’est assez étonnant ! En effet, ils sont nombreux à réfléchir à des projets qui sont souvent des projets de niche, et cette diversité exponentielle n’a rien à voir avec ce que nous avons pu connaître sur les trente dernières années. Les projets sont un peu moins conformes à des schémas déjà connus. Et c’est intéressant parce que cela crée une diversité donc une résilience sur le territoire un peu plus forte. Cette diversité permet de mieux résister aux aléas auxquels nous faisons face que l’on parle d’aléas climatiques ou de marché.

Qu’est-ce que qu’est-ce qui va se passer dans les prochaines étapes ?

Aujourd’hui, nous sommes quinze personnes dans l’équipe. Il y a une ambition en termes de recrutement. L’objectif c’est d’être entre quinze et vingt personnes. Cela dépendra de comment nous arrivons à développer l’entreprise. Un autre objectif est de développer la Grange et ses activités. Cela passera par des recrutements, et pour se développer partout en France, il va falloir convaincre des chefs de projet à différents endroits, dans différents territoires, de nous rejoindre. Nous avons besoin d’avoir une présence locale pour créer ces projets pour la foncière. 

« Cette diversité permet de mieux résister aux aléas auxquels nous faisons face que l’on parle d’aléas climatiques ou de marché. »

3 Conseils de Vincent Kraus

  1. Se lancer dans une activité qui vous passionne.
  2. Bien s’entourer, à commencer par ses associés.
  3. Être soi-même et garder ses valeurs.

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