Trois bilans pour accéder aux marchés publics !!! Les jeunes entreprises, exclues ? Cette exigence posée par l’Administration est-elle réellement insurmontable? Peut-on apporter d’autres éléments pour répondre à un marché public ?
Dans une procédure de marché public, le candidat remet un dossier comportant toutes les informations demandées par l’acheteur. Celui-ci pourra ainsi évaluer l’offre, la capacité économique et financière, et les capacités techniques et professionnelles du candidat.
Ces documents sont dans la plupart des cas la seule interface avec l’acheteur, l’entreprise doit donc y attacher une attention particulière et montrer qu’il a bien cerné les besoins spécifiés.
Quiconque s’est déjà penché sur un marché public s’est interrogé sur la quantité impressionnante de pièces requises par l’Administration. Parmi celles-ci, la nécessité de fournir les trois derniers bilans laisse généralement circonspects les dirigeants des plus jeunes entreprises. Qu’est ce qui justifierait d’écarter une entreprise au motif qu’elle n’aurait pas 3 années d’existence, et ce, alors même que certains marchés publics peuvent être d’une durée d’exécution très courte?
La raison d’être des bilans pour l’Administration
Lorsqu’ils sont requis, les bilans sont analysés par l’Administration au stade de la candidature, c’est à dire le premier des deux stades de l’analyse du pli remis par le candidat. A ce stade, le pouvoir adjudicateur juge la situation juridique, ainsi que la capacité technique, professionnelle et financière du candidat.
Puis intervient le stade de l’offre, au cours duquel le pouvoir adjudicateur analyse la réponse technique et financière au cahier des charges proprement dit, et procède au classement des candidats. Seuls les candidats présentant des garanties suffisantes au stade de la candidature peuvent accéder au stade de l’offre!
Pour accomplir cette sélection, le pouvoir adjudicateur juge la recevabilité de la candidature à partir d’une liste de pièces demandées aux candidats: attestations, références, moyens humains et matériels, formulaires administratifs… Cette liste rebute nombre d’entreprises!
Un arrêté qui fixe les pièces
Pourtant, tout candidat attentif a pu constater que ces pièces à produire au stade de la candidature sont souvent les mêmes d’un marché à l’autre! La raison est réglementaire : en effet, le pouvoir adjudicateur ne peut requérir des candidats que les pièces limitativement énumérées par un arrêté datant de 2006.
Or, la palette du pouvoir adjudicateur est très mince s’agissant des pièces relatives aux capacités financières. En effet, seuls les éléments suivants se rapportent à ce critère :
- Déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles;
- Déclaration appropriée de banques ou preuve d’une assurance pour les risques professionnels
- Bilans ou extraits de bilans, concernant les trois dernières années, des opérateurs économiques pour lesquels l’établissement des bilans est obligatoire en vertu de la loi;
Une possibilité de participer qui reste ouverte à toutes les entreprises
Le pouvoir adjudicateur ne peut modifier les termes de l’arrêté. En revanche, le candidat peut prouver ses capacités par tout moyen! Le candidat dans l’incapacité de fournir trois bilans peut donc justifier de sa capacité financière par toute autre pièce probatoire.
L’examen de la capacité financière du candidat porte ainsi sur l’ensemble des pièces qui ont été remises. Le pouvoir adjudicateur ne se risquera pas à rejeter un candidat ne fournissant pas ses trois derniers bilans dès lors que l’objet, le montant et la durée du marché ne le justifient pas, et que le candidat a apporté d’autres éléments permettant au pouvoir adjudicateur d’apprécier les capacités financières de l’entreprise.
Ainsi, bien que le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, ses exigences doivent demeurer proportionnées avec son marché.
La charge de la preuve à l’Administration
Les capacités financières peuvent être estimées insuffisantes s’il apparaît que la situation financière du candidat serait trop dépendante de la bonne exécution du marché soumissionné. Néanmoins, la jurisprudence sur les conditions de rejet d’une candidature est largement en faveur des candidats: il incombe au pouvoir adjudicateur de prouver l’incapacité financière des candidats.
Ainsi, il résulte de cette difficulté pour le pouvoir adjudicateur que les candidats sont plus souvent évincés pour absence totale d’informations sur leurs capacités, que pour la remise de documents différents de ceux demandés par l’administration, issus de l’arrêté de 2006.
Les jeunes sociétés ne doivent donc pas hésiter à se positionner sur des marchés publics, même s’il leur est recommandé de privilégier des marchés dont l’objet, la durée et le montant sont en rapport avec les caractéristiques de leur entreprise.
A savoir !
Les candidats sont dispensés de fournir les documents s’ils peuvent être obtenus gratuitement en ligne, à condition qu’ils fournissent les informations et indications nécessaires à leur consultation.
Pour les avis de marché signalés par le logo MPS (Marchés publics simplifiés), les candidats peuvent ne fournir que leur numéro SIRET à la place des attestations demandées.
L’acheteur
- peut demander à l’entreprise de compléter son dossier dans un délai approprié et identique pour tous, si une candidature ne contient pas toutes les pièces.
- ne peut pas imposer la fourniture de documents originaux, de copie certifiée conforme ou de traduction certifiée.
- peut aussi prévoir que l’entreprise ne soit pas tenue de fournir les documents déjà transmis dans le cadre d’une précédente consultation dans la mesure où ils toujours valides.
Article par Sylvain Le Turcq