Hapsatou SY, une entrepreneure et une communicante dans l’âme. Loin d’avoir confiné son goût d’entreprendre, elle brise le plafond de verre du confinement pour permettre aux femmes d’exister et incite les femmes à croire en elles et à entreprendre. En 2005, à 24 ans elle crée Ethnicia puis rebondit en créant la marque de cosmétique HapsatouSY qu’elle distribue via un réseau de vendeuses à domicile regroupant déjà plus de 800 beautypreneurs. Pour partager son expérience et ses valeurs, elle devient co-animatrice.
Comment a évolué le concept HapsatouSY aujourd’hui ?
J’ai choisi de retravailler mon business model et de l’orienter vers un business qui ait davantage de sens, davantage d’éthique et davantage d’engagement. J’ai choisi de pivoter sur la vente à domicile et digitale pour permettre à des femmes de gagner leur vie grâce à ma marque. Jusqu’à maintenant je vendais par le biais des grands réseaux de distribution, ce qui m’amenait de la crédibilité et de la visibilité. Cependant, ces réseaux négocient fortement pour réduire au plus bas les prix et donc quelque part anéantissaient le travail que nous avions effectué en réduisant sa valeur. Cela commençait à me poser problème.
J’arrivais à une étape de ma vie où j’avais besoin d’avoir du sens dans mes actions. J’ai donc choisi ce système car je me suis dit « autant négocier mes prix mais autant que cela serve». Aujourd’hui cela permet à des femmes, à 99 %, d’avoir des compléments de revenus voire des revenus à part entière. Elles peuvent gagner 100 euros comme 3 000. Je trouve cela génial au final car des femmes sortent d’une certaine précarité et nous approchons aujourd’hui les 1 000 femmes sur la France, la Belgique et nous venons d’ouvrir les DOM-TOM. Certaines me disent qu’elles ont pu sortir de l’interdiction bancaire ou amener leurs enfants aux loisirs ou en vacances, ce qui représente, vous le comprendrez, une réelle satisfaction pour moi.
C’est le fait d’avoir des enfants qui vous a amenée vers cette prise de sens ?
Non, c’est tout simplement le fait d’être passé par mes propres points de vente puis par des réseaux de distribution et de m’être dit « ce n’est pas ce que j’ai envie de vivre ». A un moment, on recherche une harmonie dans son business et quelque chose qui nous fasse grandir et valorise ta manière d’agir. Fédérer des personnes autour de ce projet-là, c’est ce qui m’a motivée. Je ne pense pas que ce soit lié au fait d’avoir des enfants.
Vous avez toujours été engagée dans le combat pour les femmes ?
Je continue mais en réalité ce n’est pas que les femmes, ce sont les personnes en précarité, les milieux ruraux, les jeunes de quartier, l’Afrique. C’est plus global. Je suis contre l’injustice et j’agis au maximum en ce sens.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières en tant que femme ?
Je dirais que non. Je fais partie des gens qui pensent que le sexe n’est pas un problème dans l’entrepreneuriat. En ce qui me concerne, je n’aime pas ce genre de discours et je refuse de dire à des femmes qu’elles ont une difficulté supérieure pour cette raison. L’entrepreneuriat est un des secteurs où l’égalité est présente car quand tu le choisis, tu choisis d’être libre et de travailler d’où tu veux, quand ou comme tu veux. Au final, c’est davantage la qualité du projet qui va déterminer la réussite que de ton sexe ou encore d’où tu viens. La société véhicule beaucoup ce messages alors qu’en réalité il y a des femmes qui réussissent merveilleusement bien, mieux que des hommes dans la création d’entreprise. Je préfère donc transmettre ce message.
On parle souvent de manque de confiance en soi pour les femmes entrepreneures…
Je ne suis guère convaincue de cela car je rencontre des entrepreneurs hommes qui n’ont pas confiance en eux alors que je rencontre des femmes qui ont une immense confiance en elles. Peut-être que si je devais établir une généralité mais je ne suis pas adepte des généralités, je dirais que les femmes demandent un peu trop avant de prendre la place, ce que ne font pas nécessairement les hommes. Aujourd’hui, je trouve qu’on sollicite l’égalité des sexes mais que les femmes ont toujours beaucoup de remords à laisser leurs enfants à leur conjoint par exemple pour réaliser leur rêve. La problématique se situe davantage ici. De la même manière, pour la gestion de l’entreprise ou le management, c’est plus lié à la personnalité qu’au sexe.
Quelles sont les personnes qui ont été vos modèles dans l’entrepreneuriat ?
Clairement mon père et ma mère ! Car je pense que l’entrepreneuriat c’est la capacité à prendre des décisions et à transformer sa vie. Il s’agit de prendre des décisions majeures comme l’ont fait mes parents quand ils ont décidé de venir en France et d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Je ne peux pas avoir d’exemple plus fort que celui là car il allie le courage, la dignité et la volonté de transformer son destin et celui de ses enfants. Un entrepreneur est quelqu’un qui veut un changement rapide, important et mesurable, ce qui est le cas.
Est-ce que vous êtes entrée dans des réseaux spécifiques pour les femmes ?
Personnellement, je ne suis pas entrée spécialement dans des réseaux car je vais là où le vent me porte dans tous les milieux. Le réseau c’est avant tout, comme je le racontais dans mon premier livre, la capacité à aller interpeller la personne que tu veux et qui peut au travers d’actions ou de conseils transformer ton chemin entrepreneurial. Les déjeuners avec du monde c’est super mais il faut tout de même construire un réseau intelligent et pas forcément adhérer à n’importe quel groupe. Le réseau se construit. Quand j’ai démarré je n’avais personne dans mon carnet d’adresse et aujourd’hui je peux joindre beaucoup de monde.
Comment vous êtes-vous financée ?
Je suis toujours allergique en quelque sorte au financement. On a beau dire qu’il est aujourd’hui plus simple, je trouve qu’il reste extrêmement compliqué. Quand tu arrives à la banque, il y a toujours une difficulté particulière quand tu ne t’appelles pas Pierre mais c’est avant tout une question de construction du business plan. La grande difficulté réside avant tout dans la réalité qu’il y a beaucoup de personnes qui ont envie de faire du business et qui ont cette capacité à le faire ou encore les épaules mais qui n’ont pas suivi les grandes écoles qui leur auraient expliqué comment réaliser un business plan.
Pour moi, il devrait presque y avoir une action gouvernementale pour former au financement car cela rend également service à l’état. Je pense qu’il y a une vraie carence qui pourrait être comblée en accompagnant les jeunes et en faisant en sorte que des personnes soient formées pour créer des emplois et contribuer à la richesse de notre pays et diminuer le chômage. Pour ma part, j’ai toujours un peu construit en système D avec un financement personnel. Maintenant, pour un business qui devrait réaliser 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et 10 l’année prochaine, je l’ai fait en fonds propres et sans aucun financement, même pas celui de la banque. Là, je vais commencer à y réfléchir mais je voulais prouver avant que mon business model fonctionnait et prendre le risque en tant qu’entrepreneure. Je sais cependant que cela reste toujours très compliqué.
On n’est toujours pas à 50 – 50 en création d’entreprise, que faut-il faire ?
Je pense qu’il est nécessaire de changer les discours car dans l’inconscient, cela handicape les femmes. Il faut davantage leur dire qu’elles peuvent réussir en leur présentant par exemple des modèles de femmes qui ont des enfants. Tant qu’il n’y a pas d’exemplarité, cela reste compliqué. Nous avons besoin de plus d’icônes et pas des femmes qui ont hérité d’un pécule mais des femmes qui sont construites à la force de leur poignet. Nous manquons de ce type de modèle de réussite et il est indispensable de les mettre en avant pour les inciter à se lancer. Il faut montrer que cela possible et limiter les risques en instaurant notamment un régime spécial pour les femmes entrepreneures qui doivent s’arrêter pour gérer leur vie de mère.
Quels sont les futurs axes de développement d’Hapsatou Sy ?
Continuer à développer mon projet et aller sur d’autres territoires notamment le continent Africain. Nous avons déjà ouvert les DOM-TOM récemment mais il s’agit globalement d’internationaliser la marque. Nous avons su dépasser les difficultés du confinement et dans tout ce qui est dans la vente à domicile en intégrant le digital. Certaines aberrations restent comme le fait de devoir effectuer une visite à domicile pour réaliser une vente alors que les femmes devraient pouvoir la faire en visio. Aujourd’hui, elles doivent prendre la commande pour revenir 14 jours après pour recevoir le paiement. Il faudrait qu’elles puissent percevoir le paiement de suite hors des réunions notamment quand ce sont des rendez-vous de personne à personne. Il n’y a que la France qui ne s’est pas alignée sur l’Europe sur ce point essentiel.
Une chose à ajouter ?
Plus globalement, il existe une action à mettre en œuvre pour que les congés parentaux soient à égalité même si cela commence à devenir une réalité. C’est aussi nous, les entrepreneures, qui devons faire bouger les lignes et souvent les femmes restent intolérantes avec les autres femmes. Arrêtons de stigmatiser les femmes qui décident d’avoir des enfants et laissons-leur dessiner leur vie en fonction de leurs obligations à chacune. C’est en réalité presque du sur mesure qu’il faut faire et je pense qu’il faudrait globalement tout rééquilibrer dès la base et de s’efforcer à mettre en place des dispositifs d’accompagnement et non d’assistanat. Il faudrait mettre les mêmes baskets à tout le monde et tâcher que tout le monde puisse courir la course avec les mêmes chances.
Pour finir, des conseils ?
Il s’agit d’assumer pleinement en premier de prendre des risques, d’arrêter avec les pensées limitantes et de se dire que nous sommes maîtres de nos propres limites. Donc si tu veux la déplacer de 100 mètres tu le peux. Au pire, les échecs sont des expériences et tenter les choses, c’est toujours avancer. Surtout, n’oubliez pas de mettre du sens dans ce que vous accomplissez. Il faut savoir pourquoi vous mettez en œuvre un projet et en connaître l’impact fait partie des incontournables. Vous devez avoir conscience qu’entreprendre, c’est avant tout contribuer à changer le monde.
« Vous devez avoir conscience qu’entreprendre, c’est avant tout contribuer à changer le monde. »
Hapsatou SY