Interview de Eric Michoux, Président de Holding Galilé

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Rencontre avec Eric Michoux, chef d’entreprise aux multiples casquettes, qui a créé en 2003 la holding Galilé, un groupe qui chapeaute aujourd’hui 16 entreprises industrielles différentes et compte plus de 400 collaborateurs. Success story d’un serial repreneur bourguignon, investi dans le tissu politique local.

Racontez-nous votre parcours personnel avant l’entrepreneuriat.

J’ai vécu un parcours ténébreux dans le cycle scolaire classique. Après l’obtention d’un Bac Microtechnique en 1977, j’ai voulu faire de la natation mon métier. J’étais maître-nageur, jusqu’au moment où mes parents ont insisté pour que je fasse un métier sérieux… Ayant passé un CAP de tourneur fraiseur à Sarcelles, je me suis orienté vers l’ingénierie. En 1984, je suis sorti diplômé d’ingénieur de l’institut Polytechnique des Sciences Appliquées de Paris. J’ai continué mon métier de maître-nageur à mi-temps, avant de rentrer dans la multinationale américaine Allied Signal Technologie, appelée aussi Bendix, en tant qu’ingénieur en recherche et développement. J’y suis resté jusqu’en 1989. Puis, j’ai décidé de vivre à la campagne en Bourgogne avec ma famille pour y élever mes enfants. Cette décision a été fortement influencée par la fait que je suis issu d’une famille d’agriculteurs. Entre 1989 et 1997, j’ai été responsable du Bureau d’études et développement production de la société Bobard, un constructeur bourguignon de matériel viticole. L’entreprise comptait environ 150 personnes. J’ai participé à la remise en route de cette société en difficulté.

Pourquoi avoir choisi de partir en région ?

Je suis un gars de la banlieue qui a « mal tourné » (rires). Originaire du Nord de Paris, dans le département du 95, j’ai voulu partir, mué par une sorte de forme de « romantisme crétin ». J’ai choisi de m’installer en Bourgogne pour des raisons familiales. Je ne voulais pas élever mes enfants dans la banlieue que j’avais connue. C’est une ânerie, parce que les problèmes des banlieues sont exactement les mêmes en milieu rural. Je vis aujourd’hui dans le village d’Epervans en Saône-et-Loire, qui compte 1 800 habitants et dont je suis aussi le maire.

Comment en êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?

Avec l’entreprise Bobard, j’ai vécu le quotidien d’une entreprise en difficulté, et le fait de devoir les gérer m’a donné des idées et a réveillé chez moi l’envie d’être indépendant. J’ai quitté la boîte et j’ai repris ma première entreprise, SIEM Services, à Mâcon, en 1998. Je l’ai rachetée sous forme de location-gérance. Pour financer mon projet, j’ai fait un crédit à la consommation chez Cofinoga qui m’a prêté 40 000 francs pour démarrer mon business. L’activité de l’entreprise, qui comptait une dizaine de personnes, consistait à louer et à faire la maintenance de matériel de manutention et des chariots élévateurs. L’entreprise vivait quelques difficultés financières et le dirigeant, qui habitait Lyon, désirait s’en séparer sans la fermer ni la liquider. Il voulait qu’elle continue à exister et que les collaborateurs puissent continuer à avoir un emploi. Deux ans plus tard, l’entreprise a été nommée dans les 1 000 premières PME françaises, avec une très bonne rentabilité.

Pourquoi travailler à son compte ?

J’ai développé au fil de mon parcours la volonté d’être indépendant. Lorsque j’ai travaillé au sein de la multinationale, on m’avait proposé de prendre la direction d’une usine de 1 500 personnes. C’était assez rare, d’autant que j’avais seulement 29 ans ! Mais j’ai refusé l’offre car je voulais quitter ce milieu pour deux raisons. D’abord, je voyais les cadres de 50 ans qui faisaient tous un burn-out. Et secundo, je ne voulais surtout pas élever mes enfants en banlieue parisienne. En quelque sorte, lorsque je me suis installé en Bourgogne, j’ai presque pris le premier job qui me tombait sous le coude ! Puis, au fur et à mesure de mon parcours, de petite entreprise en petite entreprise, je ne me voyais plus retourner travailler pour une importante structure. N’ayant pas envie de tomber dans cette dépendance à la carrière, j’ai trouvé une solution : m’installer à mon compte.

A partir de 1998, vous avez presque repris une entreprise chaque année…

Oui, je me suis littéralement pris d’intérêt pour la reprise d’entreprises. J’ai notamment racheté en 2003/2004 une entreprise dans le domaine du nucléaire, qui s’appelle CLM Industries. En 2009, j’ai racheté la société Escofier, qui constituait le dernier fabricant français de machines-outils de formation à froid du métal par roulage, basé à Chalon-sur-Saône. Plus récemment, en 2013, j’ai repris l’entreprise Farman, l’un des grands spécialistes des îlots robotisés, implantée près de Tours. La société, qui a été placée en liquidation judiciaire en 2002, est aujourd’hui en train de renaître, avec des résultats corrects. Depuis une quinzaine d’années que je travaille à mon compte, j’ai racheté 16 entreprises.

Pourquoi la reprise d’entreprise et pas la création ?

Lorsque vous reprenez une entreprise, le processus de développement est beaucoup plus rapide. Il existe déjà un socle de clientèle, un savoir-faire et des connaissances métier. C’est comme s’il s’agissait d’une pierre précieuse qu’il faut retailler. La création me paraît en revanche beaucoup plus complexe, plus longue, plus aléatoire. On y investit peut-être moins d’argent au départ, mais le cycle de développement est long. C’est assez rare que les créations donnent des entreprises de taille importante rapidement. On le trouve ponctuellement dans le monde des start-up mais globalement, avant qu’une entreprise ne commence à rémunérer son fondateur et le premier salarié correctement, il faut 10 ans, c’est très long. La deuxième raison qui me pousse à reprendre des entreprises, cela me permet de sauver des compagnies qui font partie du patrimoine industriel français !

Le succès, ça vous a effleuré l’esprit ?

Pas du tout ! Lorsque j’ai repris ma première entreprise, je ne voulais pas devenir le Rockefeller de l’industrie française. Au début, il s‘agissait simplement de pouvoir nourrir ma famille. Je viens d’une famille d’entrepreneurs, donc je dois avoir cela dans mes gênes je pense. J’ai été le premier salarié de la tribu, et lorsque j’ai pris mon poste, mon père m’a dit : « tu vas faire ton beurre avec le lait d’un autre ». La formule m’a marqué. C’est pour cela que j’ai pris le risque d’être entrepreneur. Je ne vais pas me plaindre car pour moi, l’expérience a plutôt bien marché.

Que représente l’entrepreneuriat pour vous ?

Quand je me suis lancé, il s’agissait d’une liberté d’action totale. Dans la multinationale ou dans les PME pour lesquelles j’ai travaillé, je sentais bien que je n’allais pas contrôler mon avenir. En revanche, aujourd’hui, ma vision a un peu changé. J’ai toujours plus ou moins de liberté. Mais je possède également de nombreuses responsabilités. Je ne suis pas indépendant au sens où je ne peux pas « faire ce que je veux quand j’en ai envie ». L’entrepreneur n’est d’ailleurs jamais indépendant. Par contre, il est plus ou moins libre, c’est-à-dire capable, au sein d’une organisation donnée avec des règles données, fiscales ou autres, de mener l’aventure comme il lui convient. J’ai la chance de ne pas avoir de dettes vis-à-vis des banques, donc ma seule responsabilité, c’est celle des salariés, des gens qui me font confiance. Nous comptons 400 collaborateurs, et l’année prochaine nous serons 500, voire 600 en fin d’année.

Dans votre parcours, vous mettez un point d’honneur à valoriser l’entrepreneuriat. Pourquoi ?

L’entrepreneuriat m’a tout apporté dans mon parcours de vie. J’ai l’impression que je dois quelque chose à ce système. Je pense profondément que le développement de l’entrepreneuriat est important pour notre système économique. Pour valoriser la création de manière concrète, nous avons créé en 2005 l’EDEG, école des dirigeants entrepreneurs de Galilé. Il s’agit d’une école interne qui permet de former des futurs dirigeants de PME. Dans le même ordre d’idée, nous avons lancé récemment le concours Galilé 360°, via sa plateforme internet www.galile360.fr, qui propose aux porteurs de projets et aux jeunes chefs d’entreprise de bénéficier d’un financement et d’un compagnonnage 2.0 personnalisés.

Vous êtes également investi politiquement. Pourquoi ?

Je me suis lancé dans ce milieu en 2006. J’étais au CJD de Bourgogne (Centre des jeunes dirigeants) et également au Medef. J’ai rencontré de nombreux chefs d’entreprises qui râlaient sur la capacité des personnalités politiques à comprendre leur métier. Je leur ai dit : « si vous trouvez que cela ne va pas, pourquoi ne vous lancez-vous pas en politique ? ». Dans le même temps, sur ma circonscription, Arnaud Montebourg avait traité les patrons de voyous. Comme je n’avais pas spécialement l’impression d’être un voyou et que je pensais vraiment que l’intérêt de l’entreprise devait être défendu politiquement, je me suis décidé à me présenter aux législatives. Aux élections municipales de 2008, j’ai été élu maire de ma commune. Je vous avoue que je me suis retrouvé là du jour au lendemain, je n’avais même jamais mis les pieds dans la mairie de mon village ! En 2014, j’ai été élu Président Délégué à l’économie de la Communauté d’agglomération de Châlon-sur-Saône.

Quelle est la casquette la plus difficile à enfiler : politicien ou entrepreneur ?

C’est très différent. La politique paraît plus difficile dans la mesure où il faut s’habituer à la trahison, au mépris, à l’injure. En tous cas, ce qui est certain, c’est que l’un apporte à l’autre. Dans l’exercice de mon mandat, l’entrepreneuriat m’apporte une crédibilité sur la notion de gestion, même s’il demeure très différent de gérer une entreprise et une collectivité. Il s‘agit de deux mondes qui ne se connaissent pas. Les entrepreneurs méprisent les hommes politiques, arguant qu’ils n’y connaissent rien et que ce sont des profiteurs. à l’inverse, les politiques ne connaissent pas le monde de l’entreprise parce qu’ils n’ont pas la même manière de penser au plan économique. Dans un second temps, je dirais que mon parcours en politique m’a apporté une manière différente de voir les choses en tant qu’entrepreneur. Mon conseil municipal compte 19 personnes, qui proviennent toutes d’horizons radicalement différents. Pêle-mêle, il y a un membre de la Fédération des cheminots CGT, une infirmière, des retraités, des commerçants. Ils représentent la pluralité de la société française. Alors que, face à un problème, je considère qu’il y a une seule solution en tant qu’entrepreneur, eux m’apportent différents points de vue. Ce sont ces divergences et ce partage de vision des choses qui enrichissent mon activité de chef d’entreprise au quotidien.

3 Conseils d’éric Michoux

  • Il faut avoir de la volonté. Olivier Dassault cite souvent cette phrase de Churchill : « La réussite, c’est savoir passer d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Celui qui n’aime pas la difficulté a tout intérêt à ne pas se lancer dans l’entrepreneuriat.
  • Pas besoin d’être le meilleur ! Souvent, j’observe des consultants qui possèdent des connaissances extraordinaires sur tel ou tel sujet, mais ils ne sont pas chefs d’entreprise parce qu’ils manquent d’opiniâtreté.
  • Le général patton disait qu’il ne faut « jamais se résigner ». C’est vrai dans l’entreprise, aussi bien qu’en politique ou en sport ! à ceci près que lorsque vous êtes chef d’entreprise, vous faites face à des embûches multiples, tous les jours !

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