Amoureux de l’environnement de longue date avec 40 ans de militantisme pour l’environnement, Christian Brodhag intègre le parti des verts. Expert en développement durable, il devient ensuite tout naturellement délégué interministériel au développement durable. Théoricien autant que praticien, il est également directeur de recherche à l’école des mines de Saint-Étienne où, dans ce cadre, il travaille souvent avec des PME.
Quelle est votre action au sein du ministère ?
En tant que délégué interministériel, je coordonne l’action entre ministères, je contribue à l’élaboration et l’animation de la stratégie nationale de développement durable. C’est ce programme qui coordonne la politique de développement durable. Depuis 2004, de nets progrès sont constatés car plus d’un tiers des Français estiment posséder les connaissances en matière de développement durable. Il en est de même pour les collectivités locales et les autres acteurs qui affirment posséder les outils et mettre en place des politiques de développement durable.
Pour les collectivités locales nous avons développé un cadre de référence pour les Agendas 21 locaux. Pour les PME, le SD 21000 de l’AFNOR aide les entreprises à implanter leurs politiques de développement durable et de responsabilité sociétale. Cette norme induit une trentaine d’enjeux et hiérarchise les questions clefs, de façon à avoir une approche structurée et stratégique du développement durable.
Des actions collectives et des clubs de développement durable en région ont permis aux différents acteurs de s’engager concrètement dans ce mode de développement. Ce n’est plus un discours, nous avons de l’expérience. En 2000, la difficulté était l’absence de savoir-faire, maintenant il existe un réel retour d’expérience.
En quoi consistent vos actions ?
Pour les PME, l’action s’est appuyée sur des expérimentations régionales, et des animations dans les chambres de commerce. Des réseaux sont en place. Néanmoins il nous faudra sans doute mener une réflexion par filière. Mais nous jouons aussi sur la demande, par les marchés publics. En effet, nous orientons la demande publique vers le développement durable, elle représente 10 à 15 pour cent du PIB. Il s’agit de développer un modèle économique viable pour valoriser les entreprises vertueuses en développement durable.
Quels sont les résultats et les mesures primordiales du Grenelle de l’environnement ?
Maintenant les discussions sont finies, les pistes ont été lancées, nous entrons dans la phase de traduction opérationnelle. Ce rassemblement a généré une réelle émulation entre acteurs et a montré une maturité et un consensus.La question de l’environnement a progressé dans les institutions. Avant il y avait seulement un dialogue binaire entre l’économique et le social, maintenant il s’agit d’une discussion à trois avec l’environnement pour le développement durable.
Les mesures phares concernent notamment une réorientation des investissements vers les transports collectifs et les logements anciens qui eux génèrent beaucoup de CO2.Quant aux actions pour inciter les entreprises à avoir une attitude de responsabilité sociétale, elles s’inscrivent dans le cadre de la loi NRE, avec les obligations de reporting.
Les PME peuvent-elles changer leur mode de fonctionnement pour rentrer dans cette logique ?
Effectivement, il y a des contraintes fortes sur le développement en termes de ressources notamment. La gestion est obligatoire, si les entreprises mettent de coté le développement durable, elles vont se faire dépasser par d’autres qui l’auront pris en considération. Le lien entre compétitivité et développement durable existe bien. La question n’est donc pas de savoir si j’ai les moyens de faire du développement durable, mais plutôt si j’ai les moyens de ne pas m’inscrire dans ce contexte !
Le problème reste le consommateur. En effet, il se dit capable de payer plus cher un bien produit par une entreprise qui s’inscrit dans le développement durable. Cependant, quand le produit arrive en tête de gondole, l’acte d’achat se volatilise. Il existe donc un fossé entre le dire et le faire. Tout dépend de la responsabilité des consommateurs. Nous réfléchissons à ce que nous devons faire pour que ce type de produits reste accessible, comme la proposition d’une baisse de la TVA sur les produits dits « durables ».Ce qui est intéressant pour les entreprises, c’est l’évolution des coûts que nous avons constatée.
En effet, une entreprise vertueuse en développement durable utilise moins de ressources, moins d’énergie. De fait, elle gagne de l’argent. C’est pourquoi, bien gérer une entreprise vertueuse peut être plus efficace qu’une entreprise qui ne l’est pas. Un de nos objectifs, est d’amener le consommateur à raisonner sur l’ensemble du cycle de vie du produit, comme par exemple : les ampoules à basse consommation. Elles sont rentables sur le cycle de vie mais plus chères à l’achat. Sur le long terme, elles permettent une économie certaine, tant énergétique que monétaire. Pour réaliser notre objectif, la pédagogie et l’information s’avèrent nécessaires.
Y a-t-il une réflexion internationale ?
Différentes initiatives comme le Pacte mondial sur 10 principes (droit de l’homme, droit du travail, environnement et lutte contre la corruption) ou la Global reporting initiative sur les rapports de développement durable. L’ISO vient de lancer la rédaction de lignes directrices sur la responsabilité sociétale : l’ISO 26000. Cette norme touche à l’environnement mais aussi au droit du travail, à l’éthique, 80 pays y contribuent, cependant il n’y a pas de certification, pas de labellisation.
Des aides existent-elles pour la création d’entreprises dans le développement durable ?
Non, il n’y a pas d’approches spécifiques, c’est juste une prise en compte supplémentaire et plus sérieuse. Il s’agit d’une intégration dans les critères, cela permet une meilleure évaluation, Oséo et le Crédit Foncier les ont d’ailleurs intégrées.
Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune entrepreneur ?
Le monde qui se profile offre des opportunités. Il s’agit de trouver à travers le développement durable un nouveau créneau et une meilleure exploitation d’anciens projets ; un regard neuf pourrait prolonger leur pérennité. L’innovation principale est de passer du produit au service avec de nouveaux systèmes d’insertion, de nouveaux modèles. Ainsi, la source Internet est essentielle. Son réseau d’information est d’ailleurs le résultat d’une hybridation entre la société de connaissances et des projets concrets.
L’innovation est obligatoire car nous devons diviser notre émission de CO2 par 4 d’ici à 2050, ce qui se traduit en une baisse de 3 pour cent par an. De toute façon le changement s’effectue par l’innovation, les solutions sont complexes mais la rétribution par le service apporté est plus grande. C’est tout à fait possible pour les PME et le TPE car il existe de vraies opportunités. N’importe quelle entreprise peut faire de l’innovation, la rupture s’effectue si l’on se pose les bonnes questions. Le développement durable permet désormais d’intégrer des raretés nouvelles dans l’ensemble des métiers. Il ne faut éviter à tout prix de rester englué dans des anciennes pratiques.