Il est aujourd’hui possible pour une entreprise française de ne pas payer d’impôts. Contrairement aux idées reçues, si toutes les conditions sont bien respectées, cette pratique demeure parfaitement légale et n’a rien d’illicite ! De nombreuses entreprises suivent ce modèle d’optimisation fiscale, comme c’est le cas pour Google, Starbucks, Amazon ou encore Apple, certaines jouant parfois avec les limites. Mais comment s’y sont-elles prises ? Et qu’est-ce que l’optimisation fiscale au juste ? Enquête.
L’optimisation, pas illégale en soi.
Avant d’aller plus loin, il faut savoir ce que désigne l’optimisation fiscale. De manière générale, cette notion fait référence au fait de profiter d’un régime fiscal avantageux, ce qui en soit n’a rien d’illégal. Dans le cadre d’une opération qui se situe sur le territoire national comme celui de la France, on parle d’optimisation fiscale classique, dite « locale ». Celle-ci peut être adoptée par tout créateur ou dirigeant d’entreprise quand il s’installe dans une région désignée comme prioritaire en termes de revitalisation d’emploi. Ce type de pratique reste toutefois limitée en France. Elle peut vous convenir si vous souhaitez économiser en général moins de 10 000 euros d’impôts par an même si le montant peut être bien supérieur notamment en cas de revitalisation de l’emploi. L’optimisation fiscale peut être plus simple et reposer sur le choix de la forme juridique de votre société (SA, SAS, SARL, entreprise individuelle…). Dans le cas d’une SARL, votre fiscalité pourra être affectée de manière différente si vous êtes gérant majoritaire ou minoritaire. Choisir le mode de répartition de ses revenus entre salaire et dividendes est ainsi à considérer. La réglementation fiscale s’avère néanmoins souvent extrêmement complexe, ce qui implique que, très souvent, seuls les grands groupes mettent en place des montages fiscaux parfaitement légaux. Les autres entreprises n’ont généralement pas les moyens de les mettre en œuvre, faute de temps à consacrer à l’élaboration des dossiers. Ces dernières sont, en ce sens, souvent pénalisées par le manque de moyens dont elles disposent pour profiter des avantages fiscaux.
Se servir des dispositions fiscales et législatives internationales.
L’optimisation fiscale internationale consiste à transférer tout ou une partie des bénéfices ou des activités de sa société vers d’autres pays, où la fiscalité y est plus intéressante. Pour ce qui concerne les entreprises françaises qui souhaitent utiliser l’optimisation fiscale internationale, certaines nuances doivent être apportées. La première révèle que cette pratique ne devient intéressante que si les bénéfices de votre entreprise sont d’au moins 50 000 euros par an. Celle-ci n’est donc pas seulement réservée au grand groupe mais peut être envisagée dans le cadre d’une PME. Elle vous permet d’optimiser le bénéfice global de votre entreprise ainsi que les dividendes des actionnaires. Pour mettre en place ce type de système, l’idée reste de se servir des législations et fiscalités internationales afin d’instaurer des montages bénéfiques pour votre entreprise. En principe, il est question d’avoir recours à une ou plusieurs sociétés dite « offshore » pour mener à bien vos opérations commerciales. Plusieurs méthodes existent, notamment la création de sociétés pour des opérations d’affacturage, consistant à confier à un tiers la gestion du financement et du recouvrement de créances pour obtenir un remboursement anticipé, ou pour mettre en place un système de prix de transfert, désignant l’ajustement des prix pratiqués par une maison-mère pour une transaction avec ses filiales.
Les sociétés offshore, qu’est-ce que c’est ?
Par définition, une société offshore fait référence aux sociétés ayant établi leur siège social au sein d’un pays étranger dans lequel votre entreprise n’a pas d’activité et où les dirigeants responsables ne sont pas domiciliés. Autrement dit, il est question d’une société non résidente qui profite d’un régime fiscal avantageux permettant parfois l’exemption d’impôts. Et tout cela est légal ! Des sociétés du CAC 40 telles que Google, Apple, Amazon, Microsoft, ou encore Ebay, utilisent ce système pour l’optimisation de leurs revenus. Au niveau du coût de création d’une société offshore, ce dernier n’est par ailleurs pas aussi élevé qu’il peut paraître. Les coûts de création propres oscillent entre 300 et 3 000 euros. Pour les frais d’ouverture du compte bancaire, il faut compter entre 200 et 2 000 euros, de même pour les frais de Nominee ou « prête nom » qui consiste à cacher son identité mais qui restent optionnels. Il ne restera à payer que les frais annuels de maintenance tels que la licence du gouvernement ou ceux comptables si vous en avez. Cette pratique reste cependant suspicieuse pour les états.
L’exemple de Starbucks : une société exempte d’impôts mais condamnée ! Aujourd’hui, Starbucks se place comme la plus grande chaîne multinationale de café et réalise près de 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Cotée au Nasdaq, elle dispose de plus de 19 000 salons établis dans le monde dont plus de 90 en France. Depuis son installation en 2004, l’entreprise Starbucks Coffee France ne verse pas d’impôts sur les sociétés (IS) du fait qu’elle ne déclare aucun bénéfice. Pourtant, on remarque que son nombre de franchises augmente constamment. Les franchisés reversent une redevance à Starbucks Coffee France dont les bénéfices sont domiciliés au Pays-Bas. La maison-mère fait passer des transactions par ses filiales. Un exemple d’entreprise qui semble avoir bien compris le principe de l’optimisation fiscale. Ce dernier reste toutefois à nuancer à cause de la condamnation du groupe en octobre dernier par la Commission européenne. Au regard du droit européen de la concurrence, certains accords passés avec l’administration néerlandaise ont été jugés illégaux. La condamnation du groupe fait suite au scandale financier LuxLeaks, révélant le contenu d’une centaine d’accords fiscaux très avantageux.
Des avantages multiples à la création de sociétés offshore.
Malgré les nombreux risques, créer une ou plusieurs société(s) offshore présente des avantages non négligeables. D’abord, la taxation très faible. Les sociétés non résidentes ne sont que très peu voire pas du tout taxées ce qui permet de réaliser des économies d’impôts, pour éventuellement créer des emplois. Cela vaut pour la plupart des juridictions, et les procédures sont relativement simples. La création de sociétés offshore vous permet de préserver une certaine part de confidentialité en conservant l’anonymat. Les noms des bénéficiaires ne sont généralement pas publiés. Un anonymat complet est d’ailleurs prévu grâce aux services de Nominee. Méfiez-vous, l’anonymat ne couvre absolument pas des actions illégales telles que du blanchiment d’argent. Une coopération de nature pénale existe au sein de la majorité des juridictions offshore. Il est parfois possible de créer une société offshore uniquement avec des actions nominales. En d’autres termes, sans sortie d’argent. Mis à part l’optimisation fiscale des revenus, la création d’une société offshore permet le développement d’activités commerciales, de protéger son patrimoine ou de gérer sa succession.
Google : payer des impôts oui, mais très peu. L’optimisation fiscale n’est pas à placer dans la catégorie « tout ou rien ». Il n’est pas uniquement question de soit payer beaucoup (trop) d’impôts, soit pas du tout. Il est aussi possible de payer des impôts, mais de façon réduite. Google en constitue l’exemple type. Pour l’année 2015, l’entreprise a versé 6,7 millions d’euros d’impôts sur les sociétés, soit 30 % de plus que l’année précédente, mais qui reste semblable aux années 2012 et 2013. Par rapport à l’ampleur de son activité et aux bénéfices qu’il réalise, le géant Google verse des impôts particulièrement faibles. Les revenus publicitaires des annonceurs français sont directement encaissés par Google Irlande, qui rémunère la filiale française. De la sorte, le groupe s’arrange pour que chaque année son chiffre d’affaires soit toujours plus ou moins égal aux charges déclarées par la structure. Son activité est en réalité bien plus élevée, sachant que le marché de la publicité lié aux moteurs de recherche représente près de 1,7 milliard d’euros pour l’année 2015. Cet art de l’optimisation fiscale est dans le cas présent à prendre avec des pincettes puisque Google France fait l’objet d’enquêtes. En février dernier, le fisc lui a réclamé 1,6 milliard d’euros pour redressement fiscal.
Quand Facebook France profite de l’optimisation fiscale. Pour réduire de manière conséquente le montant des impôts de son entreprise, Marc Zuckerberg, Facebook à elle aussi eu l’idée judicieuse de ne déclarer en France qu’une partie de ses revenus réels. Cette ingéniosité permet à la filiale française de n’avoir à payer un impôt sur les sociétés particulièrement bas, si l’on en croît les comptes qu’elle a déposés au greffe du Tribunal de commerce de Paris le 22 août dernier. Pour l’année 2015, Facebook France n’affiche que 543 595 euros d’IS. Et pour cause, puisque l’entreprise n’aurait, selon elle, réalisé que 21,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en même temps qu’un résultat courant avant impôts de 1,9 million d’euros. Il est pourtant évident que l’activité de ce géant des réseaux sociaux s’avère en réalité bien supérieure à ce qui a été déclaré. Si l’on devait estimer le vrai revenu de son activité, l’on pourrait commencer par le faire grâce à un calcul assez simple. En moyenne, 25,8 millions de Français se sont rendus chaque mois, selon Mediamétrie//NetRatings, sur le réseau social. Et sachant que le revenu annuel pour chaque utilisateur de Facebook en Europe était de 12,2 euros en 2015, les recettes devraient plutôt tourner autour des 315 millions d’euros d’après Capital.fr. En clair, un chiffre d’affaires approximativement quinze fois plus élevé que celui annoncé par l’entreprise. à méditer…
Zoom sur les paradis fiscaux.
L’objectif dans la création de sociétés offshore est bien entendu de trouver ce que l’on appelle des paradis fiscaux. Cette notion désigne des territoires où la fiscalité est réduite voire nulle. En clair, un pays où le taux d’imposition est jugé relativement bas par rapport à ceux existant dans l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Vous avez d’ailleurs sans doute dû entendre parler des paradis fiscaux, relancés par l’affaire des Panama papers. Cette année, l’affaire de Jérôme Cahuzac a notamment été remise sur le devant de la scène. Du fait de la présence d’activités illégales hébergées par ces paradis fiscaux, ceux-ci s’avèrent en principe faciles à attaquer et sont souvent pris pour cible. Ils restent souvent mal perçus. Ce que l’on oublie souvent de dire c’est que les paradis fiscaux se révèlent un moteur de l’économie actuelle. Ils permettent à une entreprise de se développer davantage en réinvestissant localement. Les supprimer aurait pour conséquence des licenciements de masse chez de nombreux grands groupes ou entreprises du fait d’un manque d’optimisation fiscale.
Bénéficier d’un accompagnement dans ses démarches
Afin d’être informé de l’ensemble des obligations auxquelles vous serez tenu mais également de tous les risques existant (les gouvernements sont à l’affût de la moindre erreur pour remplir les caisses du trésor public), vous pouvez faire appel à un avocat fiscaliste. Ce dernier vous accompagnera et vous conseillera dans vos démarches. De quoi, a priori, vous faire éviter les éventuels pièges liés à l’optimisation fiscale abusive. Ce type de service peut toutefois se révéler très coûteux. Pour profiter de cet accompagnement, un budget d’au moins 10 000 euros est à prévoir. Si vous ne disposez pas de cette somme, informez-vous au mieux sur les lois fiscales en cours, les risques inhérents à la création de sociétés offshore, les « meilleurs » paradis fiscaux, mais aussi et surtout, sur les formes de protection possible…
Amazon change de stratégie et se met à payer des impôts. Alors qu’elle avait adopté le modèle de l’optimisation fiscale, Amazon s’est engagée à payer ses impôts et commence à le faire. Ce tel revirement s’explique sans doute par le fait que le fisc l’aurait également prise pour cible. à titre d’arriéré d’impôts, le géant de la distribution serait tenu de s’acquitter de 400 millions d’euros à la suite d’un accord fiscal conclu entre le groupe américain et le Luxembourg, pays dans lequel est implanté le siège européen d’Amazon. Ce montant ne représente pour l’instant qu’une estimation préliminaire. Celui-ci pourrait, selon la Commission européenne, être révisé. Autant dire que l’optimisation fiscale c’est bien, mais encore faut-il ne pas tomber dans la fraude fiscale. Pour s’en assurer, des dispositifs d’accompagnement existent.