L’entreprise familiale qui cartonne dans le domaine de la petite enfance

Avec son frère Edouard, Rodolphe Carle a lancé l’entreprise Babilou en 2003, premier réseau privé d’accueil petite enfance en France. Après un parcours riche et parfois semé d’embûches, les deux entrepreneurs ont réussi à développer un acteur majeur sur le secteur des crèches privées.

La finance pour « apprendre à compter ».

Rodolphe Carle possède un parcours plutôt classique. Après une grande école de commerce, en l’occurrence l’ESSEC, et un parcours effectué dans la filière entrepreneuriat, il décide pourtant de s’orienter vers le monde de la finance, secteur dans lequel il évolue pendant deux ans. « à la sortie de l’école, je ne me sentais pas prêt pour entreprendre » précise-t-il. « J’ai commencé à travailler quelques mois dans la banque d’affaires Morgan Stanley en fusion/acquisition à Londres, puis je suis entré en Italie dans un petit fonds d’amorçage avant de retourner à Londres travailler dans un autre fonds d’investissement. Je considérais la finance comme un tremplin vers l’entrepreneuriat plutôt que comme une finalité professionnelle. »

Ce bref parcours professionnel confère à Rodolphe une expérience intéressante. à 24 ans, il fait déjà partie du « board » de 6 entreprises dans 5 pays européens et commence déjà à tirer des leçons et à percevoir les ingrédients du succès et de l’échec des entrepreneurs qu’il croise. « J’ai baigné dans l’environnement excitant de l’entrepreneuriat, mais du côté des investisseurs » explique-t-il. « Nous recevions énormément de dossiers par semaine, ce qui m’a permis d’accéder à toute la créativité et aux idées auxquelles réfléchissent les gens qui veulent entreprendre dans le monde. » Pour autant, le jeune homme conserve son pragmatisme.

Un entrepreneur qui garde la tête froide.

Alors que tout le monde sautait sur n’importe quelle idée au début des années 2000, Rodolphe, lui garde la tête froide. « Cette frénésie de création d’entreprises me faisait peur. J’avais l’impression que les créateurs oubliaient les fondamentaux : si vous n’avez pas de quoi payer les salaires à la fin du mois, cela ne fonctionnera pas ! » De son expérience en finance, l’entrepreneur retient également plusieurs leçons, dont le fait qu’aller chercher des fonds constitue un acte accessible dès lors que le fondateur fait preuve d’énergie et qu’il a de bonnes idées. « J’ai également appris que l’argent n’était pas le plus important » détaille-t-il. « Il faut s’associer avec des personnes de qualité. Ce sont elles qui feront la réussite du projet et qui donneront du recul à l’entrepreneur quand il avance trop la tête dans le guidon. »

Séduit par le secteur de la petite enfance.

Fort de ce pragmatisme à toute épreuve, c’est par hasard que Rodolphe va s’intéresser au milieu des crèches d’entreprise. Au cours de son parcours en tant qu’investisseur à Londres, il est notamment sollicité par des groupes anglais qui se développent dans le secteur de la petite enfance et qui requièrent des fonds pour créer des crèches et accélérer leur développement.

En réalisant un benchmark de ce qu’il se passe sur ce secteur en France et à l’international, le jeune homme tombe littéralement amoureux de l’environnement de travail de ces entreprises. « J’ai rencontré des entrepreneurs du secteur et j’ai vraiment été séduit par les enjeux professionnels, l’impact sociétal et l’environnement quotidien de la gestion d’une entreprise de crèche » précise-t-il. à l’été 2002, sans doute mué par un vieux réflexe d’ancien étudiant en classe préparatoire, il lit une vingtaine de livres sur le sujet et se prend d’un fort intérêt pour le contenu relatif à la petite enfance. Rapidement, il évoque le sujet avec son frère et ils décident de se lancer début 2003.

Un accident en pleine création.

En mars 2003, au moment où les deux frères déposent les statuts, Edouard subit un grave accident de moto. « Il s’agit d’un moment assez fondateur pour nous, car tous les soirs, je finissais mes journées de travail dans sa chambre d’hôpital pour débriefer des avancées de la boîte. Il s’est raccroché à la vie avec ce projet de création d’entreprise » raconte Rodolphe. Conscient que Babilou donne à Edouard une raison de se battre, il n’hésite pas à continuer d’impliquer son frère dans les décisions stratégiques.

Les dix premiers salariés de la première crèche sont recrutés en partie dans sa chambre d’hôpital. Après 18 mois passés en convalescence, Edouard en ressort grandi. « Cet événement lui a apporté une qualité en matière de relations humaines. Quand vous avez vécu un accident si important, plus rien ne vous paraît grave au quotidien ! Edouard a développé une résistance au stress incroyable. Il apporte à la fois cette solidité et une patte très opérationnelle, que je n’ai pas » raconte Rodolphe, qui se concentre quant à lui sur les aspects structurels et de gestion de l’entreprise.

Un développement d’abord local.

Les deux fondateurs ouvrent une première crèche en 2003. En 2004, ils créent une crèche interentreprises conventionnée par la CAF, et un an plus tard, une crèche publique-privée voit le jour dans la commune de Rueil-Malmaison (92). En 2006, Rodolphe et Edouard ouvrent la première crèche dédiée à une entreprise, l’Oréal. Le développement est rapide, mais les fondateurs ne veulent pas s’emballer. Alors que la concurrence apparaît et que les entreprises du secteur commencent à lever des fonds par millions, Edouard et Rodolphe continuent de garder la tête froide. « Nous nous sommes dit qu’avant de développer massivement nos établissements, nous devions comprendre notre métier et ses enjeux et bâtir des outils pour consolider nos bases. Nous avons donc passé du temps sur le terrain, proche des équipes, des Caisses d’Allocations Familiales, des institutions locales… En effet, Nous ne voulions pas nous éparpiller » dévoile Rodolphe.

La croissance dopée par la loi de 2004.

En 2004, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ouvre ses dispositifs financiers au secteur privé et les entreprises qui investissent dans des places en crèches pour leur personnel bénéficient désormais de 50 % de crédit d’impôts famille (CIF) sur les dépenses engagées. Le marché met quatre ans à décoller. « Les entreprises ont commencé à solliciter Babilou et ses concurrents en 2007/2008. Alors que nous avions jusqu’à présent plutôt orienté notre développement sur les crèches en collectivités, c’est à ce moment-là que l’on a ouvert des dizaines de crèches chez des clients privés comme L’Oréal ou GDF Suez » explique Rodolphe. En 2007, l’entreprise réalise déjà 8,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Une des plus importantes levées de fonds françaises.

Alors que les deux fondateurs avaient décidé de ne pas passer par une levée de fonds pour soutenir leur développement, ils ont dû y venir, par la force des choses. Poussés par les banques et par l’impact de la crise financière, les deux entrepreneurs décident en 2015 de financer leur développement en externe. Après une première levée de 20 millions d’euros auprès de Raise et Cobepa en mai de l’année dernière, Babilou a ensuite bouclé un placement privé auprès des fonds NOVO et ouvert une nouvelle ligne de dette auprès de plusieurs banques françaises pour une somme de 55 millions d’euros.

Avec 75 millions d’euros au total, Babilou réalise ainsi en 2015 l’une des plus grosses levées de fonds françaises pour financer son développement en France et à l’international. Fort de cette croissance exponentielle et de ses multiples activités autour de la petite enfance, Babilou, par l’intermédiaire de ses fondateurs, ambitionne légitimement une croissance continue à l’avenir. Rodolphe précise : « Nous aimerions faire partie du top 3 mondial des acteurs de la petite enfance d’ici 2020 et devenir le premier réseau européen en nombre de crèches. » En 2012, l’entreprise réalisait 150 millions d’euros de chiffre d’affaires et les fondateurs prévoient de dépasser les 250 millions l’année prochaine. Côté recrutement, la société compte embaucher 500 personnes par an, qui viendront s’ajouter aux 4 500 salariés actuels du groupe.

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