L’entrepreneur qui a su développer son entreprise lentement mais sûrement !

À 56 ans, Bruno Bourrigault, cofondateur avec Lotfi Youcefi de Speed Burger, n’a pas perdu son franc-parler. L’enseigne, considérée comme précurseur du métier de « livraison de burger à domicile », affichait déjà un chiffre d’affaires 2016 de 26 millions d’euros. La marque compte une cinquantaine de points de vente et emploie plus de 1 000 personnes dans le réseau. Et elle ne ne compte pas en rester là.

Comment vous est venue l’idée de créer Speed BURGER ?

Sur Angers, la livraison de pizza faisait ses débuts. Aujourd’hui, ce service est omniprésente mais en 1995, il n’y en avait qu’à Paris. Nous nous sommes dit simplement « si cela marche pour les pizzas, alors cela doit fonctionner pour les burgers ! » et nous nous sommes lancés sans attendre.

Cela a-t-il tout de suite marché ?

Globalement, oui. Personne ne le faisait donc cela s’est rapidement développé. Je venais du milieu de la restauration et d’une école traditionnelle hôtelière, ce qui nous a facilité la tâche. Je connaissais , le métier. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque il n’y avait même pas de McDonald’s là où nous étions ! J’avais déjà un magasin. Pour l’anecdote, ce n’est pas mon banquier initial qui m’a suivi mais un autre. Le premier, il pouvait financer des pizzas à emporter mais pas des burgers car il n’avait pas les « statistiques ».

Quelles ont été les grandes étapes ?

L’aventure a commencé par l’ouverture des points pilotes. Nous avons attendu huit-neuf ans avant notre première franchise (en 2004, ndlr)) qui se situait au Mans. Par la suite, tout s’est enchainé et nous n’avons pas vraiment prêté attention aux « étapes » car nous étions dans le train et nous avancions, là était notre priorité. Les premières années, nous ouvrions des franchises en vagues régulières, ce qui était normal. Une seconde grande étape a été franchie, il y a dix ans, quand nous avons créé notre site marchand. Nous détenons aujourd’hui cinq restaurants en propre et tout le reste en franchise.

Pour vous, quels ont été les grands changements ?

Ils sont finalement assez récents avec le développement des plateformes qui s’implantent dans les grandes villes de France. Il a fallu s’adapter depuis 2016 à leur arrivée qui s’est révélée massive. Ce sont surtout dans les villes d’une certaine taille que la tendance s’est développée mais cela n’a pas entraîné un changement notable pour nos magasins qui sont situés dans des surfaces urbaines plus réduites. Nous regardons avec attention l’évolution des plateformes dans les autres villes et nous avons déjà commencé à prendre certaines mesures innovantes.

Vous n’êtes pas du tout à présent à Paris, c’est volontaire ?

Il est vrai que nous sommes très prudents sur la rentabilité des magasins et le foncier reste très cher à Paris. Je ne suis pas parisien et je n’ai pas l’habitude d’avoir des prix qui me semblent vraiment élevés. Nous allons ouvrir un premier magasin dans la région parisienne (à Boulogne-Billancourt). Personnellement, je ne trouve pas incontournable d’être présent à Paris même si je suis ouvert à l’idée d’en ouvrir dans les villes proches. Je pense que c’est une question de mentalité. Il existe des franchises qui fonctionnent très bien à Paris et c’est très compliqué pour elles quand elles se déplacent en province. Et inversement pour les franchises implantées à l’origine en province.

Quel est votre point de différenciation par rapport à d’autres enseignes ?

Historiquement, il y a la livraison, bien entendu, mais surtout, nous faisons des burgers depuis plus de trente ans. Nous détenons un savoir-faire avec une trentaine de recettes que l’on peut retrouver sur le site, que je qualifierai de délicieuses. Notre différenciation s’est faite aussi sur cette qualité car nous avons un vrai choix de burgers avec des recettes issues de la cuisine française. Depuis trois ans, nous ne servons que des viandes françaises.

Comment a évolué votre fonction ?

Je suis associé depuis le début et nous partageons les tâches. Lotfi s’est plutôt spécialisé dans le développement du site marchand, de l’informatique et il gère nos magasins en propre alors que, moi, je m’occupe davantage du développement et de l’animation réseau. Je me suis beaucoup occupé des achats même si nous avons intégré une acheteuse parmi la vingtaine de personnes que nous sommes au siège. Au début, j’ai passé presque quinze ans dans les magasins, ce qui représente un avantage quand nous nous adressons à un franchisé. Nous connaissons parfaitement notre franchise et ils le sentent.

Justement, créer la franchise a-t-il été simple ?

Ce n’est jamais facile la franchise. Je me demande toujours comment font ceux qui n’ont qu’un ou deux magasins et se lancent tout de suite dans le développement des franchises. C’est compliqué car il faut obtenir l’implication des franchisés dans leur magasin mais aussi des financiers qui regarderont la franchise de loin. Le franchisé reste son propre patron mais doit suivre le savoir-faire de l’enseigne. Et ne doit surtout pas se reposer totalement sur la marque et attendre que tout lui vienne tout cuit. Il doit réaliser qu’il est LE dirigeant. Concernant le lancement d’une franchise, il faut être bien conseillé et, je dois avouer que notre avocat, qui connaît par cœur la franchise, nous a bien épaulés au moment crucial du lancement.

Y-a-t-il eu des surprises positives ?

Il y a des histoires humaines très intéressantes. Nous avons des franchisés qui sont là depuis le début (quatorze ans, ndlr) avec nous. C’est avant tout de belles histoires humaines et je pense que c’est l’essentiel. Après tout est venu tranquillement, nous n’avons pas intégré dix personnes en même temps dans l’équipe. Nous avons pris le temps de nous préparer. Le quotidien m’a beaucoup surpris et on pourrait en faire des bouquins et des bouquins ! Un jour dans un magasin, j’ai un livreur qui m’a dit : « Je me suis fait doubler par un kangourou ! ». On s’est demandé s’il avait perdu la tête mais en réalité il y avait des kangourous qui s’étaient échappés et qui couraient dans le centre-ville.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer l’aventure ?

Comme tout commerce ou entreprise, c’est « à vendre ». Nous n’allons pas nous cacher la vérité car, en réalité, c’est une histoire de deux personnes et d’un chèque au milieu. Quelqu’un qui me dit que son entreprise n’est pas à vendre, je n’y crois pas. Cela dépend toujours du prix sans doute, peut-être, car je me considère comme un commerçant. Je ne suis pas du genre à finir mes vieux jours dans un magasin. Après, ce qui me motive, c’est que j’adore voir l’ouverture de magasins et l’arrivée du développeur, par exemple, m’a boosté.

Comment trouvez-vous l’équilibre entre vie perso et vie pro ?

L’avantage que j’ai c’est qu’aujourd’hui, je ne suis plus dans la restauration. Je suis dans les bureaux depuis cinq-six ans donc j’ai de vrais week-ends. Je suis toujours avec ma femme depuis trente-trois ans, avec certes des hauts et des bas, mais cela montre que cela se passe bien. (rires) Par ailleurs, je pense qu’il faut apprendre à déléguer. Pour la sélection de mes équipes, je fonctionne principalement par relation. Et cela dans 80 % des cas. Peut-être aussi car nous sommes en province et qu’il y a moins de profils.

Quelles sont vos perspectives de développement ?

Nous essayons déjà de faire le tri dans nos franchisés en proposant à ceux qui se sont lancés un peu par hasard de revendre leur magasin. Il s’agit de garder notre dynamique. Le profil des franchisés a beaucoup changé depuis le début où nous étions principalement sur des profils investisseurs alors que nous restons sur des commerces de proximité. Pour ce qui est des ouvertures, j’aimerais bien que nous en ouvrions cinq à six par an. Nous avons d’ailleurs pris un développeur en interne et nous nous apercevons que faire appel à quelqu’un d’extérieur se révèle une stratégie payante.

Que pensez-vous de la concurrence récente ?

Personnellement, je ne vois pas d’un œil favorable toute cette concurrence à vélo. Je ne parle pas d’enseignes comme Allo Resto ou de la concurrence « normale » mais spécifiquement de ces entreprises. Je ne comprends pas, lorsque je regarde les bilans de ces entreprises, qu’elles existent toujours avec des pertes. Si nous faisions la même chose, nous serions déjà fermés. Aujourd’hui, certains franchisés travaillent avec elles mais je ne trouve pas cela de bon augure.

Des conseils pour les franchisés ?

Pour un futur franchisé, il ne faut pas penser qu’un franchiseur va faire le travail. Comme je le disais, le franchisé est un chef d’entreprise. Je pense qu’il faut également regarder tout ce qu’il y a autour du franchiseur notamment la présence d’animateurs qui passent dans les magasins, d’un service marketing et peut-être surtout de scruter la performance du service achat. Il faut que ce dernier soit plus performant que si vous alliez voir le fournisseur seul. Le franchiseur doit permettre d’obtenir une meilleure rentabilité sinon autant être indépendant.

4 conseils de bruno bourrigault

  • S’adapter à l’évolution de son secteur. Les changements méritent juste des ajustements.
  • Prendre son temps avant de se lancer dans les franchises.
  • Apprendre à déléguer. Faire confiance est un atout.
  • Trouver des franchises performantes. Elles doivent permettre une meilleure rentabilité.

« Au début, j’ai passé presque quinze ans dans les magasins, ce qui représente un avantage quand nous nous adressons à un franchisé. Nous connaissons parfaitement notre franchise et ils le sentent. »

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