Olivier Nishimata, cofondateur de Dynamique Entrepreneuriale revient, pour vous, sur des moments qui l’ont particulièrement marqués depuis la création de l’entreprise.
Nous avons créé notre entreprise il y a maintenant presque dix ans et j’en suis arrivé au constat suivant : quand vous entreprenez, vous vous transformez et, la plupart du temps, de manière positive. Une question subsiste : « Être entrepreneur, est-ce une aptitude naturelle ? » En fait, l’on remarque que les entrepreneurs développent une forme de résistance au stress. Après en avoir croisé un certain nombre, je réalise que cette transformation se révèle souvent le corollaire de la survie de l’entreprise. Alors finalement, pourquoi un entrepreneur est-il contraint de vivre avec l’épée de Damoclès du stress ?
Entreprendre, c’est se retrouver confronté à des difficultés
Etre un entrepreneur, c’est avant tout être confronté à des difficultés, un tas de difficultés…, à peu près tout le temps, surtout au début. Celles-ci prennent des formes extrêmement variées et engendrent un stress qu’il vous faut maîtriser. Problèmes de trésorerie, absence de visibilité, clients qui vous lâchent, marchés qui se retournent, peur de l’échec, livraison qui ne se fait pas, retard dans la sortie du site internet, salariés absents, faillite d’un fournisseur, levée de fonds qui ne se réalise pas… Il est presque impossible d’énumérer toutes les difficultés qui peuvent surgir.
Parallèlement, vos équipes comptent sur vous ! Vous devez trouver des solutions ou prendre des décisions rapidement. Comme vous êtes souvent l’ultime maillon de la chaîne (parfois le seul), sous le regard parfois critique de vos collaborateurs ou associés, vous devez prendre la totale responsabilité. Le tout couronné, à chaque moment, par le stress lié à l’urgence. Au début de l’aventure, vous vous trouvez confronté en permanence à des tâches urgentes, qui impliquent une difficulté toute particulière à lever la tête du guidon et qui peuvent se révéler dangereuses pour la pérennité de votre entreprise. Rares sont ceux qui ont connu le succès dès le début et qui peuvent échapper au stress pour le troquer en totalité contre l’euphorie.
… Mais aussi face à vos « erreurs »
En dehors de cet aspect de responsabilité, vous êtes confronté à des erreurs. Ce sont souvent les vôtres, directement ou non. Au final, il faut bien se l’avouer : que ce soit des décisions à long terme (positionnement de l’entreprise, recrutement…) ou à court terme (non-respect des objectifs, par exemple), ce sont bien vos décisions et donc vos erreurs. Elles vous impactent directement car c’est vous qui commandez et vous ne pouvez pas vous retourner contre une autre personne. Au final, la question n’est pas d’en faire ou non mais de savoir ce que vous en apprenez et comment faire en sorte de ne plus les reproduire. C’est la raison pour laquelle, on préfère, aujourd’hui, le terme d’ « apprentissage ».
D’autre part, quand vous créez votre entreprise, il s’agit de votre idée. Il reste naturel de penser que si elle réussit, c’est que votre idée n’était pas si bête et que vous non plus. A l’inverse, si vous échouez c’est qu’elle l’était peut-être ou, pire, que c’est vous qui n’êtes pas capable de diriger une entreprise. Cette vision des choses est, en réalité, étriquée. Vous le savez : la chance (ou peu importe comme vous l’appelez) joue énormément dans votre parcours même si votre travail et votre acharnement aussi. La capacité à adapter son idée demeure aussi déterminante dans la majorité des cas car si les pistes sont bonnes, les chemins divergent parfois.
Un facteur supplémentaire de stress
Enfin, facteur de stress supplémentaire : ces erreurs peuvent vous mettre en danger personnellement et vous impacter directement. Échec rime parfois avec galère : pas de chômage pour vous, mauvaise considération éventuelle des futurs employeurs (la mentalité change), endettement… Le pire se révélant souvent l’estime de soi, qui en prend un coup. Elle met certains entrepreneurs au fond du gouffre, puisque, au fond, vous incarnez votre entreprise. Vous oubliez parfois que vous avez fait un pari risqué à la base.
Un changement nécessaire
Face à cette accumulation de stress, votre cerveau reste votre meilleur allié. Un peu comme dans une rupture amoureuse où il vous protège sur le long terme. S’il n’est pas rare dans les premiers temps de votre aventure de prendre chaque épreuve très à cœur, vous ne pouvez éternellement tenir émotionnellement, surtout si vous faites partie de la catégorie perfectionniste. Ce moment demeure souvent la partie où vous ressentez le plus le besoin que vos proches vous soutiennent et que vos salariés soient compréhensifs pour vous supporter.
Mais, sans vous en rendre compte, vous changez. Vous vous apercevez que les urgences et les difficultés vous affectent moins et que les erreurs vous donnent souvent l’opportunité de rebondir mais aussi d’acquérir des expériences, qui sont la source de vos succès. Certes, malgré votre désir d’éviter les erreurs, vous prenez du plaisir à devenir un chercheur… de solutions et vous développez une capacité. Alors oui, ces moments de frayeur vous feront rire dans l’avenir si vous les avez surmontés, même si aujourd’hui, vous pouvez les penser catastrophiques. C’est peut-être d’ailleurs dans la continuité de cette pensée que les entrepreneurs à succès américains disent souvent qu’un entrepreneur qui a réussi est, avant tout, l’un de ceux qui ont planté leur boite. Dans le cas inverse, vous n’êtes peut-être pas encore devenu un entrepreneur ?
Une bifurcation en deux styles d’entrepreneurs
Dans bien des cas, ceux qui ont persévéré commencent à récolter le fruit de leurs efforts. Vous pouvez recruter, vous vous agrandissez et commencez enfin à créer de la valeur. Petit à petit, les problèmes matériels ne sont plus des freins permanents (il faut dire qu’il est parfois difficile de faire pire au début). C’est ici, en ce qui me concerne, qu’une bifurcation arrive en deux styles d’entrepreneurs : ceux qui ont le sentiment d’avoir été seuls et nourrissent de l’amertume, et ceux qui sont reconnaissants.
Les premiers ressentent de la gratitude et l’envie de se développer davantage pour eux-mêmes, certes, mais aussi pour proposer de meilleures rémunérations et conditions de travail aux salariés. Ils attribuent souvent à leurs équipes le mérite de leur réussite. Peut-être conscients que c’est grâce à elles que l’entreprise peut jouir maintenant d’une vitesse de croisière. Ensuite, parce que vous reconnaissez leur valeur ajoutée à prendre en charge des tâches qui sont chronophages. Et c’est, au fond, là qu’elles sont le plus utiles car, en vous en délestant, elles vous délestent aussi d’une partie de la charge morale qui vous incombe. Elles vous rassurent par leur comportement… Vous cherchez alors à créer plus grand, plus utile, conscient que vous faites partie d’un tout dont vous êtes un rouage. Les seconds demeurent plus amers. Ils auront tendance à s’attribuer tout le succès.