Le législateur, en instituant au début du deuxième trimestre 2010 un nouveau statut d’entreprise, l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limité (EIRL), a fini de compléter en France le choix de forme sociale pour conduire une entreprise.
Au-delà de la Société Anonyme qui s’adresse aux grandes entreprises, des SAS et SARL/EURL qu’affectionnent les moyennes et petites entreprises, vient se loger l’EIRL pour les entrepreneurs individuels de tous horizons, commerçants, artisans ou professions libérales. L’intérêt de l’instauration de l’EIRL est double : il institue pour les entrepreneurs individuels le patrimoine affecté et il permet une option pour l’impôt sociétés.
Le 1er point de la réforme
Sur le premier point, il s’agit de reconnaitre l’existence d’un patrimoine professionnel affecté séparé du patrimoine personnel qui aurait pu avant la loi, être engagé en garantie de l’activité professionnelle. Cette affectation résulte d’une évaluation confiée à un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, ou encore à un notaire s’il s’agit de bien immobilier. Cette affectation est publiée auprès du registre dont dépend le professionnel (registre du commerce, registre des métiers ou dans certaines circonstances institutions ordinales).
La contrepartie de cette avancée est le fait que l’EIRL, Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée, devra chaque année publier ses comptes au dit registre, comme toutes les entités sous forme sociétale (cette disposition introduit une complexification dont les entrepreneurs individuels se seraient bien passés !). L’avantage de cette avancée, est qu’il est toujours possible de cumuler la déclaration d’insaisissabilité avec l’affectation du patrimoine privé.
Le 2ème point de la réforme
Sur le second point, il y a ouverture de l’option possible à l’assujettissement à l’impôt sociétés. Un calcul sera à faire par chaque entrepreneur, car le taux d’impôt sur le revenu tiré de l’activité sera de 15 % s’il est inférieur à 38 120 € et de 33 % au-delà. Ce calcul sera donc à réaliser d’une part selon son taux moyen d’impôt sur le revenu par rapport au revenu imposable, et d’autre part au taux marginal de tranche d’impôt. Cela signifie que, si un entrepreneur qui a un revenu à déclarer de 30 000 € et que, compte tenu de son quotient familial et des revenus de son conjoint, son taux réel est inférieur à 15 %, il n’aura pas intérêt à opter pour l’impôt sociétés.
Les obligations du statut
Au-delà de ces éléments essentiels liés au dispositif, l’entrepreneur qui choisit le statut de l’EIRL s’expose à des obligations dont les principales peuvent être énumérées ici :
- la raison sociale de son entreprise sur les documents d’information ou d’en tête, devra être suivie de la mention « Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée » ;
- les comptes devront être publiés chaque année ;
- il faudra tenir une comptabilité autonome, les obligations pouvant être simplifiées selon le régime fiscal de la micro entreprise ou de l’auto-entrepreneur mis en place ;
- il faudra ouvrir un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle.
Sur le patrimoine affecté
Dans le cas où le patrimoine affecté venait à évoluer notamment en complément, il conviendrait à l’entrepreneur dans les mêmes formes que dans le cadre de l’affectation initiale de porter une information auprès du registre de la chambre consulaire dont il dépend. Il est à noter que le patrimoine affecté pourra être soit transmis, soit donné, soit apporté en société de capitaux, selon les règles définies par la loi et en respect des dispositions fiscales prises à cet égard (qui procèdent des mêmes règles que pour les sociétés et les entreprises individuelles non EIRL).
Enfin, il faut savoir que lorsque l’entrepreneur individuel en EIRL opte pour l’IS, il a la faculté d’adhérer à un centre ou une association agréé, qui en cas d’absence de mauvaise foi, notamment, lors d’une vérification fiscale ramène la prescription fiscale de trois à deux ans.
A savoir sur le plan social
Sur le plan social, le statut de l’EIRL ne change pas le fait que les revenus de l’entrepreneur seront soumis au régime des travailleurs non salariés.
Attention : si un auto-entrepreneur optait pour le statut de l’EIRL, aucune incidence non plus n’existerait quant au calcul forfaitaire et libératoire des cotisations sur la base du chiffre d’affaires dont la base varie en fonction que l’on exerce soit une activité de service, soit une activité de négoce.
En conclusion, le chef d’entreprise individuel a tout intérêt de se rapprocher de son expert comptable, afin qu’il examine avec lui :
- les possibilités d’opter pour le statut de l’EIRL ;
- le fait d’envisager les modalités de définition et de valorisation du patrimoine d’affectation, qui sera « certifié » par un autre professionnel que son conseil habituel ;
- la nécessité d’opter ou non pour l’impôt sociétés.
Article par ANDRÉ-PAUL BAHUON | EXPERT-COMPTABLE | CREATIS