Home Management Dois-je laisser courir la rumeur ?

Dois-je laisser courir la rumeur ?

Dois-je laisser courir la rumeur ?

A l’heure des gazouillis de twitter, l’e-réputation n’a qu’à bien se tenir car la rumeur, elle, ne perd plus de temps pour attendre. Les bruits de couloirs s’échangent à présent hors des murs réels de l’entreprise. Ils s’ébruitent sur les réseaux sociaux d’entreprise, se partagent avec des smileys ou toujours traditionnellement à mots bas à la machine à café. Dangereuse, subtile, pernicieuse ou positive… Y a-t-il tant à craindre de la rumeur ?

S’il est difficile de connaître son origine, la rumeur part le plus souvent d’une intention volontaire. Il peut s’agir d’un client qui décharge sa colère, d’un concurrent qui souhaite nuire à l’entreprise ou d’un employé frustré par son travail.

La rumeur, une épidémie malveillante

Les mauvaises nouvelles circulent souvent plus vite que les bonnes. Certaines ne sont pourtant que des ragots, susceptibles de naître et de se partager sitôt que l’entreprise compte plus de deux salariés. Ils reposent la plupart du temps sur des indices qui peuvent toutefois être mal interprétés. 

La rumeur se déclenche par l’apport d’une information nouvelle, s’ébruite et prolifère à cause d’un besoin important de croyances. Ceux qui la colportent ne cherchent pas à vérifier d’où vient la source. La fiabilité de l’information n’est pas l’enjeu principal du partage mais la curiosité, le plaisir, le souci de savoir, de se faire mousser – et parfois de nuire. La rumeur est l’un des maux les plus craints par les dirigeants d’entreprise. A l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, elle peut provoquer une crise sans précédent.

La rumeur est négative par nature

Selon un sondage OpinionWay publiée à l’occasion de l’opération « J’aime ma boîte » lors de sa dixième édition en France pour savoir ce qui irrite le plus les collaborateurs, 53 % des salariés citent le collègue hypocrite, puis le lèche-botte (35 %) et celui qui colporte des rumeurs (35 %). 

Qu’on lui donne les noms de potins, ragots, bruits de couloirs, on-dit, racontars, la rumeur est négative par nature. Oh ! Elle ne dénigre pas toujours, elle ne médit pas sans cesse. Un simple mot lâché avec une subtile négligence, – admettons « naïveté »-, et la rumeur est lancée. Que celui qui n’a jamais participé à sa course, me jette la première pierre ! Si elle n’est pas toujours dangereuse et méchante, la rumeur peut être source de malentendus dans l’environnement professionnel en drainant des croyances collectives.

La rumeur s’inscrit dans les failles de la communication interne

Les « vous n’êtes pas au courant ? », « on ne vous a pas dit ? », « ce n’est pas officiel mais … » peuvent devenir rapidement un canal de communication principal si on n’établit pas la vérité. C’est la rareté de l’information qui donne toute son importance à la rumeur. Pour répondre à cette faille, la communication interne d’une entreprise doit être soignée et les informations verticales privilégiées. Les managers doivent mettre en place une communication transparente, suivant leurs possibilités tout en sachant qu’une directive européenne de 2008 oblige les sociétés de plus de 50 employés à informer leurs salariés sitôt que 10% d’entre eux en font la demande. 

La rumeur à l’ère numérique est virale

A l’heure des réseaux sociaux et des gazouillis en 280 caractères, l’e-réputation d’une entreprise peut être amochée par des « bad buzz » en quelques clics seulement. Les rumeurs sur internet peuvent être de types différents et atteindre à l’honneur et la réputation d’un dirigeant. Elles peuvent également dénigrer les produits ou les services de l’entreprise et mettre le doute dans l’esprit des consommateurs. Sur Internet, la rumeur se diffuse par e-mail ou hoax, sur les forums de discussion, sur les réseaux sociaux, les sites et les blogs ou les Newsgroups. La rumeur, à l’ère numérique, est virale, quasiment incontrôlable et sans grand risque pour celui qui la lance. Celui qui est visé, par contre, est gravement menacé. L’habitude des internautes est encore de croire que ce qu’on trouve sur la toile est « vrai ». 

Les médias peuvent aussi créer et colporter les on-dit

Ce fut le cas en 2011 d’une rumeur visant la Société Générale. En juillet, une série fictive dans les colonnes du journal Le Monde met en scène deux traders allemands et une journaliste du Wall Street Journal envoyée à Francfort pour suivre les avancées économiques de la Banque centrale européenne. La Société Générale est spécifiquement citée, menacée par la crise grecque. Les noms des personnages sont connus mais le lecteur reconnaît là une fiction. 

Pour autant, un tabloïd britannique, le Mail on Sunday, (Daily Mail) publie un article le 7 août sur la situation de la Société Générale, décrite comme catastrophique. A partir de ce moment, c’est un enchaînement de bruits et de rumeurs qui circulent autant sur les blogs, les sites internet et les réseaux sociaux que sur les chaînes d’information en continu. Le Daily Mail présente ses excuses à la Société Générale deux jours plus tard . Il supprime l’article de son site internet, reconnaissant que le papier était fondé sur de « fausses informations »… Fausses informations mais réelles conséquences pour la banque qui a vu son titre fondre de 14,7% en une seule séance de cotation.

Surfer sur la rumeur positive

Et pourtant. La rumeur a aussi ses vertus. En ce qui concerne Internet et les réseaux sociaux, l’épée est à double tranchant. Pour un entrepreneur, la rumeur peut se révéler extrêmement positive pour jauger le climat du marché lors du pré-lancement d’un produit par exemple. Et si la rumeur négative lancée contre vous peut s’avérer parfois incontrôlable, le web peut faire parler de vous. C’est littéralement ce que nous appelons aujourd’hui « faire le buzz », un bourdonnement qui enfle et qui pourrait bien vous profiter. L’idée est d’avoir un contenu, un produit, un service réel à vendre ou une notoriété à accroître et de diffuser indirectement une information le(s) concernant.

La marketing viral, un atout

L’originalité prime, car la rumeur doit être susceptible de créer de l’émotion et de l’envie chez le consommateur potentiel pour être partagée. C’est ce qu’on nomme le marketing viral. La communication doit être cohérente avec les valeurs de l’entreprise et comme toute rumeur cibler les personnes qui seront les colporteurs/relayeurs, personnes d’influence capables d’échanger à grande échelle et ravies de le faire. Toutefois, le recours au marketing viral n’est pas indispensable et doit se faire avec mesure pour éviter la pente glissante d’un « bad buzz » qui finirait dans le brouhaha des rumeurs 2.0. 

Et vous dirigeant, vous ébruitez des rumeurs ?

En tant que dirigeant, rien ne vous empêche de faire courir vous aussi des rumeurs dans votre propre entreprise. Ce sera à votre tour de faire sous-entendre des informations et de les faire circuler par le biais de la discrétion en laissant ouverte négligemment une porte alors que vous êtes au téléphone, par exemple. Vous pouvez aussi ébruiter une rumeur sous le sceau du secret. A ce jeu là, le mensonge n’est guère autorisé mais la ruse peut vous permettre de gonfler artificiellement les performances d’un salarié ou de laisser glisser que les salaires seront bientôt augmentés. Vos salariés pourraient y répondre par plus de compétitivité et une motivation accrue de bien faire.

La rumeur, signe de créativité dans l’entreprise ?

Selon certains essayistes et analystes, les bruits de couloir ne sont pas que des maux de vipère et peuvent avoir certaines vertus pour le moins inattendues à l’intérieur de l’entreprise. Le commérage à la machine à café n’est pas seulement du « gossip ». C’est une preuve du lien social qui existe dans l’entreprise et qui favorise la construction de la collectivité. Les ragots créent une connivence entre ceux qui se les partagent, une proximité professionnelle. Ils permettent aussi de se distraire et d’échanger des (bons) mots à la pause comme un regain d’énergie. 

Entre salariés, le ragot est une des armes dont les salariés disposent pour se plaindre et se défouler d’une situation anxiogène… et par la suite de repartir travailler de plus belle. La critique peut également être vue comme un signe d’implication dans l’entreprise et de motivation dans le travail. Ceux qui ont la critique facile bousculent les idées reçues et les lignes jaunes immatérielles instaurées dans l’entreprise. Ce sont eux qui font preuve de créativité et d’innovation. Ils seront à garder à l’œil par tout entrepreneur qui ne devra pas les fliquer constamment.