Dans ce monde du travail en pleine mutation tant en raison de la crise sanitaire, des évolutions technologiques que des évolutions relationnelles et des relations internationales complexes, il semble que la fonction de manager n’entraîne plus le même enthousiasme ni le même regard que dans le passé.
Une étude inédite menée par Ipsos et le Boston Consulting Group (BCG) révèle un désarroi global des managers mais touchant tout particulièrement la France : 85% d’entre eux trouvent leur métier plus compliqué qu’auparavant. Ils se sentent aussi plus débordés (78% vs. 71%), plus stressés (74% vs. 69%) et plus démotivés (59% vs. 52%)… Cette étude met en lumière un besoin de renouveau. Salariés et managers aspirent à de nouveaux rôles et à de nouveaux modes de fonctionnement. Ils attendent plus d’autonomie, de coopération et de responsabilisation.
Être manager, une fonction qui ne fait plus rêver
Seuls 32% des managers français interrogés estiment que leur fonction comporte plus d’avantages que d’inconvénients (vs 41% en moyenne). Pour les managés français, ils sont 85% à penser qu’il est plus compliqué de manager aujourd’hui.
Devenir manager n’est plus considéré comme le « graal », la fonction a perdu de son sens et ne fait plus rêver.
Selon Vinciane Beauchene, directrice associée au BCG et auteur de l’étude « Le modèle actuel est à bout de souffle. Alors qu’ils sont essentiels pour le succès de l’entreprise, les managers ne savent plus aujourd’hui ce que l’on attend d’eux et ont l’impression d’être à la croisée de toutes les contraintes. Il est temps de repenser leur rôle. C’est justement ce que nous observons dans les entreprises qui passent à l’agile. » indique
Des managers en demande de changement
Les managers ont eux-même conscience de la fin d’un modèle : 71% des managers français (vs 66% en moyenne) s’attendent à des changements majeurs de leur fonction dans les années à venir et 38% pensent même que leur poste aura disparu d’ici 5 à 10 ans.
Néanmoins, ils restent optimistes face aux transformations de l’entreprise aujourd’hui. Par exemple, 57% perçoivent positivement la montée des enjeux liés au digital et aux nouvelles technologies. Ce qu’ils attendent : une clarification de leur rôle et de leur mission (60% pour les managers français) et un meilleur accompagnement (67%).
Une nouvelle perception du « bon manager »
En France, managers et managés ont globalement la même perception de ce qu’est un bon manager : il motive, donne du sens et élimine les obstacles. Cette perception du « manager idéal » est différente en Chine et en Allemagne : 59% des allemands attendent de leur manager qu’il prenne des décisions (vs 40% en France).
Un autre sondage nous apporte des précisions significatives
Le sondage réalisé du 8 au 16 octobre 2018 par Opinionway pour la Maison du management apporte des réponses révélatrices qu’être un manager aussi bien pour les managers que les non-managers n’est plus le nec plus ultra. D’ailleurs, le sondage met en exergue le fait qu’un manager sur deux n’a pas demandé à le devenir et il apparaît donc symptomatique que cette fonction ne soit plus aussi attractive et que les candidats ne se bousculent pas pour remplir cette fonction.
Pour corroborer nos propos, 38 % des salariés souhaiteraient devenir des managers alors que 62 % des salariés ne souhaiteraient pas le devenir. Cependant, il faut nuancer cette réponse, car 53 % des moins de 30 ans désireraient occuper cette fonction s’ils en avaient l’opportunité. Ils sont donc plutôt enclins à voir l’avenir de manière optimiste. Mais il faut peut-être souligner qu’ils ne sont pas encore dans l’engrenage de la morosité ambiante.
Mais finalement qu’implique cette fonction de managers aux yeux des non-managers?
Être un manager implique avant tout subir le poids de la hiérarchie. Les inconvénients de cette fonction font que le désintérêt se développe, car ils sont multiples comme subir plus de pression de sa hiérarchie 65 %, être responsable du travail des autres 45 %, gérer une forte surcharge de travail 39 %, mais surtout et ce n’est guère neutre, être en permanence connecté à son travail 35 % et en conséquence gérer un stress qui se répercute sur les relations familiales. Certes, les avantages ne sont guère négligeables comme gagner mieux sa vie 60 %, avoir davantage de responsabilités 48 %, participer davantage à la prise de décision 38 % et déléguer le travail à ses équipes 30 %, mais de toute évidence le gain financier ne compense pas la pression supplémentaire liée à la fonction.
Pour les non-managers, la fonction est liée de manière omniprésente à la dimension hiérarchique et ne suscite pas l’engouement. 24 % considèrent que le fait de manager revient à un leader. 26 % à un chef, des fonctions qui ne s’adaptent pas à l’évolution des relations professionnelles ni au fait que l’information par le biais des nouvelles technologies est à la disposition de tous. De plus, 38 % des non-managers pensent que cette fonction est inutile actuellement dans le monde du travail, ce qui est révélateur des relations qui existent entre les non-managers et les managers. Mais surtout ils pensent qu’il faut justifier de plusieurs compétences et 41 % considèrent ne pas avoir les qualités requises pour être un bon manager.
Mais quels sont les rôles que le manager occupera dans l’avenir ?
Des rôles tournés vers la cohésion des équipes et où les relations humaines sont mises au premier plan, car c’est l’attente prioritaire des salariés à l’égard de leur manager. Il ne s’agit plus d’une relation de supérieur hiérarchique à inférieur hiérarchique, mais d’accompagner et animer les équipes dans un but de cohésion, de collaboration et d’adhésion de tous, soutenir au quotidien ses collaborateurs pour les faire réussir, dans leur travail et dans leur avenir en prenant le rôle de coach, de guider ses équipes pour atteindre en priorité les objectifs attendus en étant le pilote.
En mettant au second plan les fonctions de leader (entraîner chacun pour mettre en œuvre le projet de l’entreprise) 16 % et de contributeur (participer à toute amélioration dans son entité et pour l’entreprise) 9 %, l’attente des salariés a subi une évolution considérable. Pour souligner cette évolution, les mots choisis par les non-managers sont explicites pour évoquer les qualités requises du manager. à l’écoute 61 %, encourageant, 42 %, pédagogue 43 %, organisé 48 %, respectueux 51 %. Ils expriment le désir d’un nouvel humanisme.
Quelle utilité de la fonction ?
En ce qui concerne l’utilité de cette fonction, la réponse est révélatrice d’un malaise, car 38% des non-managers pensent que le manager est une fonction inutile dans le monde du travail actuel un constat d’ailleurs partagé par 41 % des managers. Pour les salariés, un manager doit se concentrer sur le développement des équipes : 93 % des non-managers estiment qu’un manager doit inciter chacun de ses collaborateurs à progresser et 83 % pensent qu’un manager efficace est indispensable pour faire fonctionner une équipe.
Pourtant les managers considèrent leur fonction avec un regard optimiste, car 86% d’entre eux se sentent fiers de l’être, 83 % recommanderaient à leurs proches de devenir manager et les jeunes souhaitent davantage que les autres, devenir managers. Il apparaît évident que la posture du manager est en pleine mutation et qu’elle devra s’accorder à un management bienveillant sous peine de disparaître ou de générer des conflits chronophages.