Interview de Sandrine Wehrli, déléguée générale de CCI Entreprendre en France.
Certains statuts peuvent-ils représenter des freins à la création d’entreprise ?
Ce qui, de manière générale, détermine la réussite d’une création d’entreprise est la crédibilité du projet et la détermination du créateur. Cette capacité du porteur de projet à inspirer la confiance vis-à-vis des tiers est ce qui fera la différence, ce qui permettra à certains de partir plus armés. Et la crédibilité vient d’abord de la qualité de l’idée. Et cela, qu’on ait 16 ans, qu’on soit retraité, ou étranger ne change pas grand-chose. Si l’idée est bonne, qu’elle est positionnée sur un marché pertinent, que le produit est au prix du marché, qu’il est rentable et qu’il a bien été testé, cette idée donnera confiance.
Mais la crédibilité c’est aussi celle du porteur de projet lui-même. Et bien entendu certains statuts du créateur inspirent davantage la crédibilité que d’autres. Pour donner toutes les chances de réussite à des porteurs de projet dont les profils sont naturellement moins crédibles, il faut parfois les aider à acquérir ce qui leur manque.
Justement, y a-t-il des profils privilégiés pour réussir dans la création d’entreprise ?
Il n’est pas faux de penser que l’on accorde plus facilement sa confiance à un porteur de projet de 40 ans qui a déjà une bonne assise financière, qui a 10 ans d’expérience dans l’activité, qui a un apport personnel, issu des milieux sociaux favorisés et qui soit demandeur d’emploi, ce qui lui permettra de bénéficier d’un revenu, même si son projet n’aboutit pas. Avoir ce profil idéal facilite, il est vrai, la création. Les autres créateurs sont moins bien équipés pour la course.
Mais il est possible de les aider à acquérir ce qui leur manque. Pour cela, de nombreux dispositifs de financement et de réseaux d’accompagnement, comme les Chambres de Commerce existent et se mobilisent pour combler les failles qui nuisent à la crédibilité du porteur de projet. Ces acteurs peuvent octroyer un apport personnel, dispenser des formations, apporter une expertise et représenter une garantie de sérieux vis-à-vis des financeurs et partenaires. Si tout le monde au départ ne peut pas courir de la même façon, ni au même rythme, en France tout est fait pour que chaque porteur de projet puisse bénéficier de conditions similaires et des mêmes chances de réussite à l’arrivée.
A chaque profil ses aides ?
Absolument et une multitude d’acteurs de l’accompagnement ont réussi à identifier ce qu’il manquait à chaque type de profil de porteur de projet afin de le leur apporter. Certains ne connaissent pas suffisamment le métier dans lequel ils se lancent, d’autres ont de grosses lacunes quant à la gestion d’une entreprise. Pour tous ceux-là il existe des formations ciblées qui enseignent les éléments de base à maîtriser. Pour les créateurs qui ne sortent pas d’une école de commerce, il existe des formations ou des experts qui peuvent les aider à monter une étude de marché.
Certains porteurs de projet auront, eux, surtout besoin d’un apport personnel qui leur fait défaut, soit parce que leur origine sociale ne leur offre pas cette chance, soit parce qu’ils sont trop jeunes pour avoir eu le temps d’amasser la somme nécessaire. L’ensemble des dispositifs et structures qui existent en France permettent de combler les différences en apportant à chacun ce dont il a réellement besoin selon sa situation.
Pensez-vous qu’il y ait eu des évolutions ? Certains profils de porteur de projet étaient-ils vus comme des barrières à la création alors qu’ils sont aujourd’hui tout à fait acceptés ?
Oui, il y a quelques temps encore, les « petits » porteurs de projet, qui cherchaient à créer leur activité, sans pour autant avoir envie de se lancer dans la création d’une véritable entreprise, n’étaient pas reconnus comme des entrepreneurs à part entière. On se projette encore trop dans l’image des entreprises du Cac40 ou des grandes PME ! Or la population des personnes qui souhaitent juste créer une activité, voire leur propre emploi, est non-négligeable.
Et la révolution a véritablement eu lieu avec la création du régime de l’auto-entrepreneur. Si ce régime ne repose que sur une simplification des mesures fiscales et administratives de l’entrepreneur, sa création a réellement libéré toute une frange de l’entrepreneuriat. Ce régime permet à de nombreuses personnes aujourd’hui de vivre de leur passion ou de leur loisir, de créer une activité complémentaire et de gagner de l’argent. La grande évolution est la prise en compte de ces profils qui étaient des oubliés de la création d’entreprise.
Peut-on créer une entreprise dans n’importe quelle situation de vie ?
Juridiquement il n’existe aujourd’hui aucune limite au désir de créer son entreprise, si ce n’est celle de l’âge minimum de 16 ans. Ainsi, ni la nationalité, ni le sexe, ni la situation sociale ne représentent des limites à la création. Mais, si l’entrepreneuriat est ouvert à tous les profils, il n’est pas aussi sûr que tous offrent les mêmes chances. Certains facteurs facilitent l’accès à l’entrepreneuriat : une origine sociale aisée, un bon niveau d’études, la possibilité de mobiliser un apport personnel ou la présence d’entrepreneurs dans l’entourage proche.
De manière générale le principe de liberté d’entreprendre donne à tous la chance d’être sur la même ligne de départ. Mais une fois que le top départ de la course à l’entrepreneuriat est lancé, « l’équipement » des uns et des autres va jouer : certains auront de bonnes chaussures légères, d’autres partiront pieds nus, certains auront un sac à dos très chargé, et d’autres non. Finalement ce qui fera la différence à l’arrivée dépendra de la motivation du coureur et de sa préparation.