Parlez-nous de vos débuts dans le monde de l’entreprise ?
Après avoir obtenu mon diplôme à HEC, j’ai démarré dans la vie professionnelle comme analyste dans une banque d’affaires à New York. Ce premier emploi ne me plaisait pas vraiment, j’avais plutôt envie de vivre l’entreprise sur le terrain. Je me suis vite tourné vers l’industrie en intégrant le groupe Schneider Electric en 1991. Après un an de contrôle de gestion industriel, j’ai rejoint l’équipe Corporate du groupe en charge des opérations de croissance externe. Après cinq ans, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour de cette fonction et je suis parti.
En 1999, j’ai rencontré un jeune entrepreneur qui souhaitait introduire en bourse sa start-up dans les nouvelles technologies. Financée par une levée de fonds privés et des prêts bancaires, Keyrus s’est d’abord développée en rachetant des sociétés. Puis nous avons levé 25 millions d’euros sur le Nouveau Marché, sur une valorisation de 75 millions pré-monnaie. à mon départ, en 2002, le chiffre d’affaires de la société s’élevait à plus de 50 millions d’euros.
Et comment êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?
J’ai dirigé Keyrus pendant presque quatre ans. Puis, à un moment donné, j’ai préféré quitter l’entreprise pour repartir sur quelque chose de neuf. J’ai ensuite créé Feeloë, un cabinet de conseil positionné sur le management des technologies. Nous conseillons aujourd’hui des entreprises de toutes tailles dans leurs stratégies Internet et leurs grands projets de systèmes d’information.
C’est à ce moment que vous avez décidé de vous lancer en tant qu’investisseur privé ?
A titre personnel, j’ai commencé à avoir des activités de business angel, mais sans vraiment savoir que cela s’appelait comme ça ! J’ai une approche d’entrepreneur et je m’associe aux fondateurs en m’impliquant dans le business développement et en apportant mes réseaux stratégiques. J’ai aidé une dizaine de start-up à se monter et à être financées. Certaines n’ont pas réussi, d’autres en revanche s’en sont bien sorties et l’une d’entre elles a connu un succès exceptionnel.
Comment vous êtes-vous lancés dans l’aventure de Dailymotion ?
En 2005, les deux créateurs du site m’ont été présentés. à l’époque, il n’y avait pas le site que vous connaissez aujourd’hui. Ils avaient un concept de site internet innovant, mais pas d’argent. J’ai donc été le premier investisseur de Dailymotion. Je me suis tout de suite impliqué et j’ai vécu cette aventure aussi bien comme business angel que comme co-entrepreneur. Ensuite, face aux énormes besoins de financement, les fonds d’investissement ont pris le relais en injectant plusieurs dizaines de millions d’euros. Je me suis alors progressivement retiré de l’opérationnel.
Que vous a apporté votre expérience de co-entrepreneur dans Dailymotion ?
Cette expérience m’a permis d’entrer dans des réseaux auxquels je n’avais pas accès, et notamment celui du monde Internet, au niveau international. J’ai rencontré ainsi de nombreux patrons de sites internets et de différents médias. Elle m’a également appris à mieux détecter les limites des modèles de financement des start-up. Les investissements faits ne sont pas toujours en phase avec les véritables intérêts de l’entreprise. Les institutionnels ont des attentes qui mettent une pression qui n’est pas toujours compatible avec le processus de développement de l’entreprise, qui demande parfois beaucoup de patience. Le système n’est pas assez flexible et peut casser des projets à fort potentiel.
Et aujourd’hui, quels sont vos nouveaux projets ?
Je passe beaucoup de mon temps en Chine où j’ai fini par y rencontrer une française installée là-bas qui est devenue mon épouse. Ensemble, nous collaborons dans l’entreprise qu’elle a créée dans le secteur de la fabrication de vêtements et accessoires. Aujourd’hui, cette société se développe bien et je me suis localisé à Shanghai, où je passe la moitié de mon temps. Mes activités sont réparties entre le pilotage des sociétés que j’ai créées, la gestion de mon portefeuille de participations, ainsi que la création de nouveaux services. J’accompagne de plus en plus d’investisseurs et d’entrepreneurs en Chine. C’est un marché attractif et singulier qu’il faut aborder avec pragmatisme et créativité.
5 conseils
- 1. Avoir un mental d’acier. Créer une entreprise et la développer quand on n’a pas de fonds illimités relève du parcours du combattant ! C’est une course d’obstacles permanente, il faut donc avoir une bonne dose d’énergie et savoir garder le moral en toutes occasions, y compris en plein tempête, lorsque le bateau est en train de tanguer. Le dirigeant doit garder le cap et la capacité de croire en son projet quoiqu’il arrive.
- 2. Avoir une véritable énergie commerciale. L’entreprise tire sa réussite de sa puissance commerciale. Par exemple, une société qui propose une technologie ou un produit excellent aura parfois de moins bons résultats que l’entreprise dont l’offre technique est médiocre mais qui sait bien la vendre. Beaucoup d’entrepreneurs ne sont pas des commerciaux alors qu’ils devraient être les meilleurs vendeurs de leur entreprise. Vendre doit rester la priorité de l’entrepreneur jusqu’à devenir une obsession.
- 3. Avoir la capacité de gérer les priorités. Une petite société ne peut pas réunir toutes les compétences nécessaires à son développement. Elle doit sans cesse combler de nombreuses lacunes. L’important pour l’entrepreneur est de savoir sur quelles priorités il doit concentrer ses énergies et les ressources de la société, car on ne peut pas tout faire en même temps.
- 4. être réaliste. Beaucoup d’entrepreneurs défendent un business plan sans avoir réellement réfléchi de manière fine et détaillée à leur marché. Il faut bien mesurer la taille du segment sur lequel on se place et ne pas confondre marché et segment. Par exemple un marché peut bien se porter, mais il est possible qu’un segment de ce marché aille mal ou n’ait pas de perspectives de développement. Cela peut être l’inverse également.
- 5. Savoir prendre du recul en permanence. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Dans le développement de l’entreprise, chaque virage présente un danger de sortie de route, donc il faut toujours anticiper. à chaque étape du développement, il faut prendre son temps et réfléchir aux compétences nécessaires pour passer au niveau suivant.