Interview de David Layani, fondateur du groupe Onepoint, société de conseils et de services du numérique qui ambitionne les 10 000 collaborateurs d’ici 2020.
Etre médiatisé n’est pas quelque chose que vous aimez particulièrement ?
Tellement de tabous entourent la réussite et le succès en France. Culturellement pour vivre heureux, mieux vaut vivre caché. Les entrepreneurs ne doivent plus subir l’incompréhension mais la faire évoluer. Et faire bouger les choses est l’un de mes objectifs ! à partir du moment, où l’on porte en soi la responsabilité du redressement économique du pays, il faut être capable de l’assumer et de dire ce que l’on pense. J’ai horreur de la victimisation. Notre responsabilité en tant que chef d’entreprise est de parler, sans langue de bois.
Depuis la création de votre société, il y a 12 ans, pensez-vous que le regard vis-à-vis des entrepreneurs a changé ?
L’année dernière, le groupe Onepoint a gagné un important marché au ministère de la Justice, qui a toujours été réservé aux plus grandes entreprises. Ce mois-ci, nous venons de remporter un centre d’expertises à la Banque de France. C’est la preuve d’un changement culturel. Accepter de donner ce marché à une entreprise comme la nôtre, c’est croire que les entreprises de taille intermédiaire possèdent des valeurs et des compétences. C’est croire également en les entrepreneurs. Je ne pense pas qu’il y ait un client qui ne s’intéresse pas au chef d’entreprise ni à l’actionnaire avec lesquels il s’apprête à signer.
Une confiance que vous n’avez pas toujours obtenue à vos débuts…
C’est vrai. à 22 ans, je suis jugé prématuré et pas assez mûr pour lancer mon entreprise. Post-11 septembre, le monde est complètement en crise. Je ne trouve pas un banquier qui accepte de m’ouvrir un compte. Je n’ai qu’une envie en tête, créer. En effet, je suis un bâtisseur. Je suis persuadé qu’il existe un profond besoin de changement dans la société. Avec deux ans d’expérience en tant que salarié dans le monde des organisations et de l’IT, je décide d’attaquer le marché de front en 2002 et d’aller voir de grandes entreprises. Certaines convaincues par mon engagement et ma détermination, me font confiance et me donnent la possibilité de prouver ce que je dis.
Ce n’était pas risqué ?
Culotté, ambitieux mais je ne vais pas dire risqué. Les risques, je les prends depuis dix ans, depuis le moment où je crée de la valeur. à 22 ans, je ne partais de rien.
Un an après, vous vous êtes développé à l’international.
Je me rends au Canada avec mon sac-à-dos. Il fait moins 30 degrés et je ne connais pas le pays. J’ai fait la promesse à mes collaborateurs de leur offrir des expériences internationales. En même temps, je veux réunir très tôt les meilleurs experts francophones du monde que ce soit au Canada, en Tunisie ou au Maroc. Grâce à cette vision impatiente de vouloir se déployer, nous avons gagné quelques marchés aux états-Unis.
Onepoint compte 800 collaborateurs à présent. Quelle place accordez-vous à vos salariés ?
J’ai très tôt compris qu’il fallait s’entourer des meilleurs et créer des équipes complémentaires et dynamiques. L’anticipation ne concerne pas simplement le marché. J’ai toujours pensé à mes relations futures avec mes collaborateurs et pris le temps d’en créer une de confiance avec eux. Ils sont le cœur du système. Une des clés du succès de l’entrepreneur est l’humilité. Il faut être capable de se réinventer et de concevoir qu’au moment où l’on pose les bases d’une organisation, ce n’est pas forcément la meilleure. Je donne toujours une chance à un talent même quand nous n’avons pas de besoin identifié de recrutement. Cela ne m’a jamais fait défaut. Intégrer un talent dans l’entreprise, même sans besoin initial, crée toujours du travail et de la valeur.
Quelle est votre vision pour demain ?
La même que celle d’il y a dix ans ! Créer une communauté de 10 000 personnes dans les sept ans qui viennent à travers quelques acquisitions. Le marché du conseil et des services numériques appelle consolidation et clarté pour la clientèle. Notre situation et nos capacités financières peuvent nous permettre de l’ambitionner. L’entreprise est un organe vivant qui doit évoluer en permanence. Dès le départ, je n’ai pas mis de limites à mes ambitions. Je suis de façon chronique, insatisfait en matière d’ambition d’entreprise. La question patrimoniale ne m’intéresse pas. Par contre, la valeur que je peux créer dans l’entreprise, oui !
Qu’est-ce qui a changé en 12 ans ?
J’ai acquis de la maturité, j’utilise un peu mieux mon énergie. Je comprends aussi plus rapidement. J’aime beaucoup l’histoire et la manière dont elle s’est écrite. Ma mère m’a appris les valeurs de l’engagement, du respect et de la mémoire. Ne pas oublier d’où l’on vient, c’est très important. Cela m’a beaucoup guidé dans l’entreprise même si nous avons la chance de ne pas avoir vécu d’échec important.
Vous avez peut-être en tête une difficulté particulière…
Onepoint s’est déployé sur de nombreux pays en même temps. à chaque fois, au démarrage, cette stratégie a fonctionné mais il faut aussi savoir la gérer. D’où la nécessité d’avoir une identité forte, des process, une organisation et une culture. L’expérience me l’a fait comprendre. On a aussi racheté des usines de production de logiciels en province avec une moyenne d’âge élevée, en grande difficulté financière et en pleine crise des subprimes. Je n’oublierai jamais ce moment qui aurait pu coûter la vie de l’entreprise comme à chaque étape importante d’investissement.
Quelle est la clef du succès ?
Ne jamais oublier le client. J’ai construit mon entreprise en misant sur la nécessité de produire localement pour être au plus proche des clients et pouvoir leur proposer des solutions rapides et efficaces. Le client ne se contente plus de consommer. Il attend beaucoup de la personnalisation de la relation avec l’entreprise et donc avec le salarié qu’il a en face. Cette idée, il ne faut jamais l’opposer au business. Le triptyque gagnant, qui redistribue les cartes en entreprise ces dernières années, est l’équilibre des satisfactions entre les clients, les salariés et les actionnaires. Il faut les associer plutôt que les diviser.
4 Conseils de David Layani
- La formation académique n’est pas un pré-requis pour réussir. Comprenez les enjeux du terrain en vous frottant à la réalité. En engageant toutes vos forces dans votre passion et en croyant en votre capacité de réussir, vous ouvrirez les plus grandes portes. Sachez aussi vous entourer des bonnes personnes.
- Soyez optimiste. Prenez conscience tous les jours de la réalité de ce que vous avez et des choses fondamentales qui vous font vous lever du bon pied. Cela ne vous empêche pas de rester profondément réaliste.
- Montez en gamme en créant une valeur plus importante. Proposez les meilleurs produits, les meilleurs outillages et les meilleurs services à vos clients en cernant précisément leur process et leur organisation.
- Ne vendez pas votre âme. Les entrepreneurs ne sont pas obsédés par l’argent. Avoir de l’empathie ne signifie pas être faible ! Soyez le bâtisseur de projets intelligents capables de rassembler des équipes et porteurs de sens en remettant l’homme au centre.