La disparition de David Robert Jones, plus connu sous son nom de scène de David Bowie, a soulevé une émotion mondiale, et les médias se sont empressés d’évoquer sa discographie, voire sa filmographie. Bien peu cependant ont souligné que le créateur excentrique de Ziggy Stardust ou Aladdin Sane était également un businessman avisé, à l’inverse de nombre de rock stars…
Un pionnier de la titrisation
David Bowie, contrairement à beaucoup de ses confrères comme par exemple les Beatles, a gardé le contrôle des droits de ses disques, ce qui lui a permis en 1997 de lancer un produit financier pour le moins original : il a en effet émis des obligations d’une maturité maximale de dix ans gagées sur les droits musicaux à venir de son catalogue discographique ! Cette titrisation n’était pas destinée à financer son train de vie, mais à disposer d’une force de frappe financière pour les investissements qu’il envisageait.
Les investisseurs ayant souscrit les 55 millions de dollars de cet emprunt atypique ont sans doute eu des sueurs froides lorsque les Bowie Bonds, comme on les surnomma, virent leur notation financière dégradée et furent rétrogradés par Moody à la note immédiatement supérieure à celle des obligations pourries (junk bonds), le déclin du marché musical dans les années 2000 minant la confiance en ces obligations. Malgré cela, les obligations furent remboursées rubis sur l’ongle à leur terme prévu en 2007, et les investisseurs qui ont su ne pas paniquer ont certainement fait une meilleure affaire que les investisseurs en subprimes, titres pourtant mieux notés alors !
Un investisseur avant-gardiste
David Bowie a été l’un des premiers artistes à proposer le téléchargement de ses titres, anticipant ainsi le spectaculairement développement de la musique dématérialisée : l’album Hours étant ainsi proposé en téléchargement légal et payant dès 1999 !
Il est permis de supposer que cette présence précoce sur ce marché de la musique en ligne lui a permis de gagner en visibilité auprès des nouvelles générations, parmi les premières à adopter ce nouveau mode de consommation, et de devenir un artiste trans-générationnel, dont les expositions rétrospectives ont été visitées aussi bien par les fans de la première heure désormais seniors que par les adolescents.
Ce pionnier de l’internet a développé également des projets novateurs, investissant dans une banque en ligne, la Bowie Bank, et dans un fournisseur d’accès, le Bowie Net, deux tentatives qui firent long feu (le service Bowie Net, lancé en 1998, fut ainsi définitivement fermé en 2006).
Un bel héritage
Les héritiers de David Bowie toucheront les droits sur l’ensemble de sa discographie, y compris l’ultime album Black Star sorti deux jours avant sa mort, jusqu’en 2086. Si la carrière musicale posthume de David Bowie est aussi réussie que celle de Michael Jones, cela représentera un joli pactole pendant quelques années !
Les investissements avisés du chanteur lui ont permis également d’accumuler une fortune personnelle qu’un journal britannique estimait à 135 millions de livres sterling (soit environ 180 millions d’euros), qui seront partagés entre ses héritiers – il s’agit a priori de sa veuve et de ses deux enfants, sauf disposition testamentaire particulière, mais le droit anglo-saxon autorise une plus grand liberté de dévolution que le code civil français.