Retrouvez notre interview exclusive du serial entrepreneur iconoclaste, fondateur de Photo Service, Photo Station, Grand Optical, la Générale d’Optique et Acuitis.
Pourquoi avoir lâché votre poste chez Price Water House pour créer Photo Service ?
A 30 ans je me suis rendu compte que je détestais ce que je faisais et que je n’allais pas passer le restant de ma vie à mener une vie que je n’aimais pas ! J’ai donc décidé de me lancer, au grand dam de mes amis qui se sont sérieusement demandés ce que j’allais faire à ouvrir une boutique…
Et alors, pourquoi vous êtes-vous lancé ?
Au départ ma motivation c’était bien sûr de m’enrichir… mais très vite j’ai été pris par l’aventure humaine. Mon autre moteur a été la volonté d’être indépendant, libre. Je ne veux pas avoir de maître et je n’accepte pas que quelqu’un me dise comment diriger ma vie.
Vous pensez qu’un entrepreneur est un être libre ?
Du moins il en a la sensation ! On croit être indépendant mais c’est une illusion. Quand on a l’Urssaf qui nous harcèle et que des milliers de personnes dépendent de nos décisions personnelles, on ne peut pas dire qu’on soit libre.
Comment vous est venue cette idée folle de développer les photos en 1 heure ?
En visitant un salon, j’ai découvert une machine japonaise qui était capable de développer les photos en seulement 1 heure. Ça a fait tilt !
Donc vous avez tout de suite ouvert le premier point de vente ?
Oui, j’ai acheté la machine japonaise, quelques meubles chez Ikea et j’ai monté moi-même la boutique ! Voilà comment a démarré l’aventure qui a fait de nous 20 ans plus tard le numéro 1 européen de la photo en 1 heure !
…Avant de voir votre métier s’éteindre à petit feu !
Le numérique est passé par là. Si on m’avait dit que j’assisterai de mon vivant à la mort de la petite boite jaune Kodak, je ne l’aurai pas cru !
Vous n’aviez pas prévu ça dans votre business plan…
De toute façon le business plan c’est fait pour épater la galerie, amadouer son banquier… mais tous les business plans sont faux ! Tout le monde le sait, mais on continue de faire comme si !
Et alors, comment êtes-vous passé de la photo à la lunette ?
C’est très simple ! Je vivais à l’époque dans l’obsession du « en 1 heure » quand j’ai fait un voyage à Chicago. Là-bas je suis tombé nez à nez avec une enseigne qui proposait des lunettes en 1 heure.
Le succès a été très rapide. Quel a été votre secret ?
Nous avons focalisé tous nos efforts sur le désir de rendre service. J’ai toujours dit que le commerce ne peut être fait qu’avec une grande part de féminité : le sens de l’accueil, la patience, l’empathie, le sourire, la sensibilité… toutes les qualités humaines que les hommes machos ne peuvent pas avoir !
Vous avez monté vous-même le concurrent de votre entreprise Grand Optical. Ce n’est pas un peu maso ?
La création de Générale d’Optique est partie d’une angoisse. Je savais que la concurrence allait arriver ; alors autant que la concurrence ce soit moi ! Mon but était d’essayer par tous les moyens de tuer Grand Optical avec cette nouvelle marque ! Si je n’arrivais pas à tuer Grand Optical, c’était que l’enseigne était très résistante et que je n’avais donc plus à avoir peur. Au final, Grand Optical a continué à se développer et la Générale d’Optique a été un très gros succès !
Vous parlez de votre entrée en Bourse comme d’une « erreur totale ». Pourquoi ?
Oui mes valeurs étaient antinomiques avec celles de la Bourse. Je confesse avoir fait cette erreur par arrogance et par stupidité. La Bourse n’était pas faite pour nous, on s’est fait avoir par ce capitalisme sauvage !
« L’enfer c’est les autres » a écrit Sartre. Pour vous l’enfer c’est la Bourse ?
Oui, chaque trimestre il faut se dénuder, raconter tout sur sa boite. Votre concurrence se régale ! Les analystes réclament des résultats complètement inatteignables et il faut toujours plus de productivité, de rentabilité, sinon il faut licencier. C’est irréaliste et inhumain !
La Bourse a fini par avoir votre peau ?
J’ai souhaité racheter mes actions. Elles étaient à 14 € et je proposais de les racheter pour 21 €. Mais quelqu’un a fait une OPA hostile sur les parts et j’ai perdu la boite.
Difficile à vivre n’est-ce pas ?
Oui, très dur. Les gens me disent que ce n’était pas grave parce que j’avais pu recevoir un chèque de plusieurs centaines de millions en échange. Mais les gens ne comprennent pas la mentalité de l’entrepreneur et son attachement à son entreprise. L’argent n’est pas un but en soi.
Comment avez-vous rebondi ?
Photo Service que j’avais revendu était en redressement judiciaire et d’anciens collaborateurs sont venus me voir pour me demander de ne pas les laisser tomber. J’avais deux choix : profiter du chèque en vivant la dolce vita ou replonger. J’ai pris la voie de l’utilité sociale. Mais j’ai décidé de remettre à plat le business model de l’entreprise et de passer de la photo à la téléphonie mobile.
Vous avez encore monté une nouvelle entreprise depuis : vous êtes insatiable ?
Il y deux ans, j’ai monté un nouveau concept de point de vente dans le domaine de la vision et de l’audition, Acuitis. Nous avons cette fois parié sur le low cost dans un écrin haut de gamme.
Que retirez-vous de toute cette aventure entrepreneuriale ?
J’ai appris qu’il faut avant tout commencer par définir ce qu’on veut faire dans ce monde. La vision d’entreprise devient alors un moyen pour atteindre sa vision personnelle.
5 conseils
- Laissez vos clients vous éduquer. Ce sont eux qui vont vous dicter le business model à adopter.
- N’oubliez pas que ce sont les Hommes les plus importants. Au départ, quand on lance une boutique ce qui est le plus important c’est l’emplacement. Mais quand vous grandissez ça devient les Hommes.
- Privilégiez la logique client à la logique société. C’est-à-dire demandez-vous ce dont a envie le client et non pas ce qu’il faut faire pour gagner de l’argent.
- Ne tardez pas à vous lancer. En accumulant les diplômes vous augmentez votre taux d’employabilité et vous aurez plus peur de prendre des risques.
- Ne perdez pas de vue les priorités dans la vie. Les priorités de l’entrepreneur devraient être dans l’ordre : la santé, la famille et enfin le travail, et pas l’inverse.