Le crowdfunding, ou financement participatif, a émergé ces dernières années comme un moyen idéal pour financer leurs projets de création grâce à l’investissement des particuliers. Les plateformes se multiplient et la demande semble forte. Mais ce mode de financement possède également ses limites. Décryptage.
La bonne santé du crowdfunding.
Popularisé en 2008 grâce au financement par des internautes du premier album du chanteur Grégoire à hauteur de 70 000 euros sur le site MyMajorCompany, le crowdfunding a connu depuis une évolution croissante. En France particulièrement, les plateformes ont permis de collecter 300 millions d’euros en 2015 contre 152 millions d’euros en 2014, selon le baromètre réalisé par Compinnov pour l’association Financement Participatif France. Le public adhère par ailleurs de plus en plus à cette nouvelle forme de financement. Au total, 2,3 millions de Français, soit un million de plus qu’en 2014, ont financé un projet en crowdfunding depuis le lancement des plateformes. Ils ont ainsi permis le financement de près de 18 000 projets en 2015.
Quels atouts pour ce mode de financement alternatif ?
Les chiffres publiés ci-dessus n’ont rien d’étonnant, surtout lorsque l’on se penche sur ce qui fait aujourd’hui le succès du crowdfunding. Il est évident que les notions de fluidité et de simplicité sont au cœur du dispositif. Grâce à internet et au développement des réseaux sociaux, n’importe quel porteur de projet peut désormais poster son idée sur une plateforme de crowdfunding en quelques clics et partager l’information à son réseau. La plupart des porteurs de projet proposent des contreparties, financières ou non (goodies, etc.), lorsqu’un internaute investit, ce qui contribue à la création d’un lien fort entre le financeur et le créateur. Mais plus généralement, les plateformes proposent aux porteurs de projet d’envoyer régulièrement des nouvelles aux individus qui leur permettent de le mener à bien, souvent par le biais de newsletters et d’e-mailings dédiés. Ceci est non négligeable dans une période de crise où chaque particulier fait attention à la manière dont il investit, le crowdfunding constitue un moyen transparent de financer des projets. Chaque internaute saura exactement où va son investissement et pourra lui-même choisir une action qui a du sens, voire une dimension responsable ou solidaire. L’internaute pourra également choisir le mode de financement, qu’il s’agisse d’un don, d’un prêt ou de la prise de participation dans le capital de l’entreprise en création. Face à ces atouts, difficile de ne pas considérer que les plateformes de financement participatif ne constituent pas des concurrents sérieux aux banques traditionnelles, souvent taxées par les entrepreneurs de ne pas prêter suffisamment à la micro-économie. Pourtant, la réalité semble différente.
Une complémentarité entre les banques et les plateformes ?
Comment réagissent les banques face à ces nouveaux entrants qui révolutionnent la manière pour les entrepreneurs d’accéder à des financements ? Une étude publiée en octobre 2014 par la Chaire Banque Populaire en Microfinance du Groupe ESC Dijon montre que les banques ne paraissent pas considérer les plateformes de crowdfunding comme un danger concurrentiel, rappelant au passage que le volume global des montants levés à travers ces plateformes reste faible comparé aux montants fournis par les banques. Aujourd’hui, les organismes bancaires traditionnels ont plutôt tendance à se positionner comme des acteurs complémentaires, conscients de l’intérêt pour les particuliers et les porteurs de projets d’accéder à un financement rapide, qui plus est sur internet. Les établissements bancaires valorisent leur savoir-faire dans la sélection des projets et l’évaluation du risque.
Comment se positionnent les banques ?
A la fois dans un objectif de renforcer leur image de financeur de l’économie réelle, tout en s’adaptant aux nouveaux usages de communication, et partant du constat que le crowdfunding leur est complémentaire, la plupart des établissements bancaires ont ainsi noué des partenariats avec certaines plateformes. Pour investir le terrain du financement participatif, les banques agissent de trois façons distinctes. Un certain nombre apporte son soutien financier à des projets. C’est le cas de la Banque Postale qui sélectionne des projets innovants sur KissKissBankBank et finance 50 % d’un projet coup de cœur chaque mois, ou encore de Groupama Banque qui prête 100 millions d’euros à des TPE sur la plateforme Unilend. Prendre des actions dans le capital de plateformes constitue également un second moyen d’investir le terrain de jeu du crowdfunding. Ainsi, le Crédit Mutuel détient 35 % du capital de Prêt d’Union. Certains organismes bancaires créent leur propre plateforme dissociée. C’est le cas du Crédit Coopératif avec la plateforme « Agir & Co » ou de la Banque Populaire avec « Proximea ».
Attention à la concurrence sur le long terme.
Mais si la concurrence ne paraît pas réelle à court terme, cela pourrait changer prochainement, selon les analystes. En 2015, une étude menée par la banque Goldman Sachs a démontré que face au crowdfunding, les banques américaines pourraient accuser une baisse de leurs profits de 11 milliards de dollars par an pour les 5 prochaines années. Dans son rapport pour la banque américaine BBVA Compass, l’économiste Nathaniel Karp n’a quant à lui pas hésité à qualifier le crowdfunding de « technologie de rupture » dans le domaine bancaire, ce qui laisse sous-entendre à quel point cette innovation technologique est censée modifier le marché bancaire en profondeur dans les années à venir. S’ajoute à cela le fait que début 2014, la France, par l’intermédiaire de Fleur Pellerin, ex-ministre des PME, de l’innovation et de l’économie numérique a structuré plus fortement le marché du financement participatif, en dévoilant un projet de réglementation. Ce dernier prévoyait la création d’un statut de « conseiller en investissement participatif », ainsi que la possibilité de réaliser des prêts rémunérés entre particuliers. Une mesure qui fait clairement de l’ombre aux banques.
Le crowdfunding possède aussi des limites.
Cette effervescence du marché du crowdfunding ne doit pas cacher les limites du secteur. D’une part, les plateformes de financement n’apportent pas forcément toutes les garanties nécessaires à ceux qui financent. Les assurances intégrées proposent certes une protection, mais celle-ci est a minima équivalente à celle fournie par les banques, si ce n’est inférieure. Il existe donc bel et bien un risque de perte totale ou partielle du capital investi pour l’investisseur, en cas d’échec du projet. Le crowdfunding étant un marché neuf, il existe encore une mythologie autour de ce secteur. Les plateformes mettent régulièrement en avant les projets financés par leur biais avec succès… mais rarement les échecs ! Pourtant, ces derniers demeurent nombreux. Globalement peu sélectives, les plateformes ouvrent les vannes de tous types de projets, ce qui augmente le taux d’échecs. Plus largement, l’effervescence qui entoure le crowdfunding à l’heure actuelle rappelle la période d’euphorie de création d‘entreprise dans le secteur de l’internet en 1990, puis l’explosion de la bulle dans les années 2000. Au final, de nombreuses entreprises ont mis la clé sous la porte, et les leaders aux reins solides ont consolidé leur positionnement. Le financement participatif subira-t-il le même sort ?