Hugues de Bantel, co-fondateur et directeur général de Cosmo Tech, entrepreneur dans l’âme, nous livre les secrets de sa société innovante. L’entreprise, qui connaît un vif succès avec une levée de fonds de 18 millions d’euros, propose de mettre aux services des dirigeants d’entreprise des logiciels d’intelligence augmentée intégrant expertise humaine et intelligence artificielle.
Quel est votre parcours ?
J’ai suivi mes études dans une école de commerce Neoma et j’ai fait le MBA très international de l’IMD à Lausanne. J’ai commencé par travailler au sein de grands groupes mais j’ai rejoint rapidement des PME technologiques médicales. Ensuite, j’ai passé 7 ans à l’international en Asie du sud-est puis au Japon à créer des sociétés qui distribuaient des produits médicaux fabriqués en France et distribués en Asie. Je suis revenu en France en 2002 pour prendre la direction générale de la société médicale technologique dans laquelle je travaillais qui était basée à Lyon. J’y suis resté jusqu’en 2008 avec un business dont les marchés étaient situés un peu partout dans le monde : en Europe, en Asie et en Amérique du nord.
Qu’avez-vous fait par la suite ?
En 2008, j’ai quitté la société pour développer une activité de conseil dans le but d’aider des sociétés moins matures et même parfois pas encore créées à se développer ou permettre à des entreprises de se créer. Mon objectif était d’utiliser mon expérience professionnelle et de la proposer à d’autres entrepreneurs de sociétés technologiques en France qui sont des leaders mondiaux dans leur technologie. Un an plus tard, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Michel Morvan dont les idées ont fait écho aux miennes.
C’est donc l’idée qui vous a rapproché ?
J’ai été mis en contact avec Michel Morvan par l’intermédiaire d’un organisme l’ADERLY (Agence pour le développement economique de la région lyonnaise) reliée à la CCI. Celui-ci avait rencontré l’équipe qui développait une technologie qui leur a paru posséder un réel intérêt pour l’avenir et comme j’aidais des entreprises à se développer et à s’implanter sur le marché, ils ont été convaincus que nous pourrions collaborer. Nous nous sommes rencontrés et son approche m’a persuadé de collaborer avec lui à la création de notre entreprise. Il pensait que le 21ème siècle serait un siècle comportant davantage de complexité avec des choix de plus en plus difficiles à faire dans un environnement très incertain. Michel était convaincu qu’il faudrait de nouvelles technologies et méthodologies pour aider les dirigeants à prendre des décisions optimales. Je partageais cette conviction. J’ai quitté mon activité de consulting pour m’engager dans l’aventure en 2010.
Que propose Cosmo Tech ?
Cosmo Tech propose des logiciels d’aide à la décision pour les dirigeants des équipes de direction de groupes industriels sur leurs sujets les plus complexes et qui sont souvent stratégiques pour eux par ailleurs. A partir d’une approche que l’on appelle l’intelligence augmentée qui permet de combiner de la donnée avec l’expertise humaine pour créer des modèles et proposer plusieurs scénarios.
Ces logiciels de simulation s’appliquent en particulier à l’optimisation des actifs industriels. Pour illustrer de manière concrète l’apport de nos solutions, celles-ci vont permettre à des acteurs comme RTE dans la transmission électrique de piloter leur politique d’investissement et de maintenance sur les réseaux électriques. Ils peuvent ainsi décider des meilleurs investissements et de la maintenance adéquate en analysant l’impact de leurs choix à court, moyen et long terme. Un industriel de l’automobile confronté à une complexité et une incertitude grandissantes peut optimiser sa chaine de valeur, sa supply chain par exemple, en comparant différents scénarios pour faire les meilleurs choix avec un impact business immédiat.
Proposait-elle cela dès le début ?
Pour les grands groupes industriels, l’enjeu est que nous évoluons aujourd’hui dans un monde complexe et que pour évoluer dans celui-ci seule l’approche systémique permet d’appréhender toutes les facettes d’un sujet. Jusqu’à présent ils réfléchissaient à chaque problématique par silo c’est-à dire qu’ils pouvaient séparer les sujets. Cependant, dans ce monde connecté tous les aspects s se relient et ont un impact les uns sur les autres. Iil n’est donc plus possible de les séparer et il faut appréhender l’avenir d’une manière totalement différente.
Le deuxième enjeu c’est que les décisions étaient prises à partir de l’intuition et de l’expérience des dirigeants donc sur des données de l’expérience passée. Or, les données du passé ne suffisent plus pour anticiper les diverses transformations auxquelles font face les grandes entreprises industrielles. Il n’est plus possible de prendre seulement des décisions à partir des habitudes et méthodes développées antérieurement. Pour anticiper dans un environnement complexe, il est essentiel de combiner les données avec l’intelligence collective : c’est ce que nous appelons l’intelligence augmentée.
Quelles ont été vos grandes phases de développement ?
En 2010, nous avons créé une société de services en proposant notre solution pour aider les grands groupes dans leurs prises de décisions stratégiques. Puis en 2014, nous avons réalisé une première levée de fonds pour finaliser le développement de notre plateforme de simulation. En 2018, nous avons réalisé une nouvelle levée de fonds de 18 millions d’euros pour créer des solutions logicielles pour aider les décideurs à prendre les meilleurs décisions pour optimiser la productivité de leurs actifs.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?
Quand on rejoint une start up, on a beaucoup de passion et il en faut pour traverser les hauts et les bas de la vie d’une startup technologique ! La principale difficulté et c’est ce qui fait l’intérêt de la chose puisqu’on travaille avec des grands groupes industriels, c’est que le temps n’est pas le même pour les deux types de société. Pour une startup la piste de décollage est très courte alors que pour un site industriel elle peut s’inscrire dans des temps un peu plus longs, voire très longs. Cette confrontation entre les deux demeure la principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés en tant que start-up. Un mois d’une startup représente un an voire plus dans un grand groupe.
Quelle est votre clé de succès ?
La diversité culturelle ! Une vision commune que nous partageons Michel Morvan et moi-même. Aujourd’hui, chez Cosmo Tech, nous sommes environ 90 personnes avec 15 nationalités ! Ce n’est guère anodin ! Le fait de mettre ensemble des personnes avec des parcours académiques, des parcours d’ingénieurs et aussi avec des nationalités et des cultures différentes, est notre choix. Cela vient surement de mon expérience personnelle. J’ai toujours été amené à travailler avec des équipes très diverses, avec des asiatiques, des distributeurs qui venaient de tous les pays, des salariés issus de différentes nationalités. J’ai géré des sociétés innovantes dans lesquelles l’innovation venait du fait que l’on travaillait avec des nationalités différentes.
Et la diversité hommes-femmes, il me semble ?
Nous avons aussi appliqué la diversité dans la répartition hommes femmes. Même si nous sommes dans un environnement technologique qui est généralement masculin, nous avons 30 % de femmes ce qui est beaucoup dans un environnement logiciel tel que le nôtre. Nous sommes proactifs sur ce sujet pour créer et susciter cette diversité qui est une réelle opportunité et nous continuerons à le faire. La diversité est une source d’enrichissement incontestable, car elle permet d’appréhender des sujets complexes avec des regards différents et générer des idées innovantes pour anticiper. La richesse de la diversité fait partie de notre ADN et de notre richesse d’innovation.
La diversité est-elle toujours positive ?
Certes, c’est plus facile si vous avez une équipe très homogène, tout le monde a la même culture et donc va s’entendre sans difficultés. L’obtention du consensus sera plus aisée. Mais quand la perception est identique, cela ne va pas forcément créer de l’innovation. Attention tout de même car la diversité peut devenir négative si vous ne mettez pas en place les processus et un esprit d’entreprise basé sur la reconnaissance des différences. A un moment, il faut reconnaître ces différences pour les mettre en exergue et faire de leur reconnaissance une valeur pour chaque collaborateur. Nier la différence peut amener l’effet inverse.
Cela doit être plus dur de fédérer vos collaborateurs ?
Je pense que le plus important est le sens de notre mission. Elle est en phase avec les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail. Nous avons une moyenne d’âge de 31 ans et les jeunes qui nous rejoignent sont plein d’enthousiasme, de savoir-faire et de compétences. Ils recherchent du sens et notre vision leur parle. Elle entraîne nos équipes qui s’enthousiasment pour ce que l’on fait.
Quelle importance donnez-vous aux réseaux ?
Michel Morvan et moi-même, nous nous impliquons dans des associations ou instituts comme l’Institut de recherche technologique SystemX qui réunissent des académiques, des startups et des industriels ou Think Smartgrids qui a pour objectif de développer la filière Réseaux électriques intelligents (REI) en France et de la promouvoir en Europe comme à l’international. Dans ces centres d’innovations, vous donnez et recevez. Vous renforcez naturellement votre réseau mais vous y consacrez du temps parce que vous croyez à la transformation de l’industrie et que votre conviction est que la France a un rôle à y jouer.
Comment conciliez-vous votre vie personnelle et professionnelle ?
Je suis dans une passion à plein temps mais la sagesse est de se réserver des plages pour soi. Je le fais au travers d’autres passions comme ma famille et d’autres champs qui m’intéressent beaucoup comme la culture. Il est primordial de préserver ses jardins secrets, sources d’inspiration et de respiration dans ce monde d’incertitudes et d’y consacrer du temps.
« Pour une startup la piste de décollage est très courte alors que pour un site industriel elle peut s’inscrire dans des temps un peu plus longs, voire très longs. Cette confrontation entre les deux est la principale difficulté »
4 Conseils de Hugues de Bantel
- La diversité est un choix qui génère l’innovation.
- L’ouverture d’esprit vers d’autres mondes.
- L’enthousiasme qui donne du sens au travail et qui relie les équipes.
- Regarder devant soi pour anticiper et apporter les meilleures solutions.