Tenir la comptabilité d’une société suppose de suivre des règles très précises. S’il n’est pas indispensable de suivre des normes légales pour voir clair dans la gestion, en interne, il en va tout autrement lorsque des tiers doivent s’intéresser à vos comptes. Or c’est bien évidemment souvent le cas.
Prenons l’exemple d’une PME
Il y a de cela quelques mois, j’ai été mandaté par une banque pour réaliser l’audit des comptes et des procédures d’une PME. Il s’agissait d’étudier le dossier, afin de décider si la banque pourrait prêter à cette entreprise avec une bonne maîtrise des risques. A cette occasion, j’ai rencontré les dirigeants et le personnel administratif. Ensemble, ils venaient de restructurer l’entreprise et de renouer avec les bénéfices, après plusieurs années dans les « chiffres rouges ». Visiblement, chacun faisaient le maximum pour défendre l’entreprise, avec une solidarité remarquable.
Les produits alimentaires négociés par cette PME étant soumis à traçabilité, une comptabilité analytique des matières y est tenue avec toute la précision voulue. Les achats et les ventes étant détaillés et évalués au fil de l’eau, la comptabilité analytique, est si contrôlée et si précise que les dirigeants y puisent toutes les informations de gestion et de reporting dont ils ont besoin pour poser leurs actes de gestion. Chapeau ! Mais il y a un hic, et il est de taille.
La normalisation comptable ça rassure le banquier
Le problème que pose le cas développé plus haut est assez simple : la gestion de notre belle PME est saine, parce que les indicateurs sont bien tenus et précis ; le hic, c’est que ces synthèses chiffrées, spécifiques à l’entreprise, ne sont pas compréhensible à l’extérieur de celle-ci. Si la comptabilité répond à des normes légales c’est pour permettre que les entreprises puissent être comparées entre elles. Un banquier ou un investisseur potentiel, tirera un certain nombre d’informations de la comparaison des postes de votre bilan et de votre compte de résultat, en les comparant à des données statistiques sectorielles, c’est à dire en comparant votre entreprise à d’autres, qui lui ressemblent.
En privilégiant la tenue à jour d’un système d’informations comptables et financières non normalisé, et en négligeant l’importance d’une comptabilité générale probante, les dirigeants de notre PME exemple ont fait preuve d’une certaine naïveté : tout alla bien jusqu’au moment où l’entreprise eut besoin de financer son besoin de trésorerie avec le concours d’une banque. Lorsque l’établissement de crédit pressenti vint, par mon intermédiaire, auditer la situation de la PME qui demandait son soutien, la désillusion fut grande. Ni l’état des dettes, ni l’état des créances, ni la situation patrimoniale du prospect ne pouvait être analysée et attestée selon les standards comptables universels.
Les dirigeants de l’entreprise eurent beau protester de leur gestion rigoureuse, de leur fidélité envers la banque sollicitée, de leur capacité à revenir d’une situation financière autrefois critique, rien n’y fit. Toute occupée à son business redevenu rentable, notre PME avait négligé de préparer l’avenir.
Des comptes ne répondant aux critères de la loi, quelques réserves, compréhensibles, de la part du commissaire aux comptes auront, dans le cas de notre PME exemple, effrayé le banquier. Celui-ci accepta, en renâclant, d’octroyer à son client, le minimum de crédit nécessaire pour financer son activité, mais dans des conditions fort peu avantageuses et en prenant des garanties sur les biens propres des actionnaires. Dans ce cas précis, d’âpres négociations, qui laisseront des traces indélébiles dans la relation entre le banquier et son client auraient pu être évitées si les dirigeants avaient mis en place un système de comptabilité standard. Oui décidément, il y a des disciplines ou l’originalité ne paie pas, et la comptabilité en fait partie.