Etablir un climat de confiance avant de procéder à toute intégration : c’est le crédo de José Pinto, Directeur Général Ile de France du groupe TFN (groupe existant depuis 1944).
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
J’ai commencé dans le domaine du déménagement, c’est là que j’ai forgé mes armes. Le déménagement demeure un secteur d’activité très spécial : on peut passer de 80 salariés en semaine à 500 le week-end ! La présence d’une population très hétérogène complique également la tâche aux managers.
Ensuite, j’ai reçu une proposition pour entrer dans le secteur du nettoyage où le management est égalément réputé difficile. Depuis je ne l’ai plus quitté puisque j’y travaille depuis 15 ans dont 10 chez TFN.
En ce qui me concerne, j’ai une profonde admiration pour les gens qui travaillent dans ce secteur : ce sont souvent des personnes qui ont des difficultés mais qui sont extrêmement courageuses. Dans ce type d’activités les relations humaines et le respect d’autrui se révèlent indispensables. C’est sans doute ce qui m’intéresse le plus.
Pourquoi avez-vous privilégié la reprise d’entreprises, et non leurs créations ?
Autrefois, le marché était extrêmement vaste et les entreprises de nettoyage privilégiaient la croissance interne au regroupement. Petit à petit, depuis 10 ans, le marché s’est clôturé. Il s’est resserré car toutes les entreprises ont voulu réduire leurs frais vis-à-vis de ces prestations qui leur coutaient très chères. Il est donc devenu indispensable de regarder à l’externe pour se développer et augmenter les volumes et le chiffre d’affaire.
Chez TFN cependant, les rachats d’entreprise se sont toujours effectués sur d’autres métiers, autour du service aux entreprises. Notre politique reste à la diversification. Ces nouveaux métiers nécessitent de nombreuses techniques et le développement de l’entreprise se fait donc par le recrutement de compétences. Ce sont elles qui alimentent le marché, et c’est pour cela que le coût de la main d’oeuvre devient de plus en plus élevé.
Pourquoi avez-vous choisi cette voie du regroupement ?
Le service à l’entreprise demeure notre coeur de cible : entretien, sécurité, nettoyage Nous savons faire du service et petit à petit nous affinons nos savoir-faire dans les nouvelles activités : on pourrait ainsi dire que TFN possède une culture du service au client, culture qui perdure depuis trois générations. Nous voulons bien le faire et nous le faisons bien !
Le secteur du service représente l’avenir. Nos clients ont de moins en moins de temps, ils se recentrent donc sur leurs métiers et, de fait, décident de sous-traiter. Le nettoyage en interne n’existe plus.
Quels sont les critères d’une reprise d’entreprise ?
Le premier critère est bien entendu le savoir-faire de l’entreprise rachetée, mais il faut aussi compter avec des critères académiques comme le jeu de l’offre et de la demande. Dans notre secteur, il y a peu de ventes pour beaucoup d’acheteurs et encore plus dans le secteur du service. Ainsi quand le client choisi l’entreprise de service avec laquelle il décide de travailler, son principal élément de sélection réside dans la présence de cette entreprise ou non sur le marché.
Le deuxième critère est celui de la compétence des salariés de l’entreprise que l’on rachète.
Le troisième critère consiste à regarder le portefeuille clients de la société à acquérir.
Enfin, le dernier critère, le plus logique et le plus important : celui des finances, car l’objectif reste toujours d’obtenir un retour sur investissement.
Quelles sont les étapes d’une reprise ?
Dans notre secteur, il n’y a pas de concurrence lors du rachat d’une entreprise. Lorsque que le vendeur vous délivre un mandat d’achat vous êtes le seul. C’est le vendeur qui fait le choix du repreneur de l’entreprise.
La sélection se fait à la base. Le plus souvent, il s’agit d’une entreprise familiale donc d’un bien sentimental. C’est pourquoi il faut séduire le vendeur : c’est à ce moment là que la concurrence apparaît. Séduire, démontrer vos compétences, expliquer votre projet d’avenir représentent des éléments essentiels. En fait, il s’agit de faire du lobbying en amont, un an en avance afin de sonder et de préparer le terrain. Notre groupe, ayant toujours gardé, malgré sa taille, cette « volonté familiale », il reste souvent plus aisé de convaincre le vendeur.
Ensuite, il faut procéder à un audit social sur la partie salariée de l’entreprise : prendre connaissance du nombre de contrats à durée déterminée et indéterminée, savoir s’il y a beaucoup d’actions engagées auxprud’hommes
Après la vérification du volet social, il faut s’atteler aucôté financier : s’informer des dettes s’il y en a, savoir si son immobilisation est ajustée et si sa trésorerie est en équivalence avec son chiffre d’affaire… Tous ces critères permettent d’estimer la valeur de rachat de l’entreprise.
Quel est le degré d’indépendance des entreprises rachetées ? Y a t il un contrôle total ?
Tout dépend de l’entreprise qui rachète. Il y a quasi systématiquement une totale intégration informatique pour l’entreprise rachetée. Il faut les mêmes outils pour tout le monde : la même gestion, les mêmes réglages des tarifs, les mêmes outils pour les paies La centralisation est une étape obligatoire.
La phase de démarrage administrative étant amorcée, le pas suivant est celui du personnel. Très souvent, le président de l’ancienne entreprise nous accompagne, afin d’éviter une scission. Il nous faut conserver un lien avec l’ancienne direction.
Nous conservons les cadres mais il y a une érosion naturelle des postes. Chez TFN nous avons pour règle de replacer absolument ces employés sur d’autres plates-formes. Il s’agit de mutations ou de propositions sur d’autres postes. Certains salariés malgré tout préfèrent partir.
Le problème principal se situe au niveau de la culture d’entreprise. Il y aura toujours des personnes qui se sentiront vexées du rachat de leur entreprise. Le changement de système, de façon de travailler, ajouté à un contrôle accentué, perturbent fortement les salariés. Pour y remédier, il faut porter son attention sur le management humain, basé sur une analyse et un audit du personnel. Nous effectuons également un bilan de compétences avec les salariés afin de savoir si le poste occupé est celui qui convient le mieux. Certains vont tout de même s’adapter en positivant et en voyant les nouvelles possibilités de développement qui leur sont offertes.
Faut-il préférer une reprise nationale à une reprise internationale ?
Pour ma part je n’ai jamais pratiqué de reprises à l’international. Les avantages d’une reprise sur le territoire national sont en premier lieu la connaissance du marché et la maîtrise des pratiques sociales. C’est ensuite une maîtrise des cadres juridiques, sociaux et comptables. A l’international, tout devient plus compliqué, même si un cabinet spécialisé vous conseille. Les licences font que, par nature, la tâche demeure plus ardue.
Selon vous quelle est votre plus grande réussite ?
C’est sans doute d’avoir réussi à fédérer les entreprises du groupe TFN. Auparavant, il y avait au sein de TFN Paris plusieurs sociétés : la Maintenance Paris, TFN, la Rayonnante et Comanet. Tout cela était dispersé en différentes agences avec leurs propres responsables. En 2004 nous avons procédé à une fusion et ce fut le choc des cultures. Cette crise s’est développée en interne, du fait des méthodes de travail subitement différentes. La culture d’entreprise est complexe à gérer dans ces cas là : les gens sont figés par rapport à une marque.
Malgré le travail accompli, des préjugés persistent encore aujourd’hui. De fait, amener les salariés fédérés à penser la même chose que vous ne reste pas une tâche aisée. Lisser les aspérités est un exercice fastidieux mais très noble.
Ce dont il faut être conscient, c’est que sans les salariés vous n’êtes rien. Il ne faut pas l’oublier et tacher de garder les pieds sur terre. Le respect n’est pas incompatible avec la volonté de faire de la marge. Donc, on le fait simplement. Aujourd’hui nous avons un problème de recrutement avec le personnel et nous prenons donc bien soin des personnes en interne. TFN est une entreprise dynamique qui recrute des gens qui veulent avancer. C’est à nous de transmettre l’envie de travailler au sein de notre entreprise. Il faut donc écouter nos salariés, être proche d’eux, établir un climat de confiance, rassurer les gens et ainsi créer des équipes proches où la bonne ambiance règne. C’est cela qui va créer une culture d’entreprise efficace et qui fédère.