Comment faire (enfin) payer mes clients ?

 Les délais de paiement des entreprises non respectés avec le coronavirus sont une nuisance pour les entreprises. Le pourcentage moyen des factures impayées entre entreprises, dix jours après leur date d’échéance, était de 19,3 % avant la pandémie. Le baromètre Sidetrade-BFM Business « vient de révéler qu’il est passé à 30 %, soit une augmentation de 56 % au global. Et une estimation de 75 milliards d’euros en moins pour les entreprises qui subissent ces retards de paiement. » Alors comment faire payer mes clients ?

Le  Médiateur des entreprises a annoncé des sanctions possibles, dont le « name and shame » : rendre public le nom des grands groupes qui ne s’exécutent pas. Bruno Le Maire a également annoncé que des garanties bancaires pourraient ne pas être délivrées pour les mauvais élèves.

Or, une loi protège les entreprises des impayés ou du moins des retards de paiement. Mais dans ce contexte économique difficile où chacun essaye de garder sa trésorerie, solliciter le paiement d’une facture fait partie des préoccupations majeures des dirigeants et particulièrement des TPE, PME et start-up. Elles sont plus d’une à être mises en danger par les retardataires.
Tous les petits secrets pour sortir de la galère des délais de paiement à rallonge de vos clients qui plombent votre trésorerie.

Que dit la loi ?

La loi notifie 4 possibilités :
1. Le paiement comptant : le client a l’obligation de payer le bien ou la prestation le jour de la livraison ou de la réalisation.
2. Le paiement à réception : avec un délai d’au moins une semaine, incluant le temps d’acheminement de la facture.
3. Le paiement avec délai par défaut : avec un délai maximal fixé au 30e jour suivant la réception des marchandises ou l’exécution de la prestation (en l’absence de mention de délai dans le contrat).
4. Le paiement avec délai négocié : des clauses particulières figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties peuvent amener le délai jusqu’à 60 jours après l’émission de la facture ou, à condition d’être mentionné dans le contrat, à la fin du mois après 45 jours. Le choix entre les 60 jours calendaires (de date à date) ou les 45 jours fin de mois relève de la liberté contractuelle.

Les délais de paiement doivent donc être au maximum de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Enfin ça, c’est ce qui est dit la loi LME… En pratique, les dirigeants des PME passent une partie de leur temps précieux à courir après les clients en retard pour leur supplier de payer enfin leurs factures. Supplier, certes, mais pas trop non plus, car il faut faire attention à ne pas se griller auprès d’un client qui vous trouverait trop pressant. Vous l’aurez compris (et sûrement constaté par vous-même) : les délais de paiement non respectés par les clients sont une véritable galère pour les entrepreneurs ! Voici quelques pistes pour protéger tant bien que mal votre trésorerie face aux retards de paiement.

Bien connaître son client, un impératif

« La loi LME n’est pas une barrière infranchissable. La seule chose capable de créer ce mur infranchissable c’est d’avoir une bonne connaissance du client. » explique Olivier Le Boulanger, senior manager chez Lowendalmasaï. L’expert conseille aux entrepreneurs de segmenter leurs clients pour mieux cerner les éventuels problèmes de paiement auxquels il devra faire face. Est-ce que ce sont des clients publics ou privés ? Nationaux ou étrangers ?

Des petites entreprises ou des grandes ? « Ensuite, selon les segments de clients, il faut mener des analyses, même succinctes, du risque de retard ou d’impayé en phase avant-vente. Et ce risque doit être intégré dans des conditions contractuelles. » avertit Olivier Le Boulanger. Pour certains types de clients à risques, il ne faut ainsi pas hésiter à prévoir dans le contrat le versement d’un acompte à la commande. Mais, pour d’autres, surtout les grosses structures qui risquent de faire traîner en longueur les procédures, il faut imposer dans le contrat le délai de paiement le plus court possible. Pour cela, différents outils existent, permettant au fournisseur de collecter des informations sur la santé financière de son client (état de son endettement, sa solvabilité, la situation de ses dirigeants…).

Les informations seront en priorité à trouver sur le registre du commerce et les agences de renseignements commerciaux. Attention, la situation d’une entreprise peut évoluer très rapidement et il est donc impératif de mettre à jour au moins chaque année des informations sur un client. Une relance menée efficacement peut très bien servir de mise à jour de ces informations. Il est également judicieux de sensibiliser ses équipes commerciales et autres sur la recherche d’informations lors de leurs échanges avec le client. « L’essentiel pour se prémunir des retards de paiement, c’est d’anticiper au maximum. » résume Olivier Le Boulanger.

Relancer bien avant la deadline

Un autre secret qui permet de se prémunir au maximum contre le risque de retard de paiement est d’effectuer, bien avant l’échéance de la facture, une relance préventive à son client. « Environ une semaine après l’émission d’une grosse facture, il est bon d’appeler son client pour vérifier que tous les feux sont au vert en vue de son paiement. » explique Olivier Le Boulanger. Une bonne pratique simple à mettre en place dans une PME et dont l’efficacité est avérée. Mais cette technique présente un seul inconvénient : elle est chronophage. Utilisez-la pour les factures d’un montant important.

Ne pas hésiter à relancer

Ça y est, le client présente un retard de paiement de votre facture ? Il est donc temps de passer à la seconde relance, celle indiquant à l’entreprise qu’elle est en situation d’impayé. Cette relance est très importante et suffit souvent à régler le problème. D’ailleurs, si l’entreprise n’émet pas cette relance dès la constatation du retard, le client pourra mal réagir par incompréhension de ce délai de relance. Dès lors, comment s’adresser à son client dans cette deuxième lettre ? « De la manière la plus naturelle qui soit, sans craindre de froisser son client. » répond Olivier Le Boulanger. « Cette relance n’a pour objectif que de connaître la raison du retard, et non pas d’accuser. Il ne faut pas réclamer le paiement en ayant peur de froisser et de perdre son client.

Il faut aborder cette relance en se disant que, pour son client aussi, l’impayé est un problème. Pour cela, dans cette relance, on ne doit jamais adopter un ton brusque, mais plutôt être dans l’empathie. On entre ainsi dans un dialogue de médiation et non pas dans un monologue de recouvrement. » conseille l’expert. Bien sûr, cette attitude ne peut s’appliquer qu’avec un client de bonne foi ! Et toute l’intelligence de la personne qui s’occupe de ce client sera de déterminer la bonne foi de la mauvaise. À savoir : les logiciels de CRM permettent aujourd’hui de gagner du temps en automatisant les relances des clients en retard. Un courrier acte la réclamation du paiement, l’appel traite cette réclamation.

Prêter  attention aux fausses excuses de retard

Si la plupart des entreprises sont de bonne foi, il existe néanmoins certains clients qui inventent des « bonnes excuses » plus ou moins vraies pour gagner du temps dans le paiement de leurs factures. Le rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement (téléchargeable sur le site de la Banque de France) recense les pratiques abusives visant à faire traîner en longueur les délais de paiement. Parmi ces pratiques peu scrupuleuses les plus courantes : la prise en compte de la date de livraison et non pas de facturation pour le calcul du délai maximum de paiement ou encore le retour par erreur des relances de paiement. De la pure mauvaise foi ! Les plus filous créent même une filiale située dans un pays dans lequel les délais de paiement sont plus souples pour passer les commandes auprès de leur fournisseur et se libérer ainsi des contraintes de la loi LME !
Ne pas confondre retard de paiement et risques d’impayés
Le retard de paiement se prolonge et vous avez la vague sensation que le règlement de la facture n’arrivera jamais ? Alors c’est le moment de changer de registre et de passer à des relances au ton plus direct. « Quand on a le sentiment que l’entreprise va vous faire défaut, ce n’est donc plus un client à ménager. Il faut s’affranchir de sa crainte et avoir le sang froid pour expliquer à votre client que, s’il ne paie pas rapidement, il ne sera plus possible de faire affaires ensemble. Le rapport de force change alors : ce n’est plus mon entreprise qui est dépendante du client mais le client qui dépend de son fournisseur. » explique l’expert.

Les règles deviennent plus strictes…

Depuis le 1er janvier 2013, une indemnité forfaitaire de 40 € de frais de recouvrement doit être payée par le client en retard à son fournisseur. Cette somme vient s’ajouter systématiquement aux pénalités de retard de paiement dues au créancier lorsqu’un client dépasse le délai légal de paiement. Petit rappel : pour que le délai de paiement d’une facture puisse dépasser les 30 jours maximum prévus initialement et aller jusqu’à 60 jours, il faut impérativement que cela soit spécifié dans les conditions générales de vente.

Le dépassement des délais et l’absence de mention des pénalités de retard dans les CGV sont passibles d’une amende administrative de :

  • 75 000 € et jusqu’à 150 000 € pour une personne physique en cas de répétition de la faute,
  • 2 millions € et jusqu’à 4 millions  € pour une personne morale en cas de répétition de la faute.

Le fait pour un débiteur d’exiger de son fournisseur qu’il retarde l’émission de la facture, afin d’allonger le délai de paiement effectif, est considéré comme un abus et est sanctionné.

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