Parmi les mangeurs naturels de temps et qui vont contre sa bonne gestion, la flemme, à laquelle personne n’échappe. Celle-ci peut faire irruption à tout moment et freine la réalisation aussi bien de petites tâches que de tâches rébarbatives ou de projets qui nous tiennent à cœur. Mais d’où vient-elle et comment lutter pour ne pas être à sa merci ?
Les français victime de la flemme
Nous serions une majorité de Français à en être la victime, sans même parfois le savoir. Un sondage réalisé par OpinionWay pour Jechange.fr en atteste l’omniprésence. On lui attribue divers noms comme procrastination, fainéantise, flegme, manque d’envie… Il faut dire qu’entre avoir le choix de promener le chien, changer la couche de bébé, laver sa voiture, laver la vaisselle, commencer un dossier ou rester affalé dans son canapé, le choix de la flemme peut s’imposer presque naturellement. Il est fréquent de remettre certaines tâches à plus tard. Surtout celles qui vont nous demander un effort.
La flemme : notre cerveau en cause… ?
Une étude menée par des neuropsychologues nous indique que le système nerveux est responsable de notre préférence pour l’inactivité ou la sédentarité. Un groupe de chercheurs internationaux (Suisse, Royaume-Uni, France, Belgique et Canada) a mis en évidence le « paradoxe de l’exercice », dans une étude publiée dès octobre 2018 dans la revue scientifique Neuropsychologia, consultable en ligne. Un enseignements est d’abord à en tirer : « notre cerveau est naturellement attiré par les comportements sédentaires » selon le chercheur Mathieu Boisgontier cosignataire de l’étude.
Une énergie supplémentaire requise
Démarrer une tâche solliciterait une énergie supplémentaire puisqu’elle générerait « une implication accrue des ressources cérébrales ». Celle-ci aurait un coût pour notre cerveau qui préfère choisir en quelque sorte de fournir le moins d’efforts possible, surtout lorsque nous sommes en train de procrastiner et que cela implique de sortir d’un moment de tranquillité ou d’’une situation de confort.
Pas une question d’inconscience
Ensuite, la difficulté ne viendrait pas de notre capacité à comprendre les bienfaits de sortir de l’inactivité. Nous sommes tout à fait conscients de ceux-ci et de leur désirabilité. C’est d’ailleurs l’une des questions qui a amené l’étude : « Pourquoi les individus échouent-ils à faire régulièrement de l’exercice bien qu’ils connaissent les risques associés à l’inactivité physique ? », ce à quoi on sait que « Depuis des décennies, la société encourage les gens à être plus actifs physiquement.
Pourtant, les statistiques montrent qu’en dépit de nos meilleures intentions, nous devenons en fait moins actifs. Alors le cerveau le sait mais se permet d’établir des choix. Et souvent c’est la flemme qui l’emporte ! Une évidence qui indique qu’il va vous falloir conquérir ses propres zones d’ombre pour dépasser la flemme.
Un réflexe de sécurisation
Depuis quelques années, les Français ont traversé une succession d’événements qui créent de l’anxiété et du stress. Le battage médiatique n’aide pas à le diminuer : attentats terroristes, mouvements sociaux, menace nucléaire liée à la guerre en Ukraine, peur du réchauffement climatique ou encore la COVID et ses confinements…
Leur réflexe est alors de rester un maximum de temps chez eux, où ils se sentent à l’abri de toutes les menaces. La COVID est un parfait exemple de l’impact psychologique : depuis son apparition, près d’un Français sur deux admet « rechigner à sortir de chez lui ». Ce sont d’ailleurs principalement les actifs et notamment ceux qui vivent en ville. En outre, 41 % des Français disent se sentir plus fatigués, après un effort physique, aujourd’hui qu’avant la crise de la Covid-19, selon une étude récente.
Les autres sources potentielles de la flemme
Un problème de sens des priorités ?
Depuis le confinement, le travail est de moins en moins perçu comme une priorité. L’épidémie de flemme s’est insinuée subtilement en France comme dans d’autres pays. Le nombre de salariés quittant volontairement leur poste atteint ainsi des records. De plus en plus de salariés considèrent que leur travail actuel ne correspond plus à une priorité dans leur vie. Or, un des éléments qui peut motiver à sortir de cet état d’inaction, c’est le fait d’en faire une priorité. Globalement, si les raisons qui justifient votre effort se révèlent insuffisantes par rapport à celui demandé, votre tâche passera au second plan.
Le secondaire passe… en second
Tout ce qui est secondaire sera donc naturellement remis à plus tard. Or, une nouvelle conception du travail s’impose par l’ouverture à d’autres cultures ou par les voyages qui incitent à prendre conscience que la vie n’est pas qu’obligations et de ce qui empêchent de s’épanouir (manque de temps, excès de travail, pression sociale, injonctions, charge affective, maladie, deuils, etc.) comme l’explique Saverio Tomasella, psychanalyste et auteur de le surmoi : il faut, je dois…
Je choisis toujours une personne paresseuse pour faire un travail difficile, car une personne paresseuse trouvera un moyen facile de le faire.
Bill Gates
Le travail comme douleur
La réalisation de tâches n’est parfois pas conçue comme un plaisir et ceci dès l’enfance puisqu’elle relève de l’obligation. L’assertion selon laquelle « il faut souffrir pour réussir » semble devenir anachronique. Cela s’avère d’autant plus évident que certains réussissent en faisant peu d’efforts. Les réseaux sociaux ne cessent d’ailleurs de mettre en exergue la chance.
Le mot travail est issu du bas latin populaire « tripalium » qui désigne à l’origine un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transverse, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, et qui fut ensuite utilisé comme instrument de torture. Le travail désignait l’objet concret qui entraîne une souffrance. Au Moyen Âge, la signification du terme évolue et il désigne l’instrument de torture, puis l’action de tourmenter ou de se tourmenter soi-même. Par glissement sémantique, le travail désigne le résultat de cette action : la souffrance, la peine, le tourment.
La peur de l’échec
La peur de l’échec joue un rôle central particulièrement au sein de l’hexagone. Ne pas être à la hauteur, ne pas être légitime conduit à renoncer à affronter le regard des autres et peut inviter à une certaine inertie. Les angoisses peuvent être issues d’un traumatisme oublié à l’image de passer son permis de conduire après avoir subi un accident de voiture qui nous hante encore. L’inertie participe donc à notre sécurité intérieure en ne prenant aucun risque.
Si notre cerveau peut être à l’origine de notre flemme, il faut noter qu’il n’est pas le seul responsable puisque, aujourd’hui, la capacité de concentration est mise à rude épreuve avec une sollicitation quasi permanente de notifications plus attractives les unes que les autres ou de services qui nous incitent à la flemme comme les plateformes de vidéo à la demande, un fil qui ne désemplit jamais sur les réseaux sociaux, des jeux vidéo…