Christophe Lemée, l’entrepreneur qui développe le monde de demain

Après une longue carrière dans les télécoms, Christophe Lemée, ce serial entrepreneur se penche sur la blockchain et voit en cette technologie l’avenir de l’informatique. Retour sur un parcours haut en couleurs, composé de rencontres et de créations.

Votre société fait dans la blockchain, pouvez-vous détailler ce concept ?

Il s’agit d’un protocole informatique et cryptographique qui assure l’archivage la transmissions et la traçabilité des données. Il se compose d’une partie protocolaire (transport et synchronisation des données) et d’une partie langage (au sens code, appelé smart-contract). Par analogie, nous pourrions prendre un exemple ou une base de donnée relationnelle « SGBD-R » avec son mécanisme de réplication serait l’équivalent d’un registre pour la blockchain et le langage SQL serait le langage équivalent pour le développement de smart-contract. En revanche, la ressemblance s’arrête ici, car chaque donnée inscrite dans les registres s’avère impossible à supprimer ou modifier.
Cette technologie garantit aux entreprises et individus la propriété des données enregistrées, contrairement aux autres bases. Tout le monde, dans la blockchain, peut vérifier qui se trouve à l’origine de tel ou tel élément. L’état d’appartenance d’un actif correspond à une donnée et toutes les transactions s’enregistrent dans des blocs et tous les blocs sont liés entre eux. Des entreprises concurrentes peuvent ainsi s’échanger des informations dans une blockchain privée ou publique et savoir qui détenait quoi au démarrage.

Pouvons-nous revenir sur votre parcours universitaire avant de créer Deep Block ?

Je suis titulaire d’un Master en informatique qui m’a permis, durant mon cursus scolaire, de travailler à Polytechnique avec le Dr. Tor Bloch. Celui-ci montait, à l’époque, un centre de calcul vectoriel pour la recherche autour du plus gros ordinateur du monde à l’époque : le Cray-1 (construit par la société américaine Cray qui créait de super calculateurs). A ce moment-là, il n’y en avait que sept dans le monde ! J’ai eu la chance de travailler avec cette équipe de chercheurs franco-suisse-américaine pendant des années. J’ai plus tard été promu Responsable du centre de télétraitement du CNRS à Polytechnique autour de cet ordinateur. Merci à Charles Becker de m’avoir donné ma chance, à seulement 23 ans, cela faisait de moi la plus jeune personne à avoir occupé un tel poste !

Vous étiez très jeune, quel type de responsabilités occupiez-vous alors ?

Je m’occupais du télétraitement des données car dans les années 80, il n’existait pas encore de réseau internet comme aujourd’hui. Les ordinateurs provenaient de marques et de fabricants différents, ils possédaient leur propre façon interfaces, le plus souvent propriétaire. Il n’y avait pas de protocole unifié comme le TCPIP actuel pour qu’ils puissent communiquer facilement entre eux. Je devais faire en sorte que toutes les machines échanger entre elles, quand tous les protocoles électroniques nécessaires restaient à inventer !

Je gérais les deux aspects couverts par le consortium : une partie militaire et une publique. Cette dernière s’appliquait, par exemple, à la météo nationale, qui modélisait les cartographies satellites et avait besoin d’énorme capacité de calculs. Il fallait concevoir des systèmes pour voir comment allaient bouger les masses d’air. J’étais en contact avec ces équipes pour mettre à leur disposition les capacités de calcul de cet ordinateur. J’étais évidemment épaulé par des chercheurs, météorologues… cette expérience s’est avérée très formatrice !

Quand avez-vous fondé votre première entreprise ?

Je l’ai créée en 1989 avec Yves LEBOUT, un camarade rencontré à Polytechnique. Evidemment, elle s’inscrivait dans l’informatique ! Grâce à Polytechnique, j’avais travaillé dans l’environnement Unix (système d’exploitation multitâche où un superviseur commande de plus petites unités interchangeables, ndlr). Fort de cette connaissance, notre société a développé le premier logiciel vertical sous Unix, destiné à la franchise Century 21 qui venait de s’installer en France. Michel Trollé avait repris la licence de ce concept américain et il avait besoin d’un système d’information pour gérer ses futurs franchisés. Nous avons monté ce système à partir de ce que nous avions appris.

Quels autres projets avez-vous mené par la suite ?

Ma vie s’est faite au gré de mes rencontres. Celle avec Christian ROUSSIN s’est notamment avérée déterminante. Il dirigeait une entreprise de fulfilment dans la vente à distance. A l’époque nous vivions l’explosion du minitel pour passer commande. Il cherchait une méthode pour transmettre les informations qu’il recevait sur son système de gestion alors incompatible : l’AS/400. J’ai développé une passerelle logicielle qui lui permettait d’interfacer ses données sur son dispositif. Il a ensuite voulu me présenter son actionnaire, pensant que nous pourrions faire un bout de chemin ensemble… il s’agissait de Pierre BELLEMARE ! Je lui ai proposé un concept qui me tenait à cœur, celui d’une borne que j’avais découverte dans les Drive McDonald’s aux Etats-Unis en compagnie de Christian DESJARDINS.

Je lui ai présenté et il a trouvé l’idée intéressante, j’ai mis au point cette machine que j’ai vendue par la suite à la branche européenne de l’enseigne de fast-food. L’entreprise avec laquelle j’avais lancé ce projet a été rachetée par Acrélec, qui a installé ce concept dans tous les restaurants que l’on connaît aujourd’hui. J’ai cédé cette société pour suivre Pierre Bellemare, qui démarrait sa première chaine 24h/24 de téléachat. Puis, j’ai lancé la première e-boutique de la télé interactive sur TPS, qui n’existe plus à présent. J’ai quitté le groupe M6 fin 2008 (acquéreur des activités téléachats de Pierre Bellemare et Roland Kluger), après avoir terminé l’intégration de MISTERGOOGDEAL que le groupe M6 venait d’acquérir. Je suis ensuite devenu DG et actionnaire de PhoneAndPhone, puis DSI et actionnaire du Groupe IZIUM, DG et actionnaire de Wynd… mais revenons à Deep Block.

Et la blockchain dans tout ça ?

Passionné de technologie, je m’y suis naturellement intéressé. D’avril 2015 à décembre 2016, je me suis complètement immergé. J’ai mené des recherches en profondeur car je sentais que quelque chose allait se produire… J’ai fait une liste de pistes à explorer et modélisé une roadmap, un schéma directeur technique, de ce que je souhaitais faire autour de ce protocole.

Comment s’est déroulée la fondation de Deep Block, justement ?

Deep Block est née de la rencontre avec Jean-Philippe Touati lors d’une soirée Dynamique Entrepreneuriale ! J’assiste toujours à la première conférence de l’année. J’ai donc discuté avec cet avocat durant le cocktail, qui m’a évoqué son idée. Vivement intéressé, je lui ai suggéré de nous revoir pour en reparler. Je nourrissais l’envie de travailler avec la blockchain depuis un moment et quand je l’ai revu, début février 2017, je lui ai proposé d’intégrer cette technologie à son projet.

Il ne connaissait pas ce fonctionnement mais a trouvé qu’il s’agissait d’une bonne piste. De fil en aiguille, nous avons constitué une équipe, aujourd’hui composée d’Henri de la Motte Rouge, membre du club également et de David Magarian, un homme du commerce et du marketing très doué que je connaissais depuis une quinzaine d’années. L’entreprise existe depuis début juin ! L’équipe technique a, entre temps, développé tous les concepts que j’avais définis pendant mes périodes de R&D menées précédemment.

Que propose votre entreprise à ses clients ?

Nous avons conçu un connecteur universel, accessible par une simple API (interface automatiquement programmable, en français, ndlr) et qui permet de rendre accessible la Blockchain, sans aucune compétence ou connaissance technique avancée. Ainsi, les entreprises se préoccupent seulement d’une interface adaptée à leurs besoins et/ou utilisent notre API pour apporter la connectivité blockchain au système d’information existant. Nous simplifions l’usage de cette technologie, il me semble qu’il s’agit du chemin le plus efficace, l’objectif étant de la faire utiliser au plus grand nombre (le grand public) au travers de services prochainement accessibles et sur lesquels nous travaillons en ce moment même et qui seront présentés à la rentrée.

De premiers progrès depuis début juin ?

Nous sommes en cours d’intégration pour réaliser notre premier contrat avec une société spécialisée dans la propriété intellectuelle. Elle utilise notre technologie pour son offre, destinée aux créatifs. Ceux-ci vont ainsi pouvoir protéger leurs productions. Nous nous apprêtons par ailleurs à lancer une levée de fonds et avons été repérés par DENTONS, un des plus grands cabinets d’avocats implanté dans le monde entier. Nous allons aussi pitcher à la conférence des LegalGeek en Octobre 2017 à Londres, et nous sommes également Top Sponsors du salon des LegalTechs à Paris, les 6 et 7 décembre prochain.

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