Interview d’Yvon Gattaz, ancien président du CNPF (l’actuel MEDEF), fondateur d’ETHIC, membre de l’Institut de France et président fondateur de l’Association Jeunesse et Entreprise (AJE).
Selon vous, quels sont les traits de caractère qu’il faut nécessairement posséder pour développer avec succès une entreprise ?
J’ai remarqué que ceux qui se demandent : « Suis-je un créateur d’entreprise ? », ne le sont pas, très souvent. Le véritable entrepreneur ne se pose même pas la question de savoir si oui ou non il est entrepreneur, il le sait de manière spontanée. L’entrepreneur se dit plutôt : « Je veux y aller, alors j’y vais ! ». Ceux qui répondent à des tests pour savoir s’ils sont entrepreneurs sont des hésitants à qui il manque donc une des qualités de base de l’entrepreneur.
Il existe deux sortes de qualité, celles que je nomme « de réception » et celles « d’émission ». Les qualités de réception sont indispensables lorsque l’on fait des études, elles sont la compréhension, l’analyse, la synthèse et la mémoire.
Quelles sont les qualités nécessaires ?
Les qualités qui servent principalement à l’entrepreneur sont celles d’émission :
- L’imagination créatrice.
- Je dis bien créatrice car elle est différente de l’imagination onirique. Lorsque l’on a de l’imagination créatrice, on rêve d’une entreprise le soir et on la crée le lendemain matin.
- Le goût du risque et son corollaire : la bonne résistance aux échecs.
- Celui qui, face à son premier échec, fait une dépression nerveuse et se retire pendant trois mois sous sa tente, je lui conseillerai de se lancer dans autre chose que l’entrepreneuriat ! Je cherche à détecter chez les jeunes cette force de caractère qui permet, face aux échecs, de repartir et de s’en servir de leçon pour le futur.
- Le goût des responsabilités.
- Esprit d’initiative et goût des responsabilités vont de paire. Là aussi, il faut un tempérament bien trempé !
- Le goût du détail.
- Lorsqu’on demandait à Conrad Hilton, le créateur de la fameuse chaîne d’hôtels, comment on pouvait créer un tel empire hôtelier, il répondait : « C’est très facile, il faut avoir le goût du détail et savoir simplement que le rideau de douche doit toujours être à l’intérieur de la baignoire ». C’est un symbole amusant qui montre que le patron doit s’assurer des détails. Une maxime française dit d’ailleurs que « le diable se cache dans les détails »
- La capacité à déléguer intelligemment.
- Au départ, on ne délègue pas, on fait. Puis, dès que l’entreprise prend de l’envergure, arrivent des collaborateurs. Il faut savoir que déléguer ce n’est pas abandonner, c’est contrôler. Un bon patron délègue une fonction et vérifie ensuite que celle-ci est correctement réalisée.
- Savoir détecter les talents.
Ceci est un art d’une extrême subtilité. Il faut savoir choisir vos collaborateurs, les promouvoir, les suivre et les mettre à la bonne place. Je pense que demain, le talent de la gestion sera la gestion des talents.
Les qualités de l’entrepreneur sont-elles innées ou bien peut-on les développer à travers des études ?
J’ai un peu évolué sur ce point. J’ai longtemps dit que c’était inné et qu’on ne faisait pas entreprendre efficacement quelqu’un qui n’était pas doué pour cela. Je crois toujours à cela. Génétiquement, il y a des gens qui ne sont pas « programmés » pour créer eux-mêmes. Ils ne réussiraient pas ou alors ils se donneraient un mal fou et ils seraient malheureux. Quand on fait des choses contraires à sa nature, on n’est pas heureux. Mais ma théorie a légèrement évolué. Je pense qu’en ayant à l’état latent ou de manière suffisante les qualités propres aux entrepreneurs, celles-ci peuvent être développées par proximité. L’engouement collectif et les vertus de l’exemplarité peuvent jouer. L’exemple est toujours très favorable à la création. C’est un catalyseur, à condition que vous ne soyez pas totalement dépourvu des qualités d’émission.
Comment détecter en soi si on a ces qualités d’un entrepreneur ?
Il n’existe malheureusement pas de baromètre avec un cadran et une aiguille ! Je crois que les gens, et en particulier les jeunes, s’analysent beaucoup mieux qu’on ne le croit. Je suis toujours étonné de voir à quel point les jeunes sont réalistes quant à leurs capacités. Pour cela, on ne fait pas assez confiance aux jeunes. Je ne crois pas aux méthodes qui permettent de dénicher en soi une fibre entrepreneuriale. La création d’entreprise c’est un acte spontané d’espoir, d’enthousiasme, de non-conformisme, qui est l’inverse de l’intellectualisme. Lors de mes conférences sur l’entrepreneuriat, je cherche seulement à semer de l’enthousiasme, à réveiller l’élan. Si vous expliquez aux jeunes toutes les difficultés administratives, ils ne voudront jamais créer leur entreprise ! Mais, si on a la capacité de créer son entreprise, on aura la capacité de surmonter toutes ces petites choses là.
NDLR : il existe d’autres tests qui ont vu le jour