Parlez-nous de votre parcours jusqu’à la création d’April ?
Je suis arrivé un peu par hasard dans le monde de l’assurance. J’ai rencontré un agent d’assurance qui avait l’air tellement passionné par son métier que j’ai senti qu’il y avait des choses à réaliser dans ce secteur. J’ai alors démarré dans un groupe mutualiste, puis j’ai intégré un groupe de retraite et de prévoyance. Aussi, j’ai pu y mener divers projets d’intrapreneuriat. Ma caractéristique est que j’ai démarré dans l’économie sociale.
Vous avez alors décidé de créer une entreprise du secteur dans lequel vous travailliez depuis 10 ans ?
Oui, j’ai choisi d’entreprendre dans un domaine que je connaissais bien, de ne pas me lancer dans l’inconnu. J’avais déjà eu affaire aux courtiers, qui étaient mes premiers clients, ou encore aux fournisseurs. Et j’avais déjà une certaine renommée dans le milieu. Cela m’a ouvert des portes et m’a beaucoup aidé lorsque j’ai créé April.
Et comment êtes-vous passé de l’intrapreneuriat à l’entrepreneuriat ?
Mon esprit entrepreneurial a fini par gêner les partenaires sociaux qui sont habitués à certains codes de la profession. Cela a entraîné des désaccords. J’ai senti que c’était pour moi l’occasion de prendre mon envol.
Votre devise est « tout homme est un créateur en puissance ». Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Oui, je pense que tout homme est créateur. L’acte de créer est inhérent à la nature humaine, même s’il s’exprime plus ou moins selon les personnes. Cette pulsion créatrice, il faut l’encourager. Il faut libérer les barrières pour que les gens puissent exercer leur talent de créateur.
Quand vous avez créé votre entreprise, aviez-vous des compétences de gestion ?
J’en avais quelques-unes que j’avais apprises au cours de mes études. Mais la plupart des compétences essentielles pour diriger une entreprise, on ne les apprend pas à l’école. C’est lors de mes expériences professionnelles précédentes, sur le terrain, que j’avais appris à mener des équipes ou gérer des clients par exemple. Bien entendu, pour diriger une entreprise il ne faut pas être fâché avec les chiffres ou avec le monde de la finance. Et puis je pense que pour réussir il faut des idées. Et je ne connais pas d’école qui apprenne à avoir des idées ! Le plus important quand on gère une entreprise, je pense, est la stratégie. Il faut réussir à définir une stratégie et un positionnement différentiants, afin de créer de la valeur ajoutée.
Et vous, justement, quel positionnement avez-vous adopté pour vous différencier des autres assureurs ?
Nous avons créé une société de service avant toute chose. Nous avons donc décidé de faire la différence par le sourire, la qualité et la rapidité du service. Tout cela nous permettait de nous démarquer des assureurs traditionnels.
Quelles sont les valeurs de votre entreprise et comment les appliquez-vous ?
Nous prônons tout d’abord la convivialité, et même la considération, que ce soit avec nos clients, ou au sein de l’entreprise. Ensuite nous soutenons la simplicité comme une valeur fondamentale de l’entreprise. Dans un monde où tout était affaire de procédures fastidieuses, nous avons tout simplifié : les contrats, les process, les produits… ce qui nous permet d’être rapides. Enfin, l’imagination reste une valeur clé au sein du groupe. Nous avons apporté une manière de voir très différente dans notre métier et continuons d’innover.
Avez-vous rencontré des difficultés au départ ?
La première difficulté que nous avons rencontrée a été la jalousie de nos concurrents. Nous avons fait face à de grandes compagnies, très institutionnelles, et qui ne supportaient pas qu’on puisse faire mieux qu’elles. Donc on nous a mis quelques bâtons dans les roues, en nous faisant par exemple des procès que nous avons tous gagnés. Ce qui ne plaisait pas était le fait que nous soyons très présents, très rapides et innovants. Nous étions vus comme les agitateurs dans notre secteur. Mais à part cela, nous n’avons pas eu d’importantes difficultés au départ. Je pense que nous étions suffisamment réactifs pour ne pas connaître de crises. Notre métier d’assureur nous forme aussi à cela, à prévenir les risques !
Vous avez levé des fonds ?
Nous nous sommes toujours autofinancés. Les premiers clients ont financé les coûts fixes liés à la structure. Et notre système de besoin en fonds de roulement est inversé : nous encaissons les commissions d’avance et nous sommes payés en avance. Et nous avons fait le choix d’entrer en bourse en 1997 pour faire appel au marché à des fins de croissance externe. Mais nous n’en n’avons finalement pas eu besoin car les résultats du groupe ont été suffisants pour financer cette croissance.
Avez-vous été conseillé avant de vous lancer ?
Il y en a qui se posent énormément de questions et demandent au monde entier si leur projet est bon. Mais je ne suis pas sûr que cela serve vraiment à un moment, il faut y aller, puis ajuster son projet par la suite. Pas besoin d’essayer de partir dans la meilleure direction possible, celle qui aura été conseillée par le plus grand nombre…
Pourquoi avez-vous fondé Evolem, un fonds d’investissement ?
Plutôt que de transformer les dividendes d’April en yacht en Méditerranée, je préfère que cet argent serve à créer et surtout développer d’autres entreprises. Nous accompagnons les entrepreneurs pour qu’ils développent leurs projets. Ce qui me motive c’est de créer ou de maintenir des emplois.
Vous avez également créé la fondation Entrepreneurs de la Cité. Pourquoi cet engagement dans l’économie sociale ?
Cette fondation a vocation à aider des chômeurs qui créent des entreprises. Personnellement je ne suis pas pour l’entrepreneuriat débridé et libéral. Je suis pour un entrepreneuriat sociétal. Au sein d’April nous avons défini des engagements pour l’entreprise. Nous sommes très attachés à promouvoir la diversité ou le handicap dans l’entreprise. Nous avons notamment mis en place des projets destinés aux séropositifs. J’ai la conviction qu’en tant qu’entrepreneur on se doit de participer à cette part de l’économie, non lucrative.
Vous tenez un blog. Quel est le message que vous souhaitez y faire passer ?
Je souhaite inciter les gens à devenir entrepreneurs, car plus on aura de créateurs, moins on aura de chômeurs. Et j’essaie aussi d’inciter les entrepreneurs à créer des emplois. Je pense que ce n’est pas par des mesures d’incitation fiscales qu’on arrivera à faire baisser le chômage. La clé se trouve dans l’initiative privée. L’entreprise a un vrai rôle à jouer dans la société.
6 conseils
- Ayez de l’audace.
- N’ayez pas peur. On ne fait pas ce métier si on n’aime pas le risque.
- Remettez vous en question, chaque jour. Se remettre en cause est inconfortable mais nécessaire.
- Ecoutez vos clients, mais pas trop ! Je ne suis pas un adepte des études de marché.
- Innovez. Il faut toujours prendre du recul et observer les choses avec distance, en se demandant toujours comment adopter un positionnement différentiant et durable. Il faut en permanence ré-entreprendre par l’innovation.
- Faites vous accompagner pour bénéficier d’un regard extérieur. Par des actionnaires par exemple. Il est indispensable d’être entouré de gens qui n’ont pas les mains dans son business, qui ont du recul et de l’expérience. Ceux-ci peuvent remettre en cause certains choix, ou poser des questions, ce qui fait beaucoup avancer.