Depuis une décennie, la stratégie de développement des entreprises semblait suivre une ligne avec peu de détours en dehors des innovations qui détrônaient une innovation précédente. Elle pouvait mettre à mal le business model d’une entreprise. Or, aujourd’hui, plus rien ne s’analyse comme l’année précédente. Si on pense parfois que l’anticipation et l’adaptation sont des notions contraires, ce n’est en réalité pas forcément le cas. L’épisode du coronavirus ne fait que nous le prouver. Il montre bien la difficulté pour les dirigeants d’arbitrer entre ces deux notions. Zoom sur les implications des deux attitudes.
L’exemple clé : les masques
Une vive polémique s’est créée autour de la disponibilité des masques lors du début de la crise sanitaire. Ceci était d’autant plus surprenant que des réserves stratégiques semblaient avoir été constituées quelques années plus tôt. Or, elles ont fondu comme neige. Si au final, des décisions ont été prises il y a des années entraînant, petit à petit la disparition des stocks, les Français se demandent la raison de cette disparition.
La raison semble pourtant très simple, Le renouvellement coûte de l’argent à l’Etat. De plus, celui-ci n’avait pas anticipé l’arrivée d’un coronavirus. Pourtant, nous avions déjà vécu des épidémies tel que le Sida qui auraient pu les interpeller comme un risque nécessitant d’avoir à disposition des centaines de millions voire des milliards de masques en stock. Ceux-ci auraient d’ailleurs pu être périmés avant l’arrivée d’une épidémie mais bon ils auraient dû être systématiquement remplacés.
Le but reste ici de comprendre qu’un manque d’anticipation peut rapidement avoir des conséquence. Surtout quand la capacité d’adaptation n’est pas au rendez-vous. En l’occurrence, il s’agit donc d’une anticipation ratée où l’ensemble des masques ont été vendus. Certains pensaient que le virus était en Chine et donc dans un pays lointain. Cette attitude a eu pour conséquence une impossibilité à se fournir ou réagir assez vite pour combler leur absence au moment où nous en avons eu besoin.
L’anticipation en contradiction avec l’adaptation ?
L’anticipation peut tout d’abord apparaître comme antinomique avec la notion d’adaptation puisqu’elle entraîne des conséquences sur l’immobilisation de ressources. La plupart du temps l’anticipation génère des coûts. Ceux-ci peuvent être humains, matériels, en stockage ou plus globalement en immobilisation de ressources du moins de manière de temporaire. On s’imagine bien qu’anticiper, par exemple la pandémie, aurait engendré des coûts pour acheter des masques et les stocker. En ce sens, elle contredit le principe d’adaptation. Ce dernier est considéré comme la possibilité de réagir le plus vite possible à une situation quand elle arrive et à mettre en conformité avec les attentes.
D’ailleurs la plupart des nouveaux business model sont davantage basés sur la capacité à s’adapter très rapidement à de nouvelles pratiques ou attentes qu’à anticiper les futurs changements du marché. En termes de business on pourrait ainsi opposer à la manière d’agir, celle de Steve Jobs. Celui-ci a anticipé l’évolution vers le tactile de nos téléphones avec la plupart des sites internet aujourd’hui leaders qui s’adaptent aux retours clients. L’anticipation et l’adaptation peuvent donc apparaître en contradiction dans un premier temps car ce sont deux phénomènes inverses.
Des notions complémentaires
En réalité, les deux notions ne s’opposent pas tant que cela. Si vous pouvez adapter votre produit ou service aux retours clients, rien ne vous empêche de faire des hypothèses sur des évolutions. Il s’agit d’ailleurs de l’une des difficultés majeures pour les dirigeants. Ils doivent souvent à la fois prendre des décisions pour protéger l’avenir. Mais aussi assurer une réactivité maximale en cas d’évolution des désidératas des consommateurs ou encore des évolutions technologiques.
L’anticipation demeure souvent complémentaire à une capacité d’adaptation qui fera évoluer le produit au gré des retours, des ventes, du succès ou non de ce qui a été anticipé. Ainsi, si vous lancez un produit ou service, vous pouvez avoir la certitude qu’il va marcher sans savoir pourtant les détails que vous devrez adapter pour satisfaire le client. A noter que certains investissements ne serviront à rien et seront perdus alors que d’autres porteront leurs fruits. C’est le jeu de l’anticipation. La Silicon Valley n’y échappe pas et de nombreuses start-ups françaises prônent le droit à l’échec. En effet, il faut bien prendre des risques pour pouvoir réaliser des choses.
En l’occurrence, le non-renouvellement des masques pour faire des économies semble avoir été un risque définitivement mal évalué. Il s’agit donc d’une mauvaise anticipation. Finalement, il s’agit au fond de faire une anticipation sur la réalisation d’un risque, la réalisabilité d’un produit/service ou encore à la réaction du marché face à la sortie d’un nouveau produit ou service. Le fameux « fail hard » de Facebook rappelle donc que l’anticipation reste essentielle.
En quoi finalement elle s’oppose
C’est en réalité finalement assez simple. Elle peut se résumer de la manière suivante. Plus la capacité d’une entreprise à s’adapter et réagir rapidement est forte et proche de l’immédiateté, plus l’anticipation devient inutile et source de coûts non désirables. Dans le cas de la crise sanitaire, si la capacité à se fournir des masques avait été immédiate, rien ne justifierait d’avoir des masques en stock. Sauf si ce n’est peut-être pour des raisons de coûts d’achats groupés et de diminution de prix) plutôt que de les produire/ commander en temps réel.
Entre anticipation et adaptation, il existe donc à la fois un lien d’opposition mais également qui les relie. L’une et l’autre sont souvent considérées ensemble afin de savoir s’il vaut mieux anticiper ou pouvoir s’adapter. Un arbitrage souvent difficile . Vous pourriez peut-être rencontrer avec votre entreprise dans de nombreux domaines telles que la trésorerie et son immobilisation.