Entretien exclusif avec Alexandre Malsch, cofondateur du groupe de médias Melty.
Comment êtes-vous arrivés à créer Melty ?
à 15 ans, alors que j’étais encore lycéen, je me suis aperçu un jour qu’il n’existait pas de sites Internet dédiés exclusivement aux jeunes. J’ai donc lancé en 2000 un petit blog tout simple que j’avais appelé Actuados. Je suis rentré quelques années plus tard à l’Epitech, une école d’informatique, où je suis moi-même devenu professeur dès la deuxième année ! Là-bas, j’ai rencontré mon associé Jérémy Nicolas. Ensemble, nous avons créé en 2005 la start-up qui allait devenir Melty, dans une petite salle de notre école. Ce premier projet était une technologie visant à déterminer en temps réel les sujets d’actualités qui intéressent les ados et jeunes adultes sur le Web. Au départ, cela ne marchait pas très bien car nous ne savions pas bien vendre cette technologie et personne ne comprenait vraiment à quoi elle servait.
Vous avez dû alors effectuer un pivot dans votre activité avant de trouver le bon modèle ?
En fait, nous avons même dû réaliser deux pivots ! En 2009 puis en 2011. Ce n’est qu’en 2011 que nous avons pris un véritable virage pour devenir un vrai groupe de médias. Aujourd’hui, Melty est le premier groupe de médias pour les jeunes sur Internet avec 15,5 millions de visiteurs en France, 2,5 millions en Espagne et en Italie. Nous avons également lancé le site au Brésil. Et sur l’année 2014, nous prévoyons de lancer Melty sur 10 nouveaux pays.
Votre projet est donc d’en faire une plateforme mondiale ?
Oui, nous avons l’ambition d’en faire le plus gros média pour jeunes dans le monde. Pour l’instant, nous attaquons des pays où la compétition n’est pas encore trop importante et où tout reste à créer : l’Inde, la Turquie, la Russie… Mais nous n’excluons pas à terme de nous lancer aux états-Unis. à l’heure actuelle, nous pilotons la plupart des nouveaux pays depuis nos locaux en France. Nous embauchons des natifs du pays pour réussir à créer des versions de Melty qui collent vraiment à la culture locale.
Lorsque vous vous êtes lancés vous étiez très jeunes. Les gens ne vous prenaient pas pour des fous de vous lancer si tôt ?
Totalement ! Je sais que mes parents ne comprenaient pas vraiment ce que je faisais… Même dans notre école, nos collègues de promo rigolaient doucement car, à l’époque, tout le monde considérait que le Web ce n’était pas du développement pur. Personne ne s’y intéressait. Et puis, pas mal de gens autour de moi essayaient de m’expliquer que je n’arriverais jamais à lancer un média pour les jeunes ! Je les comprends : j’ai commencé à travailler sur mon projet quand j’avais à peine 15 ans, donc je conçois qu’à cet âge-là je n’étais pas encore très crédible. Mais je suis très têtu, alors je me suis accroché !
Avez-vous fait des erreurs dans le développement de votre entreprise ?
La chose que j’ai mis le plus de temps à comprendre c’est que nous avions besoin d’un vrai commercial. Comme j’étais un bon ambassadeur pour l’entreprise, je pensais que cela suffisait. Mais avoir un commercial, quelqu’un qui se concentre pleinement sur la vente, c’est autre chose. Il ne faut jamais oublier que la vente c’est le nerf de la guerre pour une entreprise.
Vous représentez en France un parfait exemple de la culture start-up, héritée des états-Unis. Parlez-nous de votre vision du management.
L’idée c’est de travailler dans une ambiance toujours positive, toujours cool. Je pense que c’est aussi la ligne éditoriale de notre site qui veut ça. Quand tu sors des cours, tu n’as pas vraiment envie de te prendre la tête quand tu vas sur Internet. Donc nous essayons de faire un site cool, en étant nous-mêmes cools. Dans nos locaux, l’ambiance est toujours assez fun. Il n’y a pas d’horaire prédéfini, tu peux te balader en skate dans les couloirs, jouer à la console. Si les salariés travaillent sur des choses qu’ils aiment et dans des conditions plutôt fun, ils seront bien plus créatifs. Mais tout est basé sur la règle de dire qu’une grande « coolitude » entraîne de grandes responsabilités. Il y a tout de même une réalité économique derrière : il y a des statistiques, des objectifs… Si les salariés atteignent leurs objectifs, tout va bien. Sinon on leur conseille d’aller vers d’autres entreprises. C’est à la fois très cool et très strict. Il y a beaucoup de pression, mais je pense que les gens ici s’éclatent !
Sur quels critères recrutez-vous vos collaborateurs ?
Nous ne recrutons que des personnes qui sont passionnées. Le premier critère pour travailler pour Melty c’est de ne pas venir en croyant que c’est avec ça que tu vas gagner des fortunes. Même si c’est normal de vouloir gagner de l’argent, il faut avant tout être passionné par le projet, avoir conscience que son travail va pouvoir changer le quotidien de beaucoup de jeunes.
Quel type de patron êtes-vous ?
Je ne me vois pas comme un patron, mais plutôt comme un coach. Mon travail c’est de sélectionner les meilleures personnes, de trouver la bonne stratégie et de faire en sorte que chacun développe au maximum ses propres compétences. Je nous compare souvent à une équipe de foot. Mon objectif est de dénicher les talents et de les aider à travailler en collectif. Je travaille avec tout le monde pour bien communiquer à chacun la vision du projet pour que l’on aille tous dans la même direction.
Vous organisez tous les 6 mois des opérations « vis ma vie ». En quoi cela consiste ?
Le concept est que les salariés puissent découvrir le travail des autres pour mieux comprendre leurs problématiques. Par exemple, nous demandons à des commerciaux d’écrire des articles ou aux développeurs de vendre des encarts publicitaires. Ces journées spéciales permettent ensuite à chacun de mieux comprendre les personnalités et les demandes de leurs collègues et d’être plus tolérants. Cela consolide la cohésion de l’équipe.
Vous faites régulièrement du surf. C’est ce qui vous permet de vous ressourcer ?
Je pense qu’il est nécessaire de faire des breaks régulièrement. Cela permet de garder un équilibre physique et de pouvoir se reposer, tout lâcher, prendre du recul. Donc je pars dès que je le peux à Biarritz pour faire du surf. Je suis un vrai passionné de surf. D’ailleurs, si aujourd’hui l’aventure Melty devait se terminer du jour au lendemain, je pense que j’irais créer un surf shop !
3 Conseils d’Alexandre Malsch
- Construire une équipe solide
Les personnes qui vont investir dans votre entreprise vont miser sur votre équipe et non pas sur votre projet. Il faut donc former dès que possible une équipe solide avec des membres complémentaires : des développeurs, des commerciaux, un directeur administratif, un business développeur… Cela montrera que l’équipe est structurée pour résister aux aléas du projet et aux éventuels pivots.
- Rester concentré et focus
Je pense qu’il ne faut pas trop courir après les partenariats car, dans 90 % des cas, il vaut mieux faire soi-même les choses. Beaucoup de start-ups pensent qu’elles vont progresser en faisant des partenariats et elles dépensent beaucoup de temps et d’énergie dans la construction de ces contrats. Or, je pense que les petites entreprises devraient concentrer toute leur énergie dans la vente de leur produit.
- Ne pas chercher à décrocher des subventions
C’est un peu la même chose que pour les partenariats. Lorsque vous cherchez à bénéficier de subventions, vous y passez un temps fou, pour ne récolter au final que des petites sommes.