Comment adapter le pilotage de son entreprise en période de crise ?

Une crise est un moment charnière pour une entreprise : savoir la gérer peut faire la différence entre sa survie et son effondrement. Dans le contexte actuel tendu, repenser son pilotage d’entreprise est capital pour assurer la pérennité de son activité. Face à des enjeux aussi importants, les décisions doivent être prises rapidement pour limiter au maximum l’impact de la crise en conjuguant optimisation de la trésorerie, agilité, cohésion et communication.

1 – Repenser son pilotage financier

Le nerf de la guerre pour une entreprise en période de crise est sans nul doute la trésorerie. Son pilotage rapproché, déjà primordial en temps habituel, devient crucial – voire vital – en temps de crise. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Il faut s’attendre à faire et refaire les projections de trésorerie en fonction des évolutions de la crise, de la baisse ou de l’arrêt prévisible de l’activité, des annonces gouvernementales et des clients… Avec dans un premier temps un exercice à deux ou trois mois, orienté vers l’apurement des bilans. Pour cela, il des mesures simples mais efficaces peuvent être prises : mesures d’économies en interne, comme le gel des recrutements, revue des conditions de facturation et relances clients, emprunts bancaires. Objectif : réaliser une estimation la plus précise possible du chiffre d’affaires qui va être encaissé et quand, afin de réaliser une projection claire de la trésorerie.

Une fois cette visibilité à court terme acquise, il est bien sûr nécessaire de se concentrer sur les piliers trésorerie et profitabilité : identifier les sources génératrices de trésorerie, définir les priorités opérationnelles et monitorer les résultats. Cela implique de définir les bons indicateurs clé à suivre durant toute la période de crise, qui sont bien sûr ajustables en fonction de l’activité : par exemple, en B2B modèle SaaS, le nombre de désengagements clients (« downsell »).

Ces indicateurs sont à suivre au jour le jour ou à la semaine afin d’ajuster sa stratégie en temps réel. Cette agilité implique d’avoir les bons outils – des tableaux de bord interactifs et solutions de data visualisation comme PowerBI sont particulièrement adaptées – mais surtout de compter sur ses ressources internes : les managers pour insuffler la vision, les équipes sensibilisées aux nouveaux rythmes et méthodes bien sûr, mais également les experts internes (en trésorerie, comptabilité, ressources humaines, etc.).

2 – Gagner en agilité pour adapter son activité

 Face à la crise, l’équilibre entre les actions « défensives », comme les réductions de coûts, et « offensives » (par exemple, créer une nouvelle offre) est clé. Pour anticiper les tendances, les analyser et les transformer en opportunités si possible, il est nécessaire prendre la température sur le terrain via ses pairs, les entreprises du même secteur, et ses clients. Par exemple, participer à des webinaires entre pairs, provoquer des rendez-vous clients pour les questionner sur l’impact de leur côté ou faire jouer son réseau pour faire remonter de l’information. Objectif : faire ressortir les grandes tendances pour flairer les opportunités, anticiper le risque et adapter les priorités des équipes en conséquence.

Rester flexible est essentiel, les rebondissements non maîtrisables de la crise faisant immanquablement fluctuer l’ordre des priorités. La gestion des projets doit donc se faire le plus possible par méthode agile et l’approche ROI est primordiale : prioriser les projets générateurs de cash ou de valeur pour l’entreprise, en pilotant au quotidien avec les équipes. Il est essentiel de sortir du cadre de l’équipe de crise pour se confronter à la réalité terrain et savoir avec précision ce qui est générateur de valeur ou non !

Enfin, il ne faut pas oublier de penser à l’après et construire une vision à plus long terme. Par exemple, en établissant des hypothèses de charges et de trésorerie dégradées à 6 mois, 12 mois et même 18 mois. Ce travail exhaustif inclue les dettes fournisseurs et les dépenses à supporter pendant cette période (charges de personnel, loyers et abonnements indispensables, emprunts bancaires…), mais également les prévisions clients qui pèseront lourd dans la balance : prévoient-ils, de leur côté, de régler leurs échéances à temps ? De renégocier les termes de leur contrat ? De revoir le renouvellement de leur engagement ? De profiter de cette période de baisse d’activité pour investir dans des projets imprévus ? Toutes ces questions doivent trouver une réponse pour savoir rebondir rapidement et clôturer proprement la crise.

3 – Assurer la cohésion des équipes

Le plan de gestion de crise doit être largement partagé et pas uniquement avec le top management. Chaque collaborateur doit avoir connaissance des consignes et des recommandations. Or, la sensibilisation et la formation des salariés, voire des prestataires présents régulièrement dans les locaux, sont souvent négligées. Résultat : le plan peut être robuste et performant, s’il n’est pas connu ou maîtrisé, il perd de sa force, voire de son intérêt. 

En effet, l’implication des équipes est capitale pour assurer une sortie de crise optimale : elles vont intervenir aussi bien dans la remontée d’informations terrain que dans le passage d’un message – implicite ou explicite – aux clients. L’inquiétude et le stress sont toujours les premières réactions émotionnelles face à un changement de situation : la première étape est donc d’informer les équipes sur la façon dont la crise est gérée afin de les rassurer.

Pour ce faire, il est nécessaire de donner de la visibilité sur l’impact de chaque action, les critères de priorisation de chaque projet ou encore la santé de l’entreprise, pour créer un effet de groupe et amener les équipes à se serrer les coudes. Une communication resserrée aux équipes sur les décisions prises par la cellule de pilotage de crise est à privilégier : par exemple, des points hebdomadaires de redescente d’information, une newsletter régulière de la part des dirigeants ou encore la responsabilisation des managers pour répondre aux premières questions de chacun.

Transparence et bienveillance incitent le plus souvent à donner de sa personne pour passer la tempête et à mettre toute son énergie, sa proactivité et sa créativité au service du bien commun. C’est le rôle du dirigeant de veiller au bien-être de ses équipes, que le surmenage peut guetter, de les préserver et de les sensibiliser au fait que la crise est un marathon, pas un sprint.

Si la communication interne est la clé de voûte d’une traversée de crise réussie, la communication externe doit être tout aussi bien maîtrisée dans sa fréquence, ses formats et ses messages. La crise crée les conditions d’une rupture de confiance et affecte la crédibilité de l’entreprise en externe et en interne : dans ce contexte, il est capital d’associer le bon message, au bon destinataire et avec le bon ton dans toutes les communications. 

4 – Maîtriser sa communication de crise

Un contexte de crise incite souvent à beaucoup communiquer, partout et à tout prix : pourtant, il est parfois plus utile de ne rien dire que de risquer la mauvaise communication. D’après une récente étude, 75% des consommateurs estiment que les entreprises ne doivent pas profiter de leur crise pour promouvoir leur marque. Aussi, à moins d’une urgence à se positionner sur la période en cours, mieux vaut se recentrer sur sa propre structure, ses employés et surtout : ses clients.

Garder une communication constante et transparente avec ses clients est d’autant plus primordial aujourd’hui. D’une part pour les informer, rassurer, sur notre gestion de crise, et d’autre part pour les accompagner au mieux en fonction de leurs nouveaux besoins. Les principes clés de la communication de crise – empathie, honnêteté, transparence et respect de ses engagements – sont les gages d’une collaboration solide et pérenne.

La bonne nouvelle ? Cette crise promet de transformer plus durablement nos manières de travailler et de collaborer. Au-delà de la flexibilité gagnée sur le travail à distance, on peut s’attendre à un impact sur nos vies de manière globale : la façon d’envisager son équilibre professionnel et personnel, le rapport au temps et aux relations humaines. La transformation sociétale en cours est réelle et fascinante. Gardons le cap, prenons soin de nos collaborateurs et de nos clients, et restons alertes et curieux : notre ouverture d’esprit nous permettra de sentir le vent tourner, d’anticiper et d’assurer « l’après ».

Aurore Jaugin, CEO France d’UpSlide

Source : Kantar – COVID-19 Barometer: Consumer attitudes, media habits and expectations – 25000 interrogés

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