Valoriser les projets de création dans des activités traditionnelles et pas uniquement les projets innovants.
Les femmes créent majoritairement dans le commerce et les services (près de 50 %)
L’entrepreneuriat au féminin est à mon avis approché de manière trop élitiste. Les projets qui sont mis en avant et accompagnés visent souvent des domaines innovants. Ils sont peu représentatifs du potentiel de femmes entrepreneures, qui se trouvent dans les activités traditionnelles. Il faut que les moyens d’accompagnement mis en œuvre s’adaptent aux besoins de leurs projets et se rapprochent du terrain : zones rurales, quartiers… Si le taux de femmes entrepreneures a plutôt tendance à stagner aux alentours de 20 %, c’est bien que l’offre ne correspond pas aux besoins.
Fédérer les différents acteurs de l’accompagnement.
Moins de 15 % des visiteurs de la Caravane des Entrepreneurs sont accompagnés et le taux baisse à 3 % pour les auto-entrepreneurs, dont 45 % de femmes. Pourtant les acteurs de l’accompagnement sont très nombreux : ils deviennent par conséquent difficilement identifiables et ont tendance à travailler chacun pour soi. Du fait de ce manque de coopération, on ne rame dans le même sens et les entrepreneures ne bénéficient pas de la synergie des différents services à leur disposition. En outre, il n’y a pas homogénéité suivant les régions, certaines étant complètement dépourvues de structures d’accompagnement pour aider les créatrices à sortir de leur isolement.
Mettre en place des actions pour mieux détecter les projets sur le terrain.
Beaucoup de femmes ont des projets dans leur tête, mais ne passent pas à l’action par manque de confiance. Tout l’enjeu est de repérer les bons projets et de les mener à bien en formant et accompagnant. Pour cela, il faut mettre en place des actions sur le terrain. Par exemple, nous pouvons former à la création d’entreprise des responsables d’associations de quartier, des travailleurs sociaux et toutes les personnes qui sont en contact direct avec ces femmes qui se trouvent dans des zones excentrées. Grâce à cette formation, ils seraient en mesure de détecter les projets et d’orienter les futures créatrices vers les structures d’accompagnement. Elles pourraient alors de leur côté venir de façon régulière sur leur terrain.
Donner aux créatrices d’entreprises les mêmes droits qu’aux salariées pour la garde des enfants.
Plus de 70 % des créatrices mettent en avant la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle. Comme la majorité des créatrices sont en arrêt d’activité (disponibilité, chômage ) et n’ont pas droit à la garde des enfants, ce problème est crucial : il est indispensable de mettre en place un dispositif pour que ces femmes puissent disposer des structures de garde (halte garderie, cantine), au moins de façon ponctuelle, quand elles ont besoin de se déplacer pour leur projet.
Faciliter l’accès aux technologies de l’information.
De nombreuses femmes n’ont pas accès à l’outil informatique ou ne savent pas comment l’utiliser. Pour certaines, l’ordinateur et la connexion Internet sont un luxe. En outre, la plupart des employées qui ont occupé des postes manuels notamment, n’ont pas été formées à utiliser un ordinateur. Il faut donc à la fois mettre à disposition des packages basiques à un moindre coût (ordinateur + logiciels + connexion Internet) par exemple à partir de matériels recyclés et des formations accélérées à l’utilisation, éventuellement en auto-formation.
Développer des outils de formation à distance.
Les formations disponibles ne sont pas adaptées aux contraintes des femmes. Quand on doit garder ses enfants ou qu’on n’est pas véhiculée, on ne peut aller suivre une formation plusieurs jours à 50 km de chez soi. Faciliter l’accès à Internet permettrait donc également de faire bénéficier ces femmes des formations mises en ligne. Les créatrices ont notamment besoin de formations à la méthodologie de création, mais aussi à la gestion, aux finances, au développement commercial. Grâce à une meilleure formation, les projets deviennent plus pérennes et l’accompagnement plus efficace et mieux individualisé.
Faciliter l’accès aux aides à la création (NACRE, FGIF, prêts d’honneur).
Au niveau européen, des fonds importants visent à soutenir la création d’entreprise par les femmes, notamment dans le cadre du programme Equal. Malheureusement peu de femmes en profitent, car la démarche est complexe et n’en bénéficient que celles qui savent utiliser le système et bien présenter leur projet. En dessous d’un certain montant, l’accès aux aides devrait se faire plus facilement, par exemple en ligne, sans devoir passer par des structures qui sont souvent submergées.
Élargir l’accès au microcrédit.
La moitié des femmes créent leur entreprise avec moins de 8 000 euros. A forte majorité, les femmes s’installent en travailleur indépendant (profession libérale, auto-entrepreneur, micro-entreprise). Elles sont prudentes et empruntent peu et ont souvent du mal à trouver 3 à 4 000 euros pour compléter leur petit apport personnel. La plupart des garanties comme le Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes démarrent au-delà de 5 000 euros et le microcrédit n’est pas suffisamment développé et facilement accessible.
Favoriser les initiatives privées (investissement et tutorat).
Il est dommage que la création d’entreprise soit perçue comme une affaire d’état. Des initiatives privées se développent pourtant, telles la caravane des Entrepreneurs et la TV des Entrepreneurs, mais sont peu promues. Des coopératives d’emploi, des associations de femmes font un excellent travail de terrain auprès des créatrices en utilisant les compétences et la complémentarité de ses membres, sans consommer des fonds publics. à l’inverse, certaines structures financées par l’état ne font pas preuve de leur efficacité. Ces actions privées doivent être identifiées et mieux mises en avant. Je pense également aux fonds d’investissement favorisés par les récentes mesures de défiscalisation pour le financement des PME. Certains Business Angels s’intéressent désormais aux activités artisanales, qui n’étaient pas leur domaine de prédilection jusque-là.
Mettre en place un carnet de route pour suivre l’accompagnement des créatrices et les aider à pérenniser et développer leur entreprise.
Le taux de défaillance d’entreprise dans les 5 ans est inacceptable. L’insuffisance de formation et d’accompagnement aggrave les difficultés conjoncturelles. Il faudrait comme chez le Médecin, faire le diagnostic de projet, puis l’ordonnance et mettre en place un carnet de santé pour faire des contrôles réguliers et les piqûres de rappel. Des spécialistes pourraient être consultés suivant les besoins pour pérenniser et assurer le développement de l’entreprise. Chaque acteur serait ainsi clairement identifié et son rôle défini. N’oublions pas que derrière un projet il y a un être humain et que tout échec est avant tout un échec personnel, ce qui d’autant plus grave pour des personnes déjà en difficulté.