Produits dérivés : l’avenir de l’industrie musicale ?

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Les ventes de disques chutent d’année en année, ce qui inquiète beaucoup les labels de production musicale. Si ce secteur est en perte de vitesse, celui des produits dérivés, lui, a le vent en poupe. Les festivals et sites internet vendent davantage de casquettes que de CD, et les vêtements à l’effigie de certains groupes représentent un élément identitaire fort. Les produits dérivés sauveront-ils l’industrie musicale ?

La difficile mutation du disque vers le numérique

Cette affirmation ne surprendra personne : les labels de production musicale écoulent de moins en moins de CD. Le streaming et le téléchargement constituent les principales causes de ce désintérêt du public : les plateformes type iTunes ou Deezer permettent de télécharger ou d’écouter des musiques en ligne pour un prix d’abonnement dérisoire comparé au prix d’un CD. Offrant de nombreuses heures d’écoute et une grande diversité d’artistes et de style, ce mode d’écoute s’avère plus rapide et adapté au mode de vie moderne. Le streaming musical représenterait 42% des revenus de la vente musicale en France, d’après un rapport du Snep (Syndicat national de l’édition phonographique). Certains labels ont pris le train en marche et lancent leurs propres sites de streaming afin de concurrencer ces nouveaux venus comme Sony, dont 24% du chiffre d’affaires résultent du service streaming proposé par l’entreprise. Pour les derniers acheteurs de CD, le code semble aussi avoir changé, ces objets ne représentent plus la même chose qu’il y a quarante ans.

La symbolique du disque transformée

Il semblerait que, depuis quelques années, le disque remplisse une fonction différente. Dans les années 60-70, un album studio incitait le public à se déplacer pour voir l’artiste en concert. Suite à cet événement paraissait l’album Live, qui permettait, entre autres, de vendre plus de disques. Une machine bien rodée qui a fini par rouiller car depuis quelque temps, le disque présenterait davantage la fonction de « souvenir du concert ». Vu l’essor des festivals, qui se déroulent tout au long de l’année, et les prix des billets comparés à ceux des disques, le public préfèrerait acheter les albums studios seulement après la performance des artistes en concert, en guise de souvenir du moment. L’achat du disque représente désormais un investissement plus réfléchi, contrairement aux produits dérivés, qui eux, s’écoulent comme des petits pains !

L’essor du secteur des produits dérivés

Sur internet comme dans les festivals, il s’agit d’une réalité : les groupes vendent beaucoup plus de t-shirts et de casquettes que d’albums. La musique étant aujourd’hui accessible en illimité et sur une foule de terminaux, elle ne fait plus l’objet des recherches principales des fans. Ceux-ci se concentrent sur l’achat de produits dérivés d’artistes et cette catégorie ne comprend pas uniquement les vêtements. Les stickers, les badges, les figurines à l’effigie de groupes ou d’icônes comme Michael Jackson fleurissent et se vendent en boutique, aux concerts ainsi qu’en ligne sur des sites généralistes et spécialisés. D’autres types de produits à l’image de certains groupes connaissent également un réel succès tels que les instruments modèles « signature ». La marque de guitares Epiphone a, par exemple, lancé Les Paul Custom ZakkWyldeBulleye, du nom du guitariste de Black Label Society. Des articles au prix souvent très élevé (comptez en moyenne 25 euros pour un t-shirt acheté en concert ou sur le site officiel) mais pour lesquels les fans sont prêts à mettre le prix car ils représentent beaucoup plus que de simples vêtements ou accessoires. Arborer un t-shirt ou un pull à l’image de Marilyn Manson n’arrive pas par hasard mais répond à un profond besoin d’identification.

Le style musical comme facteur identitaire

Yves Bigot, le Directeur des programmations RTL, confiait en 2011 au site Atlantico que, selon lui, « le fétichisme » sauvera la musique pour deux raisons. Premièrement, l’auteur évoque la puissance culturelle de certains univers musicaux auxquels trois générations se sont successivement identifiées. Il précise que ce phénomène demeure très présent au niveau des fans de hard rock. En se penchant un peu sur ce milieu, on remarque en effet que les fans de ce style musical ont développé une culture indépendante et une série de codes vestimentaires particuliers, pour s’affirmer entre eux mais aussi vis-à-vis de la société qui les entoure. Lors de festivals dédiés au métal et consors, tels que le Hellfest ou le festival de Wacken, les t-shirts de groupes font les clans : un fan de Kiss adressera difficilement la parole à un fan de MötleyCrüe et inversement. Plus important, affirmer son appartenance à un style musical revient à revendiquer des valeurs et une identité en rupture avec les codes en vigueur. Les hommes portant les cheveux longs subissant encore les regards accusateurs se servent de cette image pour affirmer leur personnalité et ce depuis des générations, d’où l’idée que les produits dérivés de certains groupes ont encore de beaux jours devant eux.

Les produits dérivés : une alternative à nuancer

Aux vues des arguments précédents, on s’attend à une réponse totalement affirmative. Sauf qu’il ne faut pas oublier que ces produits et cette identité émanent grâce à… la musique ! Sans personne pour les produire, les mixer, les retravailler ou les enregistrer, les chansons ne peuvent voir le jour. Pire, en cas d’absence totale de label pour recruter et financer les artistes, la création artistique serait réservée à quelques rares initiés très au point sur tous les fronts, ce qui limiterait énormément d’artistes ! Vivre de sa musique n’a jamais été simple pour personne, les plateformes streaming présentent au moins l’intérêt de rendre la musique accessible à tous. De fait, les produits dérivés constituent sans doute une ressource complémentaire pour garder la tête hors de l’eau le temps de trouver une solution pour actualiser l’industrie musicale.

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