Avant la crise sanitaire, les bureaux partagés où tous les salariés d’une même entreprise œuvrent les uns à côté des autres ont fleuri un peu partout. Les « open-spaces », conçus pour favoriser la communication en entreprise, démontrent pourtant leurs limites. Certains d’ailleurs s’opposent farouchement à cet aménagement de l’espace de travail partagé. La crise sanitaire et ses différents confinements ont obligé les open-spaces à s’adapter.
Le sondage OpinionWay pour Take a Desk, réalisé du 4 au 7 janvier 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 1066 employés de bureau dans des entreprises de 20 salariés. Il révèle que les Français interrogés sont favorables à l’idée de partager leurs bureaux avec d’autres personnes (salariés, entrepreneurs, professions libérales…) extérieures à l’entreprise mais aussi l’opportunité de redynamiser l’espace de travail, de créer de nouvelles synergies. Ainsi, pour plus de 8 employés de bureaux sur 10 (86%), l’opportunité de rencontrer de nouvelles personnes est une raison majeure. 79% évoquent un moyen efficace de favoriser les échanges et le partage de compétences. En ce sens, accueillir de nouveaux collaborateurs extérieurs à l’entreprise est perçu comme étant un réel moyen de développer les interactions et les liens sociaux.
Proximité du domicile ?
Il est à noter que plus des deux tiers des répondants (77%) cite l’utilité d’avoir un bureau accessible à proximité de leur domicile. Un moyen pour 8 salariés sur 10 de réduire leur temps de trajet quotidien et de diminuer l’impact du stress et de la fatigue liés au transport travail-domicile.
D’autres avantages sont bien perçus et évoqués, comme notamment le moyen de rompre la monotonie pour 66% des sondés – une perception surtout ressentie par les hommes (70%) contre 62% des femmes – la possibilité de travailler dans des locaux plus grands (62%), plus modernes (73%) ou encore en présentiel (56%). La pandémie n’aura pas eu raison du besoin de vivre ensemble, bien au contraire.
De multiples utilisations des « open-spaces »
Quelle est la réalité ? Les espaces de travail commun s’organisent simplement. Tous les bureaux des salariés, quelle que soit leur position hiérarchique, sont juxtaposés et tous les membres de la société travaillent conjointement. Ce type d’aménagement s’est répandu et se retrouve dans différentes structures. Les petites entreprises, start-up et autres TPE se tournent, par exemple, souvent vers des espaces de coworking. Ces lieux de travail partagés regroupent plusieurs entreprises, appartenant ou pas au même secteur. Ils se présentent très souvent sous la forme d’open-spaces, où tous les bureaux sont disposés dans la même pièce voire séparés par de minces cloisons. Très pratiques, ces endroits mettent à disposition des coworkers bureaux, chaises, imprimantes et accès Wi-Fi, à leur arrivée, afin de leur permettre de travailler confortablement. Cette solution paraît idéale. Une seule facture et, en principe, une ambiance conviviale où se croisent des agents venus de différents horizons.
D’un autre côté, certaines grandes entreprises organisent, elle aussi, leurs locaux en open-spaces. Tous les employés se trouvent regroupés au même endroit, filiale par filiale. Les bureaux de chacun sont rassemblés et disposent de tout le nécessaire sur place, pour que les salariés aient à se déplacer le moins possible. Les espaces de travail partagés semblent ainsi constituer un aménagement pratique pour les travailleurs y ayant recours.
Un espace de travail partagé pour faire tomber les barrières
Se réunir dans un espace sans cloisons permet de rapprocher les collaborateurs et de centraliser les ressources. Ce fonctionnement représente, de fait, un gain de temps phénoménal pour les dirigeants. Tous leurs employés leur font face et il leur est difficile de se dérober. Une question peut obtenir une réponse en quelques secondes puisque la personne se trouve devant eux. Au Royaume-Uni, cet aménagement de l’espace de travail s’avère très apprécié. 80% des bureaux anglais prendraient la forme de bureaux communs. Ceux-ci permettent un gain de temps, une meilleure communication mais aussi un gain de place et une meilleure surveillance des activités de chacun.
Une étude menée par les chercheurs Jungsoo Kim et Richard de Dear indiquait, dans le Journal of Environmental Psychology : « L’argument en faveur de l’open-space selon lequel il favorise l’enthousiasme et la productivité semble n’avoir aucune base académique. » Ce constat signifie que si les salariés apprécient ce type d’espace, cela n’a pas été prouvé. Il existe d’ailleurs des recherches allant dans ce sens. Des scientifiques de l’université américaine de Cornell ont démontré que ce type d’aménagement générerait davantage de stress chez les salariés.
Quelques inconvénients qui riment avec « open-space »
Ces bureaux communs présentent l’avantage de tout mettre sur place, équipements comme collaborateurs. Sauf que parmi ces derniers, certains pourraient ne pas supporter le concept. Il demeure très pratique d’avoir tout à disposition. Toutefois, rester collé à ses collègues toute la journée peut constituer un facteur de stress. Si les membres de l’équipe se connaissent bien, cela peut se révéler sympathique. Cependant, les collaborateurs plus réservés pourraient se sentir un peu à l’étroit voire surveillés. Les espaces de travail communs conservent par ailleurs la réputation d’endroits bruyants où se concentrer s’avère parfois difficile.
Le socio-économiste et Directeur de recherche au CNRS Alain Iribarne résume ces considérations : « Les dirigeants mettent en avant le mythe du « travail en projets » et de « coopération harmonieuse et créatrice », mais l’open-space peut être pathogène, (…), il facilite la surveillance et la mise en compétition des salariés entre eux, facteur de stress qui aboutit souvent au contraire du but recherché, avec des salariés qui s’isolent en portant des écouteurs ou en se cachant derrière des montagnes de dossiers ou des plantes vertes… »
A qui profitent vraiment ce type d’aménagement ?
Le débat sur les open-spaces et autres bureaux partagés fait rage depuis plusieurs années. Certains en vantent les mérites pendant d’autres les contestent. Il convient alors de se demander qui a davantage intérêt à adopter ce mode de fonctionnement. Plusieurs éléments évoqués précédemment peuvent nous mettre sur la piste. Ainsi, se trouver directement en face de ses collaborateurs permet de garder un œil sur leur activité et de gagner en productivité. Cette méthode améliore également la communication entre les membres de l’équipe, tous placés à côté les uns des autres. Les contestataires répliquent, eux, que leur intimité se voit sabordée à cause de cet aménagement où ils se sentent épiés. Pratique pour les dirigeants, irritant pour certains salariés, il semblerait que les chefs d’entreprise représentent les principaux bénéficiaires de ce type d’espaces.
La sociologue Thérèse Evette confirme cette hypothèse en constatant que « l’open-space est à la fois l’aménagement le plus prisé des managers et le plus contesté par les employés ». Sans verser dans le scénario dramatique où les salariés deviennent fous et où les patrons demeurent tyranniques, il reste possible d’aménager un bureau commun de sorte à ce qu’il ne soit pas trop invasif pour les salariés tout en conservant l’avantage de la proximité avec les autres.
Quelques astuces pour rendre un bureau partagé moins étouffant
Travailler en permanence sous le regard de ses supérieurs constitue évidemment un facteur de stress. Il existe cependant quelques gestes simples pour rendre cette situation moins oppressante. Le besoin de faire des pauses reste important, couper le contact, visuel, sonore, avec les collaborateurs pendant quelques minutes peut faire beaucoup de bien. S’aménager un petit espace personnel sur son bureau motive également, placer quelques clichés rappelant de bons souvenirs ou des objets personnels pourraient vous réconforter. Pour réduire la pression qui pèse sur les salariés constamment surveillés par leurs supérieurs, il convient également de leur prouver que ces mêmes dirigeants restent humains ! Soudez votre équipe, organisez des afterworks, des déjeuners collectifs, afin qu’ils ne se sentent pas supervisés seulement par des chefs, mais d’abord par d’autres personnes.