A l’heure de la mondialisation, les entreprises ne peuvent désormais plus travailler dans l’isolement et décider de tout traiter par elles-mêmes : ce type d’attitude se révèle, en effet, contre productif et à terme purement et simplement suicidaire. Qu’il s’agisse de mieux maîtriser les coûts, d’engager des actions de recherche pour innover, de développer la commercialisation de produits et services, d’accéder à une expertise technique non maîtrisée, de faire preuve de flexibilité pour répondre à des besoins clientèle ou de conquérir de nouveaux marchés à l’international…, les circonstances ne manquent pas pour que les entreprises s’orientent vers un ou plusieurs partenariats stratégiques afin de transformer certaines de ces contraintes en succès. Pour autant, toute entreprise qui souhaite se lancer dans l’aventure d’une alliance stratégique doit appréhender les critères de réussite de tout partenariat.
1. Intuition et opportunité incontournables ?
Imaginer que l’intuition et l’opportunité suffisent pour mettre en œuvre un partenariat stratégique constitue une grossière erreur. Construire un partenariat stratégique est, au contraire, une opération complexe qui requiert un investissement en temps conséquent afin de choisir le ou les bon(s) partenaire(s) et l’utilisation de méthodologies destinées à traiter l’intégralité du cycle de vie de ce partenariat, à savoir sa conception, son montage, sa gestion et son développement, et aussi l’anticipation des conditions de sortie. L’intuition et l’opportunité sont donc insuffisantes pour un partenariat stratégique durable.
2. Partage, réduction des coûts, est-ce le seul but ?
La richesse d’un partenariat stratégique va bien au-delà d’une réalité limitée au simple partage ou à la réduction des coûts. Elle englobe notamment, pour les entreprises partenaires, la possibilité de développer leur emprise territoriale, d’accéder à de nouvelles technologies et à des savoir-faire non maîtrisés, de mieux structurer un marché en introduisant de nouvelles règles du jeu ou de nouvelles normes, de construire leur marque… Ainsi, la valeur supplémentaire créée à deux ou plus constitue un avantage déterminant sur un marché devenu très concurrentiel et désormais plus facilement accessible à de nouveaux entrants. Le partenariat stratégique ne se limite pas au partage ou à la réduction des coûts, ses objectifs vont donc bien au-delà.
3. Le contrat, la panacée ?
Si le contrat apporte un cadrage juridique nécessaire et affiche clairement les objectifs communs poursuivis, les résultats attendus, les règles de partage des coûts et des recettes, les processus identifiés et précisés, l’organisation et le mode de gouvernance retenus, il n’est cependant pas suffisant pour protéger les entreprises partenaires contre tous les risques que peut engendrer un partenariat stratégique. Les exemples d’échec ne manquent pas pour le prouver. C’est pourquoi la capacité des partenaires à développer de la confiance entre eux et à agir réciproquement de manière intègre, de même que l’implication forte des dirigeants et la mobilisation des équipes et des ressources nécessaires constituent des conditions de succès essentielles. La signature d’un contrat « bien bordé » n’assure donc en rien la réussite d’un partenariat stratégique.
4. L’apport financier, la clef du partenariat
Les apports des partenaires peuvent être multiples. Il peut s’agir d’un apport en nature (mise à disposition de moyens matériels, humains ou techniques, exécution de prestations…), d’un apport technologique (savoir-faire, méthodes, innovation technologique…), d’un apport en conseil (conseil stratégique, connaissances expertes d’un marché…) ou d’un apport financier (apport en argent, subvention…). Tous ont leur importance et, s’il n’existe pas stricto sensu de hiérarchie entre eux, leur poids sera plutôt déterminant selon le type d’activité que les partenaires voudront développer ensemble. L’importance de l’apport financier d’un partenaire ne signifie pas pour autant qu’il détient le contrôle du partenariat stratégique.
5. La maîtrise du partenariat selon la taille ?
Les petites entreprises considèrent souvent que leur taille représente un handicap par rapport à celle de leur(s) partenaire(s) et craignent de ne pas être considérées, de ce fait, comme un partenaire à part entière. Or, cette crainte s’avère surfaite car si un/des partenaire(s) les ont approchées, c’est bien souvent parce qu’elles ont su développer un talent spécifique reconnu par ces derniers. Des organismes tels que l’OSEO, UBIFRANCE ou la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) au Ministère du redressement productif peuvent les aider à vaincre ce manque d’assurance en leur fournissant de bons conseils. L’entreprise dont la taille est la plus importante n’est donc pas nécessairement celle qui aura la maîtrise du partenariat.
6. Mêmes valeurs culturelles, gage de réussite ?
Tout partenariat se construit dans la durée par le partage d’intérêts communs, par des relations confiantes et par une collaboration et une implication fortes de chacun des partenaires afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont initialement fixés. Limiter aux seules valeurs culturelles la réussite d’un partenariat relève donc d’une approche extrêmement restrictive. C’est plutôt la subtile alchimie de toutes ces composantes qui crée les conditions favorables de la réussite d’un partenariat. Le partage par les partenaires des mêmes valeurs culturelles n’est pas le gage de réussite d’un partenariat stratégique.
7. Egalité entre les partenaires ?
Chaque partenaire se caractérise par ses points forts et ses points faibles et c’est d’ailleurs ce qui a conduit au partenariat, chacun compensant les points faibles de l’autre. Il est donc normal qu’à certains moments, un des partenaires prenne le « lead » sur l’autre. Au fil du temps, on doit aboutir cependant à un bon équilibre et à une répartition des rôles et, au final, le résultat obtenu grâce au partenariat doit être plus important que la somme de celui de chaque partenaire individuellement. Le partenariat stratégique n’est donc ni équilibré ni égalitaire.
8. Quels sont donc les bénéfices ?
Il est erroné de penser que l’aspect financier est le seul critère d’évaluation à prendre en compte dans un partenariat stratégique. Les partenaires en tirent généralement de multiples autres bénéfices que ce soit en termes d’amélioration d’image et de notoriété, d’implantation géographique, d’acquisition de savoir-faire…
9. Quelles activités mettre dans le partenariat ?
Avant de s’engager dans un quelconque partenariat, chaque partenaire doit se livrer à un examen approfondi de ses activités afin de déterminer celles qu’il souhaite conserver par devers lui (il s’agit des compétences clés de son entreprise qui sont à l’origine de son succès) et celles qu’il accepte de verser au pot commun pour construire un projet partenarial avec sa propre vision stratégique. A défaut d’avoir pris le temps de réaliser cet examen, il risque fort de mettre en péril l’existence de son entreprise.
10. Les moments essentiels du contrat de partenariat
Le temps de la négociation est certes important en lui-même car il va conduire à la signature d’un contrat de partenariat. Cependant, il convient également de bien prendre en compte la préparation de la « phase amont » pour étudier dans le détail les conditions qui feront que la négociation sera acceptable ou pas et le suivi de la « phase aval » pour repérer l’ensemble des tâches à réaliser, respecter le calendrier de leur mise en œuvre, mesurer les résultats obtenus et identifier tous les risques susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du partenariat stratégique. En conclusion, la maîtrise d’un partenariat stratégique ne se traite pas qu’au moment de la négociation.
Pour toutes ces raisons, la mise en œuvre réussie d’un partenariat stratégique représente un gros investissement en temps et une prise de risque mesurée pour les dirigeants d’entreprise ; elle nécessite aussi un certain état d’esprit pour pouvoir appréhender l’ensemble des aspects qu’il recouvre. Après la signature du contrat, le partenariat conduit ensuite au quotidien à une gestion d’activité collaborative et solidaire plutôt que solitaire dont la richesse en expériences de toutes sortes est telle qu’elle vaut vraiment la peine d’être tentée.
Danielle Gance
Présidente DIGINOVE Consulting