Aster, une entreprise qui veut lutter contre le non-sens managérial

A lire !

Interview de Vincent Mendes, CEO d’Aster, une smart application pour rendre les réunions hybrides plus productives. Poussée par l’essor du travail hybride, la start-up vient de lever 3 M€ pour se développer et recruter. Son fondateur vient de publier le 13 octobre un ouvrage chez DUNOD « Les 7 commandements du manager pour des équipes, efficaces, engagées et alignées…même à distance ».

Comment vous est venue l’idée de créer Aster ?

L’idée qui nous a animés Thomas et Jean-Baptiste, mes deux associés, c’était de mettre fin au non-sens managérial qui peut se trouver en entreprise avec deux leviers : la technologie et le facteur humain. En travaillant avec un certain nombre d’entreprises depuis plusieurs années avec d’autres outils notamment avec Engie, Leroy Merlin, etc., nous nous sommes rendu compte que le non-sens le plus marqué et le plus prégnant et partagé se trouve au niveau de la réunion. Nous nous sommes dit que si nous commencions par transformer la réunion, par lui redonner du sens, de l’efficacité et de la rendre moins chronophage, nous irions dans la bonne voie et serions en mesure de répondre à la principale motivation que nous avions quand nous avons voulu lancer notre entreprise.

Qu’est-ce que fait Aster ?

C’est une solution de prise de notes, complètement dédiée à l’efficacité de la réunion. 90 % des notes que nous prenons sont rattachées à une réunion soit pendant la réunion pour réaliser le compte rendu, soit avant pour la préparer. Pourtant, malgré le fait que l’immense majorité des prises de notes que nous faisons en font partie de manière inhérente, les outils de prise de notes qui existent n’y sont pas du tout rattachés. Nous avons donc créé un outil qui permet de gérer les trois moments de la réunion : la préparation, l’animation et le suivi.

Concrètement, comment cela marche ?

La préparation, elle se fait en partie de manière automatique et en partie de manière collaborative. Quand votre réunion commence, en amont, Aster a été récupérée pour vous les tâches à suivre, les sujets que vous n’aviez pas clôturés la dernière fois, les décisions qui restent à prendre, etc. Et puis Aster a aussi sollicité en amont les participants en leur demandant « Merci, pour la réunion organisée jeudi prochain par Stéphanie de remonter toutes les infos sur tel sujet ». Tout cela permet que lorsque la réunion commence, le manager ait toutes les infos utiles, centralisées, agrégées dans un même document. De ce fait, quand la réunion débute, sa présentation est beaucoup plus efficace et exhaustive, sur des rails et il peut passer à l’animation.

Vous avez toutes les informations sous les yeux, des widgets comme un Time keeper (« gardien du temps » en français, ndlr) par sujet, des filtres par thématique, qui font que la réunion est naturellement beaucoup plus structurée, cadrée et efficace. Parmi les impacts les plus marquants, il y a la SNCF où nous avons divisé par deux la durée des comités de direction hebdomadaires qui duraient cinq heures et qui font aujourd’hui deux heures et demie avec l’utilisation d’Aster. Le dernier point, c’est le suivi car, quand la réunion est terminée, le participant va recevoir automatiquement un compte rendu personnalisé, pour ne lui transmettre que les informatisations utiles. Et puis après celui-ci sert de boucle pour la réunion suivante.

Y-a-t-il d’autres particularités ?

La petite particularité, c’est que nos solutions sont complètement intégrées dans les outils Microsoft, en particulier Teams, grâce au fait que nous avons travaillé pendant près de deux ans un partenariat clé avec Microsoft, à la fois côté produits pour être intégrés de la manière la plus native et naturelle possible dans les outils de la suite Microsoft 365 et à la fois un partenariat business car Microsoft représente un apport d’affaires.

Quelle est l’étape suivante ?

Cela fait un peu cliché quand on crée une boite en France de parler des États-Unis mais l’étape suivante de notre développement, c’est d’y aller en raison du partenariat avec Microsoft. La proximité induite par celui-ci nécessite une présence sur place, avec eux, à Seattle. En parallèle, nous sommes en train de réfléchir à une première implantation par le biais de Microsoft qui nous servirait de tremplin.

Vous avez écrit un livre. Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’écrire ?

Je suis vraiment heureux de sa sortie. En fait, pendant le premier confinement, il s’est passé quelque chose de drôle car nous avons été contactés par de nombreux clients comme Thalès, Société générale ou encore Michelin. Ils demandaient des astuces sur la manière de travailler en mode hybride, que ce soit avec les outils ou sur l’aspect managérial ou encore des mises en relation avec d’autres clients pour du partage d’expériences, etc. A un moment donné, je me suis aperçu que je commençais à avoir beaucoup d’infos sur le sujet et de nombreuses astuces qui avaient ou non fonctionné. Alors, plutôt que de les garder pour moi et d’avoir des notes dispersées, j’ai été convaincu qu’il fallait les structurer dans un livre et faire intervenir plusieurs entreprises de la PME aux grands groupes pour illustrer ce qu’ils ont mis en place sur tel ou tel « commandement ».

Les 7 commandements du manager

Pour des équipes efficaces, engagées et alignées… même à distance

Collection : Hors collection, Dunod

Parution : octobre 2021

Vincent Mendes

Comment sont divisés les commandements ?

Globalement, trois commandements sont très orientés digital et usage des outils digitaux. Beaucoup de collaborateurs se sont retrouvés dans une situation assez déstabilisante d’autant plus qu’au bout d’une heure de réunion, ils ne cernaient pas la décision prise et les tenants et les aboutissants. Permettez-moi de vous transmettre une expérience. Pendant une réunion, il y avait eu 15 emails qui sont partis, une notification teams, et je n’avais pas eu le temps de me déconnecter et je me rends compte que je passe mon temps à juste répondre aux stimuli digitaux (mails, aux téléphones, aux réunions, etc.) sans jamais avoir le temps de produire quelque chose. Finalement le temps de production d’une équipe a été phagocyté par le temps l’utilisation des outils.
Trois autres commandements sont davantage sur le managérial. L’axe essentiel mais qui s’est retrouvé complètement anéanti avec le travail hybride c’est la responsabilité et l’autonomie des équipes. L’autonomie et la responsabilisation des équipes a fait l’objet de nombreux coachings par des cabinets qui travaillent avec les entreprises pour la développer et là, nous nous sommes retrouvés avec des managers qui ont perdu de vue au sens propre les relations humaines et qui se sont mis à faire du « sur-tracking », de la surveillance via les outils. Cela est venu anéantir certains principes essentiels.

Et le dernier ?

Le dernier est plutôt transverse car il est davantage orienté sur la responsabilité de l’entreprise. C’est un sujet qui me tient à cœur personnellement et qui peut se résumer très simplement : il est temps pour l’entreprise d’assumer sa responsabilité sociétale environnementale pour répondre à des enjeux qui sont aujourd’hui, très saillants. Et le manager a un rôle à jouer. Par exemple, dans la crise de la COVID, dont on ne connaît pas forcément bien les origines, il y a eu plusieurs hypothèses qui tournent autour de l’impact de la biodiversité avec des espèces qui ne doivent a priori pas communiquer, qui finissent par se mordre et se transmettent une maladie.

L’impact sur l’économie se retrouve être un impact immédiat et sans contrôle. L’environnement doit donc être un enjeu majeur de l’entreprise et du manager. Il existe de nombreux leviers pour qu’à l’échelle du manager, l’entreprise puisse reprendre un peu sa responsabilité Pour ne donner qu’un exemple, il y en a une quinzaine dans le livre sur le sujet, comme celui du choix des fournisseurs. Dès qu’il y a de la distance sur les chaînes qui font de la production jusqu’à la distribution et dès qu’il y a le moindre problème, que ce soit celui-ci ou les gilets jaunes, le premier impact se situera au niveau des transports.

C’est le premier élément qui s’arrête dès qu’il y a une crise, quelle qu’elle soit. Si nous mettons de la distance parce que nous fabriquons en Chine ou dans une autre partie de l’Europe ou aux États-Unis, c’est toute l’entreprise qui se retrouve fragilisée. Le constat est assez simple car répondre aux enjeux environnementaux, sociétaux, aujourd’hui, est un levier de performance économique immédiat de l’entreprise et celle-ci doit assumer cette responsabilité. C’est quelque chose de plus transverse mais sur lequel le manager, ne serait-ce qu’à son niveau, a déjà des actions à mettre en place et le but c’est de donner des pistes assez concrètes autour des notions par exemple d’anti-fragilité.

Qu’est-ce que l’anti-fragilité pour vous ?

En l’occurrence, c’est un concept qui a été créé par un américain, il y a peut-être 20 ans. Il s’agit de définir l’opposé de la fragilité. En gros, c’est de dire que si l’entreprise prend des coups, non seulement elle ne s’effondre pas mais elle se renforce. Qu’est-ce qu’on peut mettre en place dans les choix stratégiques d’entreprise pour qu’un événement inconnu, que nous ne pouvons pas prévoir, ne détruise finalement pas l’entreprise ? Il y a des actions très évidentes à mener comme par exemple opter pour une croissance beaucoup plus lente et maîtrisée ou sur le fait d’investir essentiellement sur la rétention de ses collaborateurs.
J’ai un exemple explicite d’une entreprise qui s’appelle Spectrum au Canada, qui est une boite de développement logiciel et qui n’acceptait que les projets qui l’intéressait. Beaucoup de gens voulaient travailler avec eux mais il refusait parce que le sujet ne les intéressait pas ou pour d’autres raisons. Finalement, le fait de choisir leur a permis de maîtriser d’où venait le chiffre d’affaires de l’entreprise, ce qui a évité par exemple qu’il se retrouve avec un seul client qui représente 80 pour cent du chiffre d’affaires. Le fait que du jour au lendemain ce client puisse partir rend l’entreprise fragile.

Ensuite, si les collaborateurs travaillent sur des projets qui les intéressent beaucoup, qui leur plaisent, ils restent dans l’entreprise. Finalement c’est devenu presque une chance d’arriver à travailler avec cette société qui a même des listes d’attente. Le carnet de commandes imposait des délais excessivement longs et en conséquence même lorsqu’il y a eu la Covid et que certains projets se sont arrêtés parce qu’il n’y avait plus de budget, etc., l’activité de l’entreprise ne s’est pas du tout retrouvée impactée.

Il n’y a eu aucun collaborateur qui a souhaité partir parce qu’ils sont très contents d’y travailler : ils travaillent par exemple quatre jours par semaine et le cinquième, ils peuvent bosser sur des projets personnels dans lesquels la société investit. Ce sont des pratiques managériales qui permettent de solidifier l’entreprise et de la rendre beaucoup plus forte et qui font que quand une crise d’ampleur mondiale arrive, elle n’en ressent que peu les effets.

Quels ont été les principaux vecteurs qui ont influé sur les changements en management ?

Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on ne se pose même plus la question de savoir si nous allons retourner au travail avec une organisation en présentiel. Le mode hybride s’impose comme la nouvelle règle partout et cela se voit aussi bien dans les grands groupes que dans les PME. Il y a de la distance qui s’intègre dans toutes les relations collaboratives qu’il peut y avoir au sein d’une équipe ou entre les équipes et cette distance-là, elle génère des manières de travailler très diverses.

Et c’est la première fois qu’il faut que, à la fois l’IT, au sens responsable des outils digitaux et les RH, au sens responsable de la culture managériale de l’entreprise qu’ils vont devoir travailler ensemble à construire, une espèce de nouveau contrat social qui allie aussi bien l’usage des outils digitaux et la manière dont les managers managent leurs équipes, parce que c’est très différent comme je le disais tout à l’heure.

Quand on manage à distance, les vieux démons peuvent remonter et on peut se mettre à traquer les activités des personnes. On peut arriver à des situations qui détruisent les rapports en étant, par exemple, convaincu qu’un des salariés ne travaille pas le mercredi et s’occupe de ses enfants. On va alors l’appeler ou passer des coups de fil pour voir comment ça avance. L’erreur est là car c’est vraiment des retours en arrière sur l’évolution de la culture managériale. Il y a eu énormément de pas en arrière à ce niveau et des burn-out liés à un overtracking des managers.

Y-a-t-il d’autres vecteurs de difficultés ?

Il en est de même sur la partie outil où il devient extrêmement difficile de gérer la circulation de l’information et de la diffuser efficacement. Le fait de répondre aux stimuli digitaux, les mails, les WhatsApp et même des WhatsApp professionnels avec des groupes pro, à mes teams que ce soit par écrit ou en réunion. Nous nous rendons compte que la part de temps pris par les outils digitaux vient phagocyter le temps de cerveau disponible pour réfléchir sur les projets et les travailler. De la même manière, il y a énormément de discussions et de reportages sur l’impact des réseaux sociaux.
Il faut dire que souvent, Il y a toujours une latence, un petit retard dans vie professionnelle par rapport à la vie personnelle. Aujourd’hui une personne peut très bien commencer sa journée et la finir en ayant simplement répondu à des mails et des réunions auxquelles elle n’a pas participé et répondu à des notifications. Cela va générer de l’inefficacité au niveau de l’équipe car les tâches avancent moins vite. De plus, il est très difficile de rester aligné quand on n’est pas dans la même pièce et qu’on ne travaille pas sur le même sujet. Une information peut avoir été perçue différemment, interprétée différemment d’une personne à l’autre et qu’en conséquence, elle va travailler et s’en rendre compte des semaines après. Par ailleurs, il y a un impact sur le jeu psychologique de la personne elle-même.

On s’est mis beaucoup à parler des zoom burn-out ou encore de la e-réunionite. La distance va exacerber les facteurs d’inefficacité de la réunion. Déjà en présentiel, quand deux personnes parlent en même temps c’est difficile alors quand on est à distance, on ne comprend plus rien. Aller chercher de la participation aussi est devenu plus difficile car il suffit de se mettre en mode « silence » ou encore de couper la caméra pour faire complètement autre chose.

On s’est ainsi aperçu qu’il y a eu un développement du multitasking avec des personnes qui vont répondre à des emails, un sms perso en même temps qu’ils suivent la réunion. Il y a eu une vraie rupture dans la manière dont les équipes doivent collaborer pour conserver l’efficacité, l’engagement et l’alignement malgré la distance. Ce sont les trois piliers. Ce sont les trois éléments qui sont fortement impactés par la distance et un phénomène très répandu depuis deux ans et qui devrait devenir pérenne.

Est-ce qu’il y a un point que je n’ai pas abordé au niveau du management et dont vous souhaiteriez parler ?

Je pense qu’il est indispensable d’en finir avec le non-sens managérial qui empêche l’entreprise à la fois d’être efficace, de prendre sa responsabilité face aux défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui et qui concernent les sept points que je détaille sur les commandements. On s’attaque au sujet qui est le plus visible. Si on résout ce problème, on résout un problème du quotidien qui est déjà trop opérationnel. Cela va au-delà de la réunion et il faut vraiment que les directions générales et les DRH travaillent ensemble sur le contrat social de l’entreprise. 

« Il est indispensable d’en finir avec le non-sens managérial qui empêche l’entreprise à la fois d’être efficace, de prendre sa responsabilité face aux défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui. »

Vincent Mendes, CEO d’Aster

Plus d'articles

Derniers articles