Le tutoiement, une bonne pratique ?

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L’interrogation concernant les implications du tutoiement semblait incongrue il y a peu, tant l’évidence du vouvoiement s’imposait. Il y avait des codes et personne ne les remettait en cause. Aujourd’hui, la question se pose de plus en plus notamment dans le monde de la start-up, un univers professionnel où le vouvoiement recule. Cependant, le tutoiement est-il approprié dans tous les cas de figure ? Alors quel choix adopter ?

Une grande partie des français ont étudié la langue anglaise en première langue et donc au moins jusqu’à l’âge de 16 ans. Langue qui ne fait pas de différence entre le tu et le vous. De plus les jeunes ont été conduits à faire des stages dans des pays anglo-saxons et ont donc adopté de nouvelles habitudes.

« Les différences de niveau hiérarchique, d’âge, de sexe constituent les trois barrières implicites au tutoiement. Parfois, elles s’ajoutent les unes aux autres excluant le tutoiement. Elles sont, en fait, issues d’habitudes sociales et culturelles : le patron ou le contremaître tutoyait facilement, appelait par leur prénom sa secrétaire, ses employés ou ses ouvriers qui, en revanche, les vouvoyaient et leur donnaient du « Monsieur » en retour. En primaire, dans la plupart des écoles, les enfants tutoient leur maître/maîtresse ; en secondaire, les élèves vouvoient leurs professeurs et ceux-ci, selon les consignes du chef d’établissement, les tutoient ou les vouvoient… tout est affaire de choix, d’habitude et de classe sociale. » « Être entrepreneur aujourd’hui ». Editions Eyrolles

Le tutoiement, la solution de proximité ?

Aujourd’hui, les entreprises cherchent à créer une certaine proximité entre les salariés et avec le dirigeant. Ce changement qui s’effectue est en grande partie lié à la conception du travail qui a changé notamment pour les générations X et Y et à la nécessité d’une plus grande créativité. Le tutoiement permet d’établir une ambiance de travail moins formelle et plus décontractée. Les échanges d’idées fusent davantage et le résultat est souvent satisfaisant. Il permet également de faire tomber la frontière des différentes générations. S’il est devenu un mode d’adresse naturel entre les salariés, le tutoiement du patron est moins étendu. Or, celui-ci démocratise la distance hiérarchique et développe une relation humaine et non plus seulement professionnelle.

Il favorise l’esprit d’équipe : il crée un sentiment d’appartenance à une même communauté et fédère le groupe en offrant à chacun la même chance d’y trouver sa place. La proximité qu’il implique permet de tisser des liens qui vont au-delà du rapport purement professionnel, donnant parfois lieu à des partages d’activités en dehors du travail.

Aujourd’hui, celui-ci donne une image dynamique des entreprises et renforce la cohésion de l’équipe. « Chez Companeo, nous avons rendu le tutoiement obligatoire, depuis la création de l’entreprise, en 2000. L’objectif reste d’éviter le questionnement et l’embarras relationnel sur ce sujet très quotidien. Bien sûr, les équipes internationales et l’usage du « you » amènent aussi à prendre position sur ce sujet. Finalement, le tutoiement se résume en trois points clés : proximité, simplicité, international ! », témoigne Laurent Horwitz, cofondateur de Companeo.

Le tutoiement, l’autorité en péril ?

Paradoxalement, la familiarité sous-entendue par le tutoiement complique parfois les relations. Il implique un rapprochement psychologique qui peut être interprété comme manipulatoire en donnant l’illusion d’une amitié forcée.

Tutoyer son supérieur fait parfois oublier sa position de chef et met en péril son autorité. Il convient donc de rappeler subtilement cette position quand la situation l’impose. Le retour au vouvoiement provoque alors un choc mais peut s’avérer nécessaire notamment lorsque l’entrepreneur doit faire une remarque désobligeante (mais justifiée) et qu’un salarié n’arrive pas à distinguer sympathie et travail (l’inverse est aussi vrai).

Le tutoiement ne marque aucune distanciation, peut nuire au respect mutuel et peut rapidement déraper même entre salariés. Il peut également freiner les demandes d’augmentation de salaire ou de conditions de travail plus agréables.

Il est préférable d’éviter l’aller-retour du « Tu » au « Vous ». Après un conflit, le vouvoiement risque de revenir pour marquer une distance et le tutoiement qui précédait devient faussé, engendrant un plus grand malaise. La substitution du « vous » au « tu » souligne également la faiblesse de la nature relationnelle. Mieux vaut prendre son temps avant de tutoyer : le « tu » est un chemin de non-retour.

En réalité, le tutoiement doit être volontaire.

Il doit vous convenir d’un côté comme de l’autre. Tutoyer et être tutoyé, là est la question… Il ne faut pas hésiter à exprimer sa difficulté à tutoyer et conserver ce qui est naturel. Ce blocage sur le « tu » pourra évoluer avec le temps. Toutefois, il est tout à fait possible de vouvoyer quelqu’un tout en l’appelant par son prénom.

Par habitude sociale, c’est le supérieur hiérarchique qui propose le tutoiement dans la mesure où c’est lui qui détient le pouvoir de donner telle ou telle image de son entreprise et puisque c’est lui qui est responsable de l’image de son entreprise ainsi que de l’implication de son équipe.
Se faire tutoyer en tant que patron ne doit en aucun cas niveler les différences hiérarchiques qui doivent demeurer pour le bien de l’entreprise (sauf si vous êtes adepte de l’entreprise sans hiérarchie).

Et vous, avez-vous une préférence pour le tutoiement ou pour le vouvoiement ? Ne réfléchissez pas trop à votre choix : la bonne attitude est celle qui convient aux deux parties. Le tutoiement ne se décrète pas : on le propose ou on l’autorise mais il ne doit pas être contraint.

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