Les business models innovants

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L’innovation de modèle économique est un levier de création de valeur majeur. Autre réalité : ce sont les outsiders qui s’en sont servis pour renverser les hiérarchies concurrentielles. Autant dire que c’est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs. Mais attention, aucune innovation des business models sans subversion !

PWC CEO pulse évoque 5 questions essentielles susceptibles d’influer sur l’évolution les business models :

  • Comment répondre à des clients plus exigeants, plus volatiles, mieux informés et moins fidèles à une marque. (Internet a bouleversé toutes les habitudes)
  • Comment faire face au nombre croissant de jeunes entreprises, plus efficaces et plus agiles qui viennent disrupter chaque pan de l’économie (le développement des start-ups a dépoussiéré les systèmes hiérarchiques, facteurs d’immobilisme)
  • Comment saisir les opportunités qu’offrent la multiplication des canaux, les objets connectés, l’intelligence artificielle, le big data et l’économie de partage. (La nécessité d’appréhender un mode de communication nouveau)
  • Comment adapter les process et les méthodes de production en intégrant les nouvelles technologies pour accélérer le développement de produits et services. (L’adaptation à toute évolution devenue est un facteur de survie)
  • Comment s’adapter aux nouvelles réglementations, plus strictes, auxquelles sont soumises de nombreux secteurs (finance, énergie, transport…) (Les frontières sont perméables et les réglementations deviennent de vrais casse-têtes)

Dell, Zara, et Easyjet font figure de références en termes de création de valeur et de croissance ces dernières années. Ces entreprises de taille, de secteur et d’origine géographique différents ont en commun d’avoir conçu et déployé une innovation radicale dans leur secteur. Cette innovation n’a pas concerné le produit lui-même, elle ne réside pas non plus sur une avancée technologique de rupture. Ces entreprises ont été innovantes dans la façon de construire et capturer de la valeur, elles ont réalisé chacune une innovation de modèle économique.

Un nouveau continent d’innovation qui dépasse la technologie

Comme ces quelques exemples le montrent, l’innovation de modèle économique n’est pas née avec l’économie numérique et la digitalisation, elle n’est même pas forcément liée à une innovation technologique. L’innovation de modèle économique peut s’appliquer aux produits comme aux services, quel que soit le niveau de technologie, quelle que soit la taille de l’organisation. Ainsi, le modèle Freemium qui propose de passer du gratuit au payant à forte valeur ajoutée.

Cette stratégie freemium consiste à faire adhérer un maximum de personnes à un service gratuit pour les conduire ensuite vers un service payant plus complet, avec des fonctionnalités à forte valeur ajoutée. De très nombreux logiciels ou plateformes digitales fonctionnent ainsi : Facebook, Dropbox, Hootsuite, Hubspot, LinkedIn, Skype, Prestashop, etc. De même, le modèle de l’abonnement qui propose de payer pour l’accès. Ce n’est plus le produit qui a de la valeur mais son utilisation. On paie à l’utilisation réelle d’un produit toujours à jour.

Un business model c’est bien plus large qu’un modèle de revenu

On limite souvent le modèle économique au modèle de revenu : freemium, abonnement, paiement à l’achat, gratuit, et donc l’innovation de modèle économique à une nouvelle façon de mettre un prix sur un produit ou un service. Le modèle économique c’est certes un modèle de revenu mais c’est surtout une bonne synchronisation entre ce modèle de revenu, la proposition de valeur offert aux clients d’une part et l’organisation mise en place pour y parvenir d’autre part. L’innovation réalisée par Dell, Zara ou Easyjet a bien plus concerné la proposition de valeur (choisir votre configuration, changer plus souvent de vêtement, voyager peu cher) et l’organisation (localiser la production près des zones de consommation, augmenter le nombre de rotations quotidiennes d’un avion, fabrique à la demande) que la façon de formuler leur prix.

En quoi c’est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs ?

Cela signifie que l’innovation (et donc la création de valeur) ne se limite pas aux grandes entreprises ou aux startups technologiques. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur secteur, peuvent mener des innovations qui vont créer de la valeur pour peu qu’elles s’interrogent sur la bonne adéquation entre la proposition de valeur, le modèle de revenu et l’organisation. L’entreprise L’atelier des chefs est un très bon exemple d’innovation de modèle économique dans une industrie mature. Quelles sont les deux charges importantes d’un restaurant en ville ? Le pas de porte et les salaires. La réponse de L’atelier des chefs est de se mettre dans les arrière-cours et faire travailler les clients. Superbe innovation de modèle économique dans la restauration : une nouvelle proposition de valeur soutenue par une organisation innovante où ce sont les clients qui créent une partie de la valeur.

Comment y arriver ?

La bonne nouvelle, c’est que l’innovation en termes de business models est accessible à tous ! Cependant, ne nous trompons pas, mener une innovation de modèle économique est une tâche ardue qui requiert des efforts importants et une posture subversive. Aller contre les règles : pas d’innovation de modèle économique sans la contestation des règles admises dans une industrie (les voyages en avion sont un signe extérieur de richesse, les pays à bas coût sont les seuls endroits pertinents pour produire des biens en série, il faut admettre les coûts fixes du magasin).
Expérimenter : les plans et les anticipations sont peu probants pour tester l’appétence des clients ou la capacité à délivrer le service. Il faut faire à petite échelle de nombreux tests pour trouver la bonne adéquation proposition de valeur – revenu – organisation. Tolérer l’échec : quand on expérimente, on cherche à apprendre, pas à réussir et pour apprendre, il faut se tromper. Avoir une vision transversale : pour trouver la bonne adéquation proposition de valeur – revenu – organisation, il faut simultanément penser offre, organisation, prix, partenariats, achats.

Focus sur l’exemple de DELL

Dell a construit son succès en établissant un modèle en rupture avec le modèle dominant de l’industrie du matériel informatique. Trois points sont particulièrement intéressants dans ce modèle :

  • Une nouvelle proposition de valeur : alors que l’industrie des ordinateurs est structurée autour d’une offre standardisée, Dell propose à ses clients de définir eux-mêmes la configuration qu’ils souhaitent, lorsqu’ils achètent le produit.
  • Le changement de la séquence : alors que la règle de l’industrie est de vendre une fois qu’on a produit en masse, Dell vend d’abord et assemble ensuite. Cette évolution a de nombreux avantages. En termes de cash, amélioration du BFR (Dell encaisse avant de mobiliser les ressources d’assemblage), en termes de chiffre d’affaires, augmentation des ventes par une meilleure satisfaction des attentes, en termes de coûts, réduction des invendus.
  • La distribution en direct : la distribution est faite en direct via le site Internet qui est pour la première fois utilisée comme un canal de vente spécifique, les distributeurs classiques sont hors du jeu. Cette distribution directe permet à Dell de capter une valeur supplémentaire à celle de ses concurrents.

Ces trois points fonctionnent en interaction : la proposition de valeur n’est pas concevable sans une distribution directe et sans une séquence opérationnelle différente des règles de l’industrie. Pour tenir la promesse et notamment celle de délais de livraison courts, Dell a mis en place un outil industriel radicalement différent de ses concurrents : une distribution internalisée, des usines d’assemblages localisées près des points de consommation (alors que les usines étaient toutes localisées en Asie pour bénéficier des bas coûts de main d’œuvre) et des usines particulièrement performantes pour tenir des coûts compatibles avec la concurrence.

Article par Louis David-Benyayer

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