La solitude du chef d’entreprise

A lire !

Quand j’ai créé mon entreprise, j’ai tout de suite entendu parler de la solitude du chef d’entreprise. J’avoue n’avoir pas saisi cette notion immédiatement. Au contraire, je me sentais entouré de très nombreuses personnes et en rencontrais quasi-quotidiennement de nouvelles. Il faut dire qu’entre les clients, fournisseurs, amis, membres de ma famille, salariés, associés… Difficile de se sentir seul à mes débuts. Je ne me suis penché sur le sujet que bien plus tard lorsque j’ai ressenti un sentiment de manque.

Les débuts de la « solitude »

La première fois que j’ai éprouvé cette émotion fut lors d’une de mes discussions anodines avec l’un de mes amis. J’évoquais le paiement des taxes qui, selon moi, s’avéraient relativement lourdes pour une petite entreprise et affectaient notre fragile trésorerie. Fidèle appui, il tentait tant bien que mal de me soutenir, en ayant entendu parler d’un « problème », sans réellement le comprendre. Une tierce personne intervenait dans notre conversation de café : « Si les entreprises payent beaucoup de taxes, c’est qu’elles gagnent beaucoup d’argent ». Un peu ironique quand on sait qu’à cette période l’entreprise n’en gagnait pas assez, que je ne me payais pas pour garder le peu de trésorerie dont nous disposions et que je devais trouver des solutions pour ne pas mettre la clé sous la porte quelques mois plus tard.

Les évènements qui se multiplient

Si ce type d’incompréhension, lié à l’absence de connaissances sur l’entrepreneuriat, s’est multiplié avec le temps, j’ai vite compris que la solitude du chef d’entreprise ne se résumait pas aux connaissances métiers ou encore à la fiscalité des entreprises. D’abord et peut-être le plus dur, je rencontrais de nombreux entrepreneurs qui me confiaient ne pas être soutenus par leur famille ou leur conjoint. Ces derniers s’opposaient parfois radicalement à leur décision de monter une entreprise. J’avoue avoir toujours été très admiratif car j’ai encore du mal à comprendre comment on peut résister dans ce cas : une centaine d’heures de travail hebdomadaire, stress du résultat, diminution des revenus… et pression des proches ?

Le soutien des proches FACTEUR essentiel

C’est lors de notre levée de fonds que j’ai réalisé l’apport essentiel des proches dans l’aventure entrepreneuriale. Nous étions alors soumis à une très forte pression sur objectif. Les ventes augmentaient mais nous devions trouver de l’argent en attendant que le magazine parvienne à un équilibre financier qui était « presque » atteint. Je ne me payais plus, mes comptes personnels étaient vides, ceux de l’entreprise aussi et je recevais régulièrement des appels de ma banquière (qui m’a tout de même bien aidé à l’époque en étant très patiente et arrangeante).

Si ma famille me soutenait, ma conjointe de l’époque ne comprenait guère la situation alors que le stress atteignait son paroxysme. Le couple ne s’en est d’ailleurs jamais remis. Mon frère et associé se posait aussi des questions quant à la viabilité de l’aventure, ce qui n’était pas évident. La levée de fonds s’est réalisée et l’entreprise depuis a parcouru bien du chemin.

Une solitude liée à la fonction

Au fur et à mesure que nous avons développé la société, je me suis aperçu que la solitude émanait aussi de la fonction même de dirigeant. Il ne s’agit pas de dire tout ce qui vous passe par la tête à n’importe qui. Déjà car vous ne devez pas stresser vos collaborateurs qui se donnent à fond pour l’entreprise et qui vous aident à la développer. Il s’agit la plupart du temps, par exemple, de trouver un juste équilibre entre prévention du risque et panique à bord. Difficile également de se confier ou de prendre l’avis sur l’attitude à adopter envers un salarié quand vous parlez à un autre salarié…

Et il faut bien se l’avouer, vous pouvez être aussi ouvert que vous le voulez, vous restez le « chef d’entreprise » pour votre collaborateur et on ne l’en blâmera pas. Au final, que ce soit clients, fournisseurs, salariés voire même vos associés, on ne peut pas discuter de tout avec tout le monde.

Un besoin de prendre du recul

Autre expression que vous entendez souvent : « sortir la tête du guidon » ou encore « prendre de la hauteur ». Le chef d’entreprise passe énormément de temps, surtout dans les premières années, à exécuter des tâches opérationnelles variées et à résoudre des problèmes. Il s’avère souvent difficile de prendre le temps de prendre du recul sur la manière dont fonctionne l’entreprise ou encore sur les développements potentiels. Les associés peuvent constituer un remède, à condition d’être eux-mêmes disponibles et qu’ils ne soient pas englués dans leurs priorités. Prendre du temps en même temps qu’eux peut s’avérer compliqué. L’envie peut également ne pas être présente : vous les fréquentez beaucoup, parfois plus que votre famille ou votre conjoint.

Des solutions pour résoudre l’isolement

Si l’isolement est une réalité, il demeure loin de représenter une fatalité. Il peut d’abord être rompu en partageant avec d’autres chefs d’entreprise. Au final, ce métier d’entrepreneur reste le même quel que soit votre secteur. Les pratiques et les méthodes varient mais les problématiques sont pour la plupart commune : management, commercial, gestion, communication, financement, production, … Il demeure clairement rafraîchissant de rencontrer vos pairs qui vous comprennent immédiatement, qui ont souvent connu les mêmes difficultés que vous et sont prêts à vous soutenir. Ceci explique en partie, je pense, le succès des clubs d’entrepreneurs et, en prenant du recul, en partie la raison pour laquelle nous avons décidé de créer le Club Dynamique, celle de retrouver de l’humain, baseline du club. Brisez votre isolement rapporte bien plus que du business… 

Pour atteindre le succès, il faut acquérir de l’expérience. Pour gagner de l’expérience il faut affronter des obstacles et les surmonter, et parfois les contourner. Dans ces périodes difficiles, il est vital de briser l’isolement dans lequel on s’enferme sans s’en rendre compte. Un réseau tel qu’un club d’entrepreneurs permet de dépasser le côté sombre de l’échec en partageant avec d’autres entrepreneurs leurs expériences et en s’enrichissant grâce au dialogue. Comme le dirait Idriss Aberkane, « imaginez une économie où 1+1=3 ». C’est le résultat de l’économie de la connaissance. Le dialogue et les échanges sont une richesse inépuisable. Échanger des bonnes pratiques, partager ses intuitions, livrer ses doutes et son stress à ses pairs permet de développer une communication humaniste. Peu importe notre taille, notre secteur, nos objectifs, nous parlons la même langue, celle de l’entrepreneuriat. Rejoindre notre Club, c’est apprendre des autres pour grandir et ainsi porter son entreprise au sommet, plus loin qu’on ne l’aurait fait seul.

Nayir CHAMI, Directeur du Club Dynamique

Plus d'articles

Derniers articles