Réforme du Code du travail : qu’est-ce qui change pour les entreprises ?

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Signées, officiellement, par Emmanuel Macron le 22 septembre dernier, les ordonnances réformant le Code du travail concernent près de 80 % des entreprises en France. Temps de travail, négociations, licenciements, indemnités prud’homales,… Autant de thématiques abordées au sein des 36 nouvelles mesures que renferme le texte de loi. Enquête.

Après plusieurs semaines de concertation avec les syndicats, la réforme du Code du travail a été présentée, officiellement, par le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Adopté en Conseil des ministres, ce texte de 160 pages se place comme l’une des pierres angulaires des grandes réformes du quinquennat. Bien que ces ordonnances s’adressent, exclusivement, aux salariés du secteur privé (ceux du secteur public ou les fonctionnaires, qui bénéficient d’un statut particulier, étant exclus, ndlr), elles concernent près de 80 % des entreprises en France. Le droit du travail étant, souvent, perçu comme « un frein à l’embauche », selon Édouard Philippe, la réforme devrait permettre de « rattraper les années perdues », ajoute le Premier ministre. Découvrons sans plus attendre les grandes lignes des changements induits par la réforme qui impactent, directement, les entreprises.

Qu’implique la procédure par ordonnances pour la réforme ?

Pratique courante de la Vème République, la procédure par ordonnances vise à accélérer le rythme des décisions parlementaires. « Notre réforme change l’état d’esprit du Code du travail », lance Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. Au total, 36 nouvelles mesures, pour la plupart, d’application directe, ont été dévoilées. Si certaines d’entre elles entrent en vigueur dès aujourd’hui, d’autres nécessitent, préalablement, un certain nombre de décrets. Il faut en effet distinguer les mesures non soumises à la publication d’un décret et qui entreront en vigueur au lendemain de leur parution au Journal Officiel, et celles dont les ordonnances prévoient une date d’entrée précise, ultérieure. Notez que, tant qu’une loi de ratification n’est pas adoptée par le Parlement, le texte de la réforme conserve une valeur réglementaire. Autrement dit, les décisions engagées par ce dernier restent attaquables devant le Tribunal administratif. Pour sécuriser ce texte de loi, le gouvernement prévoit de faire ratifier les ordonnances dans la semaine du 20 novembre prochain à l’Assemblée nationale. Une vingtaine de décrets devrait, d’ailleurs, voir le jour d’ici la fin de l’année et « toutes les réformes contenues dans ces ordonnances » seront, d’après Emmanuel Macron, applicables, au plus tard, le 1er janvier 2018.

Le barème des indemnités prud’homales

Au programme des réformes annoncées par le gouvernement, le fameux barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, que le juge compétent devra obligatoirement suivre, s’articule autour d’un plancher et d’un plafond, dont la progressivité varie en fonction de l’ancienneté du salarié. Les dommages-intérêts que vous pourriez être amené à verser sont, désormais, plafonnés à vingt mois de salaire brut pour trente ans d’ancienneté. Le plancher s’élève, quant à lui, à trois mois de salaire à partir de deux ans d’ancienneté et d’un mois pour ceux affichant un an d’ancienneté. Si vous dirigez une TPE (entreprise de moins de onze salariés, ndlr), le plancher est, néanmoins, fixé à quinze jours à partir d’un an d’ancienneté et à deux mois et demi à compter de neuf ans d’ancienneté. Notez bien que les juges prud’homaux ne sont pas tenus de suivre ce barème si vous êtes condamné pour harcèlement ou discrimination. Dans ce cas précis, l’indemnité à verser s’élèvera, au minimum, à six mois de salaire. Toujours sur la thématique des licenciements, la procédure à respecter par l’entreprise se voit, elle, allégée grâce à un formulaire standardisé de type Cerfa. Pour les multinationales qui licencient en France pour motif économique, leurs difficultés économiques seront d’ailleurs appréciées au niveau national et non plus mondial.

La fin du monopole syndical dans les négociations

Peu importe le nombre de salariés, en tant que dirigeant, vous pourrez, désormais, négocier certaines primes comme celles d’ancienneté ou le fameux « treizième mois », qui relèvent, actuellement, du domaine de la branche professionnelle. Plus concrètement, il vous sera possible, par exemple, si un accord majoritaire l’autorise, de fixer les montants des primes d’ancienneté de sorte à ce qu’ils soient inférieurs à ceux des accords de branche. Finie la barrière du « mandatement syndical ». Pour ceux dont les effectifs se situent entre 11 et 49 salariés, les négociations pourront se faire en l’absence de délégués syndicaux, avec un élu non mandaté par un syndicat. Pour les TPE (Très Petites Entreprises, ndlr), il leur sera également possible de discuter de tout ce qui ne relève pas de la branche avec leurs salariés (temps de travail, organisation du travail, rémunérations…), sans que cela nécessite la participation d’un délégué syndical. Un projet d’accord pourra alors être ratifié par vos salariés sur simple consultation. Pour être validé, ce dernier devra être soumis à référendum, avec comme condition, l’approbation des deux tiers du personnel. Bien que la présence des syndicats reste rare dans les TPE, la possibilité de conclure, formellement, des accords sans l’aval des syndicats est une première dans l’histoire du dialogue social.

Les Instances Représentatives du Personnel, fusionnées

Pour poursuivre dans la thématique syndicale, abordons un autre point important pour les entreprises : la réforme du Code du travail acte la fusion des Instances Représentatives du Personnel (IRP). En d’autres termes, Comité d’Entreprise (CE), Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) et délégués du personnel (qui disparaîtront fin 2019, ndlr) seront réunis en une seule institution : le Comité Social et Économique (CSE), qui regroupe l’ensemble de leurs prérogatives. Une fois encore, le but étant de simplifier le dialogue social mais aussi d’éviter la redondance de réunions. Si les moins de 50 salariés ne sont, de fait, pas concernés par cette refonte (les délégués du personnel seront toutefois amenés à changer de nom, ndlr), les 300 salariés et plus, de leur côté, devront, obligatoirement, conserver une commission d’hygiène et de sécurité. Cette disposition concerne également les entreprises de 50 salariés et plus aux activités sensibles telles que celles nucléaires. Globalement, cette fusion des instances prendra forme au fur et à mesure des élections et devra être actée d’ici le 1er janvier 2020 (des décrets fixeront le budget ainsi que les heures de délégation du CES). Par le biais d’un accord d’entreprise, il sera d’ailleurs possible d’ajouter des compétences de négociation à l’instance unique.

Des ruptures conventionnelles collectives établies

Par définition, une rupture conventionnelle consiste, pour un employeur et un salarié, à se mettre d’accord sur l’ensemble des modalités de fin de contrat. Désormais, avec la réforme, ce sont plusieurs salariés qui pourront partir en même temps, sur la base du volontariat, dans des conditions identiques. On parle alors de rupture conventionnelle collective (en référence aux ruptures conventionnelles individuelles, ndlr). Pour Muriel Pénicaud, cette mesure devrait permettre aux entreprises « de s’adapter rapidement à la hausse ou à la baisse de marchés, par accord majoritaire, en jouant sur l’organisation et le temps de travail ». L’enjeu demeure également, pour le ministère du Travail, de sécuriser, d’un point de vue juridique, les « Plans de Départs Volontaires » (PDV), assimilés jusqu’à lors par la jurisprudence à des plans sociaux et non véritablement reconnus par la loi. Seules conditions à l’ouverture des négociations d’un tel accord : il faut en constater sa nécessité du point de vue du fonctionnement de la firme ou bien que la préservation de l’emploi s’avère en jeu. Notez aussi qu’en cas de rupture conventionnelle collective, vous devrez verser aux salariés des indemnités au moins égales à celles qu’ils auraient perçues pour un licenciement. De quoi « allier compétitivité économique et justice sociale », ajoute la ministre. En plus de créer un régime juridique autonome, il est également question, pour les entreprises, de pouvoir renouveler massivement les compétences puisque, à la différence d’un plan social classique, ces ruptures conventionnelles collectives n’interdisent pas de recruter après les départs de salariés. Pour valider ce type de départs, notez bien que l’autorisation d’un accord d’entreprise majoritaire reste obligatoire et qu’un contrôle sera effectué par l’administration quant au contenu et à la portée de cette rupture conventionnelle collective afin de vérifier qu’il n’y a pas eu de fraude.

La co-organisation des référendums d’entreprise : un premier pas

Si les organisations patronales prônaient le fait que les employeurs puissent, de leur propre initiative, organiser un référendum d’entreprise, il faudra attendre encore un peu pour que chose se fasse. En attendant, la réforme du Code du travail prévoit que ces derniers puissent co-organiser les référendums d’entreprise avec les syndicats minoritaires. Pour l’heure, lorsque des syndicats sont présents dans une entité, un accord se doit d’avoir été signé par une majorité d’entre eux pour être valide. Autrement dit, par des « organisations qui avaient récolté au moins 50 % des votes des salariés lors des dernières élections professionnelles », si l’on en croit le site de La Tribune. Il est également à noter que des syndicats minoritaires ayant au moins obtenu « 30 % des suffrages pouvaient décider d’organiser un référendum sur le projet d’accord » et que, pour qu’il soit validé, il fallait une majorité de salariés déclarés comme y étant favorables. À compter du 1er mai 2018, les accords d’entreprise devront être majoritaires.

Plusieurs accords dérogatoires prévus par la réforme

Sur les questions de la rémunération, du temps de travail mais aussi de la mobilité interne, plusieurs accords pré-réforme étaient, à l’origine, prévus. Tous régis par des règles différentes, ils concernaient notamment les accords « loi Aubry sur le temps de travail », ceux de modulation du temps de travail, ceux de prévention de l’emploi ou encore du maintien de l’emploi (appelés aussi accords de compétitivité, ndlr). Pour revenir à la réforme, leur complexité se place, sans doute, comme l’une des raisons de l’intégration d’ « accords majoritaires simplifiés ». Ayant, eux aussi, pour but de pérenniser le fonctionnement de l’entreprise ou d’assurer la prévention de l’emploi, ces accords vous permettront ainsi d’abaisser la rémunération ou de moduler la durée de travail de vos salariés. Ces derniers ne pourront, toutefois, être conclus sans la présence de syndicats majoritaires et ne seront effectifs que pour une durée maximale de cinq années. Autre élément à prendre en considération : un salarié ne pourra pas, légalement, refuser l’application d’un tel accord au risque de se voir licencié. Auquel cas, on parlera de licenciement « sui generis », c’est-à-dire que la cause réelle et sérieuse de celui-ci ne résidera que dans le seul refus de l’intéressé. Dans ce type de cas, nul besoin, pour l’employeur, de remplir une obligation ou d’apporter un quelconque justificatif. Enfin, alors qu’il n’était qu’autorisé dans les entreprises, le télétravail devient un droit pour tous afin de « s’adapter à un contexte familial particulier », selon la ministre du Travail. Directement applicable, cette nouvelle mesure implique qu’en tant qu’employeur, si vous ne souhaitez pas que vos salariés travaillent à distance, vous devrez expliquer les raisons de ce refus.

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