L’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire : quel bilan dans les autres pays européens ?

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Le projet de loi pour réformer la SNCF présenté en conseil des ministres en mars dernier a été définitivement adopté après un vote définitif au Sénat, le 14 juin. Depuis trois mois, les syndicats de l’entreprise ferroviaire publique de l’Hexagone ont mis en place une grève pour refuser cette réforme, notamment par rapport à la question de la fin du statut de cheminots et de l’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire français. À partir de 2021, des sociétés privées et étrangères pourront en effet circuler sur le territoire et exploiter les lignes nationales, mais aussi régionales. Objectif : se plier aux directives européennes et mettre fin au monopole de la SNCF. Plusieurs pays d’Europe se sont lancés dans l’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire depuis une vingtaine d’années. Mais aujourd’hui, est-ce un échec ou un succès ?

La libéralisation du rail français séduit les Français. 68 % de nos compatriotes voient d’un bon œil l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire, d’après un sondage Opinion Way pour Trainline (agence de voyages française, spécialisée dans la vente en ligne de billets de train et de bus, ndlr). Pour 41 % d’entre eux, leur satisfaction à l’égard des voyages en train s’est particulièrement détériorée tandis que pour 46 %, elle est restée la même. Certains pays européens se sont lancés dans une réforme de leur réseau ferré, avec plus ou moins de succès et avec des conséquences sur le prix et la fréquentation. La grève qui sévit depuis plusieurs mois nous oblige à nous interroger sur la réalité des faits.

Le succès de la libéralisation du rail allemand et italien

L’ouverture à la concurrence aurait l’avantage de provoquer une baisse du prix, une amélioration du service et une augmentation de la fréquentation. Face à des infrastructures dépassées et une dette avoisinant 35 milliards d’euros, le rail allemand est libéralisé en 1994. L’État fédéral lance alors la Deutsche Bahn, une firme anonyme dont le capital est détenu à 100 % par celui-ci. Il donne aux Länder (seize états fédérés, ndlr) l’organisation du réseau régional. Aujourd’hui, les 450 sociétés privées disposent de 30 % du réseau régional et la Deutsche Bahn a toujours le monopole sur les lignes longue distance. Avec la libéralisation, la fréquentation des trains a augmenté, à 29 % sur la période 1994-2015, selon l’Arafer (autorité publique indépendante qui veille au bon fonctionnement du marché ferroviaire en France, ndlr). Le volume des passagers est passé de 30,3 à 53,51 milliards de passagers en vingt ans. Les usagers dénoncent néanmoins des retards et une augmentation des prix. Du côté de l’Italie, c’est à partir de 2012 que l’ouverture du rail à la concurrence s’est effectuée  avec la création de deux compagnies, l’une publique, Trenitalia et l’autre privée, Italo-NTV (Nuovo Trasporto Viaggiatori, ndlr). Avec l’arrivée de la société privée, les billets de train ont baissé de plus de 40 %. 12,8 millions de voyageurs ont utilisé Italo-NTV en 2017, pour un bénéfice de 155 millions d’euros.

Une ouverture à la concurrence contestée au Royaume-Uni

Du côté du Royaume-Uni, l’ouverture à la concurrence n’a pas obtenu les résultats escomptés. Privatisée en 1994, la société British Rail est divisée en vingt-cinq compagnies, chargées des lignes locales ou nationales. Les accidents, dus à un moindre investissement dans la sécurité et l’entretien des lignes, vont se multiplier avec notamment le déraillement de Hatfield, qui fait plus quatre morts et 70 blessés en octobre 2000. Le service ne s’améliore pas avec des trains défectueux, des retards et des annulations à répétition. La privatisation devait provoquer une baisse de prix. Mais c’est l’inverse qui sait produit. En début d’année, les prix des billets de train ont augmenté de 3,4 % dans le pays. Selon le journal britannique The Independent en 2017, le coût mensuel d’un voyageur anglais est six fois plus élevé qu’en Europe et représente plus de 14 % de son revenu mensuel, contre 2 % en France. Par exemple pour aller de Londres à Luton (à 45 km au nord-ouest de la capitale londonienne, ndlr) les passagers doivent en moyenne payer 387 livres sterling (437 euros, ndlr) par mois, soit nettement plus que les 61 livres payées (68,98 euros, ndlr) par les passagers parisiens et romains. Des voix s’élèvent contre ce système comme le leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn. Lors des élections générales de juin 2017, il proposait dans son programme, la renationalisation des entreprises de chemins de fer, de l’eau et de l’énergie. Une proposition qui semble convaincre la population. 76 % des Britanniques seraient favorables à la renationalisation de l’ensemble des concessions ferroviaires. Le gouvernement anglais s’est même résolu à renationaliser en mai dernier, une partie de ses lignes, dont Londres-Edimbourg, dans l’est du pays. En cause : les sociétés privées Stagecoach et Virgin Trains n’étaient plus en mesure de payer la franchise qu’elle devait à l’État. La dette ferroviaire au Royaume-Uni aujourd’hui attend les soixante milliards d’euros, dépassant les 54,5 milliards d’euros de la SNCF.

Au travers des différents exemples européens, des avantages et des inconvénients sont visibles sur la libéralisation du rail. Les Français portent beaucoup d’espoir sur cette ouverture à la concurrence pour améliorer le transport. Ils estiment que cette dernière aura un impact positif dans plusieurs domaines selon le sondage Opinion Way pour Trainline. 58 % d’entre eux pensent que cela modifiera le prix des billets et 45 %  qu’il sera plus facile de trouver le meilleur tarif tandis que 55 % sont persuadés que les trains seront ponctuels et que les services proposés à bord comme la restauration ou le wifi seront améliorés. Il faudra attendre 2021 pour voir si la réforme ferroviaire a considérablement amélioré l’offre et le service sur le marché français.

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