LumApps, une entreprise française à succès qui aimerait ouvrir les portes des grands groupes

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Sébastien Ricard, cofondateur et CEO de LumApps vient de réaliser une levée de fonds de 70 millions de dollars dans le cadre d’une Série C menée par Goldman Sachs. Il revient pour nous sur son parcours, ses défis et ses ambitions.

Comment vous est venue l’idée de LumApps ?

En 2008, j’ai monté une société qui s’appelait GPartner (devenu Devoteam G Cloud, ndlr) avec G pour Google qui est devenu le plus grand acteur de l’intégration de solutions Google Cloud entreprises et que j’ai revendue en 2014. Dans ce monde-là, nous représentions les solutions SAAS (moteur de recherche, cartographie Google, …) et nous nous sommes aperçus qu’ils manquaient une solution simple pour la communication et la collaboration dans G suites. Nous avons donc créé LumApps pour compléter les applications professionnelles qui existaient jusque-là.

Est-ce que le concept était le même ?

On l’a fait pivoter puisqu’en 2013, l’entreprise a été créée à la base pour mettre en lumière des applications d’où le nom LumApps avec une petite référence à Lyon et les inventeurs du cinéma, les frères Lumières au siècle du même nom. Nous voulions à la base faire un logiciel qui améliorait la gestion documentaire. En début 2015, nous l’avons dirigé vers un portail de communication et de collaboration, un social intranet. Il ne faut pas hésiter en tant qu’entrepreneur à créer une première application et à la faire pivoter vers une application en fonction du marché.

C’est un rendez-vous avec deux clients qui m’en a donné envie notamment Véolia un groupe français de plus de 130 000 collaborateurs qui souhaitaient pour son Top 500 de direction avoir un espace de travail pour dialoguer entre eux. Nous avons créé cette workplace et cela a très bien marché donc ils ont voulu l’étendre à l’ensemble de leurs collaborateurs.

Combien êtes-vous d’associés et comment vous êtes-vous rencontrés ?

A la base nous étions 5 associés avec Lionel Grivel avec lequel j’ai monté toutes mes sociétés et avec qui nous sommes associés majoritaires. Après, d’autres associés comme Elie Méloi, le chef du produit, Olivier Chaneau, patron du marketing, Philippe Blesse, patron du commerce nous ont rejoints. Ils nous suivent depuis le début et nous accompagnent. Nous nous connaissons et travaillons ensemble depuis 20 ans avec Lionel et Olivier. J’ai rencontré Elie dans mes anciens mondes il y a 8 ans et Philippe travaillait chez Google, il y a une dizaine d’années.

Qu’est-ce que LumApps apporte de plus que ce qui existe déjà ?

Pour moi, LumApps invente un marché. Les employés travaillent de plus en plus différemment et le travail à distance est de plus en plus présent. Nous devons tous donner du sens au travail et des raisons d’être. Pour pouvoir communiquer et collaborer avec 10 000 personnes ce n’est pas si évident que cela. Qu’est-ce qu’il existe sur le marché ? Soit vous avez du mail, soit des espaces documentaires ou communautaires. Dans le grand public, vous avez WhatsApp et Instagram qui écrasent l’information au fur et à mesure qu’on la communique. Nous nous sommes demandé s’il était possible de conjuguer l’information froide (documentaire, intranet…) avec de l’information chaude donc communautaire, donc de réaliser un pont entre ces deux types d’information et c’est pour cela que nous appelons cela un social intranet. Ce concept n’existait pas et aujourd’hui nous proposons une information à 360°.

Quelles ont été les grandes étapes de l’entreprise ?

A partir de 2016 jusqu’en 2018, nous avons été focus sur les États-Unis et nous réalisons aujourd’hui plus de 70 % de notre chiffre d’affaires là-bas, ce qui reste rare pour un éditeur Français. Nous avons ouvert d’abord à San Francisco puis à NewYork … et nous sommes passés de 0 à 75 personnes sur place. En trois ans l’entreprise a doublé ses effectifs et son revenu là-bas. Mi-2017, nous avons ouvert notre capital à ID invest et fait une première levée de fonds de 8 millions d’euros puis en 2018 de 23 millions et pour finir en fin 2019 de 70 millions d’euros avec la dernière.

Les deux premières nous ont servi à financer le développement américain et cette troisième, qui représente une étape peu différente, sert à prendre le leadership mondial. En 2018, nous avons ouvert les bureaux de Tokyo qui ont mis un an à démarrer et nous avons gagné nos premiers dossiers avec Japan Air Lines par exemple.

Quels ont été vos facteurs clés de succès ?

Déjà le fait qu’il n’existait pas de solution sur le marché qui permette d’avoir une vision 360° et d’évoluer sans cesse dans l’innovation. Nous avons investi très fortement dans la plateforme LumApps avec plus d’une centaine de personnes sur la recherche et développement pour réaliser le fait que le bon document arrive à la bonne personne et que le bon document parvienne au bon moment. Nous avons investi énormément sur le machine learning.

Quelle a été la plus grande difficulté ?

Il y a eu beaucoup d’obstacles dont celui de comprendre les différentes cultures. Comment fonctionne un japonais, un anglais, un américain, etc. Cela est vrai autant au niveau des équipes que des clients. Par exemple, aux États-Unis tout est opportunité et le cerveau est orienté positivement et en Europe, on est plus cartésien et négatif donc on ne peut pas manager de la même manière. Aux États-Unis, vous serez plus sur un management par plaisir avec des challenges et des jeux. Pour comprendre cette réalité, cela a nécessité du temps. Si on prend juste les locaux, la culture de l’immobilier n’est pas la même ou même les horaires, si on commence tôt et bien on finit tôt.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

La réussite de LumApps ! Ce qui me surprend le plus c’est que quand on considère que quelque chose est possible, cela devient possible. Je n’avais jamais construit une entreprise à taille mondiale depuis ma banlieue Lyonnaise. Et puis autre chose, cela paraissait impensable que nos ingénieurs français soient aussi bons que ceux de la Silicon Valley mais c’est une réalité et je la vis au quotidien. Cela m’étonne tous les jours de voir que nous sommes capables de créer un leader mondial depuis une banlieue d’une ville française. La grande différence entre cette société et mes quatre précédentes réside dans la dimension mondiale. J’avais des sociétés franco-françaises qui rayonnaient sur l’Europe alors que là, LumApps est présente à travers le monde. Fin d’année, nous serons 400 personnes.

Quel est votre grand défi ?

Prendre de la part de marché et doubler nos revenus et effectifs chaque année. Il s’agit également de continuer à innover pour mélanger des documents et du talent. Nous avons un défi technologique et un autre de taille où il va falloir recruter des talents. Je compte y parvenir grâce à nos convictions et nos valeurs qui sont : « une équipe et une même mission », autrement dit que nous sommes très forts ensemble mais moins individuellement, « soyons ambitieux et réalisons des choses incroyables », « fais ce que tu dis », « toujours resté en évolution ». Dans tous les processus, nous allons les répéter. Après je trouve que les difficultés se sont situées au début, moins maintenant.

Votre rôle a-t-il beaucoup évolué ?

Personnellement je me considère comme un chef de meute et celle-ci grandit. Mes missions sont plus sur la relation avec les investisseurs ou les partenaires stratégiques. Le but est de veiller aussi à ce que le comité exécutif exécute la stratégie. Je suis beaucoup moins sur le terrain qu’autrefois. L’essentiel reste de garder ses convictions et d’être accompagné par des partenaires qui comprennent bien la mission de l’entreprise.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer ?

Qu’est-ce que je ferai après ? Cette question est difficile car le métier me passionne. Au départ, j’avais des motivations financières. Maintenant j’ai 49 ans et mon vrai moteur aujourd’hui c’est de partager des aventures humaines et des projets. J’espère le faire le plus longtemps possible donc que les jeunes générations acceptent de travailler avec moi. Il faut travailler à la fois à l’international, avec des religions différentes, avec la diversité des hommes et des femmes, c’est passionnant en fait ! Et tout cela depuis ma banlieue lyonnaise ! Je ne me vois pas m’arrêter ! Je vis un rêve éveillé.

Avez-vous un combat qui vous tient à cœur ?

En France, nous avons bien été aidés notamment par la BPI. C’est mon dada du moment car je trouve que ce qu’il manque c’est que nous ne nous serrons pas assez les coudes en France. Il faut que des start-ups comme la nôtre puisse accéder à des comptes du CAC40. Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui les grands groupes ne nous ouvrent pas les portes, du moins pas assez. Même si nous sommes une boîte internationale, nous arrivons plus facilement à ouvrir les portes aux États-Unis qu’en France. J’ai envie de dire « recevez-nous car l’innovation française est de grande qualité. N’ayez pas peur d’innover avec vos compatriotes. Ouvrez-nous les portes s’il vous plaît ». Le pays le plus difficile à conquérir pour les start-ups, c’est notre pays la France.

3 Conseils de Sébastien Ricard

  1. Accepter de grandir : il faut vraiment l’accepter et aller dans des périmètres qu’on ne connaît pas.
  2. Un chef c’est fait pour cheffer : Ne pas avoir peur d’afficher ses convictions et de diriger.
  3. Croire en nos talents français : les entrepreneurs français doivent se serrer les coudes et croire qu’on peut faire rayonner la France à l’international.

J’ai envie de dire : « recevez-nous car l’innovation française est de grande qualité. N’ayez pas peur d’innover avec vos compatriotes. Ouvrez-nous les portes s’il vous plaît »

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