On pouvait s’y attendre avec le bouleversement des organisations et les carnets de commandes qui se vident parfois, les demandes de délais de paiement explosent depuis la mi-mars. Le nombre d’incidents de paiement a triplé et le médiateur ne sait plus où donner de la tête avec des entreprises qui conservent leur trésorerie par précaution, mettant en cause toute la chaîne.
Petit rappel sur une chaîne complètement liée
Pour ceux qui veulent comprendre en quoi l’incidence des délais de paiement est fondamentale, il suffit d’intégrer le fait qu’une entreprise qui n’en paie pas une autre (surtout volontairement) fait du mal à l’ensemble de l’écosystème. La raison en est simple. D’abord, parce que si un fournisseur ne vous paie pas, vous n’avez pas forcément la trésorerie pour payer vos propres fournisseurs.
Ensuite certains paiements doivent se réaliser rapidement. Ils ne peuvent attendre un mois plus tard que vous encaissiez enfin ce que vous doit votre client comme les salaires. Se rajoute le fait que pendant ce délai, vous pouvez vous prendre des amendes ou encore des intérêts de retard alors que votre activité gagne de l’argent et vous retrouver ainsi dans le rouge. Enfin, les relances prennent du temps. De plus, vous en perdez beaucoup à aller à la recherche de votre argent qui dort à l’extérieur.
Une crainte des pouvoirs publics en train de se réaliser.
Comme les pouvoirs publics semblaient le craindre, le coronavirus et ses effets ont logiquement généré de mauvais comportements d’entreprises qui retiennent leur « cash » par précaution. Sans s’en apercevoir (enfin sûrement un peu), elles nuisent à l’ensemble de tissu économique et de leurs fournisseurs. Si parfois les abus préexistaient avant le confinement, les incidents ont tout simplement été multipliés par trois comme l’indiquait ce jeudi le comité de crise sur les délais de paiement et la demande se multiplie par dix. A noter que les incidents atteignaient déjà 270 millions d’euros le 30 mars. Ce dernier, créé peu après le confinement, comporte le médiateur des entreprises, celui du crédit, diverses organisations patronales ainsi que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’Economie et essaie de sauver les entreprises de la faillite.
Les raisons de l’augmentation des délais de paiement
Alors bien entendu, il n’y a pas que la mauvaise volonté des entreprises et l’envie de retenir le cash qui fait en sorte que les entreprises ne sont pas payées. De nombreux conflits sont liés au bouleversement structurel des entreprises qui par exemple ne reçoivent plus les courriers ou encore tout simplement au fait que les salariés en charge ne les ont plus à disposition et ne peuvent les récupérer dans les délais habituels. Il n’y a qu’à imaginer un comptable qui télétravaille et ne reçoit plus les factures que 3 fois par semaine au lieu de cinq et qui se retrouve donc submergé certains jours de demandes et ne peut toutes les traiter ou tout simplement qu’il n’ait plus accès au courrier que quand il se rend sur place, ce qu’il peut ne pas faire pour respecter les mesures de confinement.
Le syndrome du rayon de pâtes
Selon Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, il s’agirait du « syndrome du rayon de pâtes ». De la même manière que les particuliers sont allés dans les supermarchés constituer des réserves sur les pâtes mais pas que (quelques-uns possèdent sûrement des rouleaux de papier hygiénique pour des années, ndlr), certaines entreprises ont décidé de garder leur cash quitte à mettre en péril les fournisseurs. A noter qu’une dizaine d’entreprises cumulent à elles seules des centaines de millions d’euros. Elles ne semblent pas comprendre que cette attitude risque à termes de leur nuire . En effet, elles risquent de devoir trouver d’autres fournisseurs. Certaines n’auront pas eu la trésorerie suffisante pour survivre. D’autres d’autres ne voudront tout simplement plus travailler avec elles par peur de n’être pas payées.
Mais de grandes entreprises montrent leur solidarité
A noter qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier et l’attitude positive de certaines entreprises reste à souligner car elles se sont engagées à l’inverse à accélérer leur délai de paiement pendant la crise. Pour les citer puisque nous trouvons leur attitude louable : Bouygues Telecom, Danone, EDF, Enedis, Iliad, Jouve, L’Oréal, Orange, Sodexo et Système U. D’autres le réalisent naturellement comme SAGE si vous en faites la demande, une attitude que l’on ne peut que saluer et qui contribuera de toute évidence à sauver plus d’une entreprise et à favoriser la future sortie de confinement dans de bonnes conditions.