On peut se demander ce qui fait que plus les années avancent, plus la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle semble s’estomper. S’il y a quelques années, l’ensemble des salariés parlaient d’une séparation vie pro/perso quasi stricte et il ne fallait pas les déranger en dehors des horaires de travail, la donne semble avoir profondément changée en quelques années. Zoom sur les raisons qui font que le changement a eu lieu et se poursuit inexorablement.
Avec Internet, de nombreuses habitudes ont été remises en question. Pourtant les changements se sont fait progressivement et se sont imposés sans que nous nous rendions compte de l’impact sur notre vie personnelle. Même les rituels de politesse qui protégeaient la vie privée sont devenus obsolètes.
Le premier pas : l’arrivée des téléphones portables
Le premier phénomène qui a fait en sorte que la frontière s’est estompée réside dans l’arrivée des téléphones portables. Ils étaient, dans un premier temps, éteints le soir sauf quelques cadres qui les gardaient allumés pour gérer des urgences. Il ne s’agissait donc plus de joindre les collaborateurs sur un numéro qui avait une destination personnelle et professionnelle mais bien dans le cadre de ce dernier. Petit à petit le numéro de téléphone portable s’est imposé sur les curriculum vitae, d’autant plus que pour les jeunes générations, elles n’avaient pas de ligne personnelle. De plus, nombre de personnes n’ont pas hésité à transmettre leur numéro de portable à leur manager. D’ailleurs, il n’est plus devenu rare de les joindre sur leur téléphone portable personnel, ce qui a généré une première confusion entre vie privée et vie professionnelle.
La seconde grande étape : les emails
Pour notre rédaction, une seconde étape a été franchie par l’utilisation des emails qui permettaient de joindre un collaborateur sans le déranger en laissant des messages sur une boîte email professionnelle qu’ils ne consultaient au début qu’au travail. La généralisation des emails et le fait de regrouper tous les emails vers une boîte de destination unique a entraîné une certaine confusion entre tous les emails qui relevaient du personnel et ceux qui relevaient du professionnel. Certains d’ailleurs ont vite remis une barrière afin de garder une distinction et de faire en sorte d’assurer leur tranquillité pendant leur temps privé.
La troisième transformation : les smartphones et internet en force
Phénomène qui a largement accéléré la disparition de la frontière : l’arrivée des smartphones qui a permis de pouvoir consulter ses emails professionnels à tout moment de la journée, le jour comme le soir et même dans la nuit avancée. Afin de ne pas avoir traité une multitude d’emails, les salariés, et notamment tous ceux qui évoluent avec des outils informatiques, se sont mis sans s’en rendre compte à les utiliser en dehors de leurs heures de travail. A l’inverse, l’arrivée d’internet dans toutes les entreprises a engendré une utilisation de plus en plus poussée des ordinateurs de bureaux à des fins personnelles. La confusion s’est alors accélérée et il est devenu courant d’utiliser dans sa vie personnelle son accès à internet via smartphone pour des raisons personnelles autant que professionnelles, un peu tout le temps.
Le complément : les réseaux sociaux
Pour parachever cette confusion, les réseaux sociaux se sont développés et ont complètement brouillé les cartes avec des contacts autant personnels que professionnels sur les réseaux sociaux non professionnels. Si certains ont distingué leurs comptes, beaucoup ne l’ont pas fait, déjà pour ne pas avoir à naviguer entre deux comptes ensuite parce qu’il peut s’avérer compliqué de refuser quelqu’un avec qui vous vous entendez bien à titre professionnel sur ce type de réseau, sauf à lui dire que vous ne le considérez pas comme un « ami », et donc afin de ne pas lui déplaire, vous allez devenir son ami. A ce moment précis, la distinction entre vie privée et professionnelle s’est encore plus effacée.
Le nouveau phénomène : la flexibilité
Phénomène qui devrait et est en train encore plus de repousser cette frontière : celui qui arrange tout le monde c’est-à-dire la flexibilité. Autrefois, les entreprises évoluaient dans un cadre horaire assez fixe et il y avait d’un côté les horaires de bureau et de l’autre ceux où l’on était à la maison. Si dans certains métiers cela est toujours le cas, il faut constater qu’aujourd’hui cette ancienne pratique tend à disparaître.
Pourquoi ? A titre privé, il pouvait toujours être compliqué de devoir justifier chacune de ses absences ou retards pour des raisons personnelles. Notamment pour un enfant malade ou encore pour le fait de devoir attendre le plombier ou un colis. La possibilité de travailler de chez soi sans que le travail n’en soit affecté a permet d’éviter de bloquer inutilement ces heures et de les « perdre ».
De la même manière, le management par objectifs a pris le pas subrepticement, tout simplement car les managers et dirigeants n’allaient pas passer leur temps derrière leurs salariés à vérifier ce qu’ils faisaient pendant leurs heures de travail et inversement. La confusion s’est renforcée et les tribunaux y ont d’une certaine manière contribuée en admettant l’utilisation justifiée de moyens de l’entreprise comme internet pendant les heures de travail. La séparation est alors devenue tout simplement impossible à faire avec des salariés autorisés à surfer pendant leurs heures de travail et des entreprises ayant la possibilité de contacter au moins par email leurs salariés à tout heure.
Et l’avenir ?
En toute probabilité deux mouvements de fond devraient littéralement s’opposer dans les années à venir avec d’une part des personnes qui vont souhaiter une séparation stricte et mettront en place de véritables règles pour éviter l’intrusion d’une vie dans l’autre alors que de l’autre côté certains vont amplifier le phénomène afin d’avoir la flexibilité la plus forte possible. Il existe en effet des adeptes pour les deux méthodes et il sera donc difficile de faire le tri et de trouver un compromis entre ceux qui souhaitent rapidement pouvoir passer de l’un à l’autre et ceux qui souhaitent une distinction stricte.