Internet comme base pour le développement

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Vincent Huguet, cofondateur de MALT, a finalisé au début de l’année 2019 une levée de 25 millions d’euros pour accélérer une nouvelle fois sa croissance. Présente en Espagne et Allemagne, la société vise maintenant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en Europe pour 2023.

Quel est votre parcours avant d’avoir créé MALT ?

J’ai fait l’EDHEC, une école de commerce. En 1998, j’ai créé une des premières sociétés françaises de l’Internet qui s’appelle Dromadaire.com, un site leader sur un petit marché de niche, les cartes postales électroniques. J’ai fait cela un petit peu pour m’amuser puis je suis parti quelques années au Mexique où j’ai travaillé toujours sur les sujets Internet mais dans de plus grandes structures. En même temps que Dromadaire, j’avais créé une entreprise qui faisait de la livraison de fleurs au Mexique.

Je suis revenu en France alors que l’écosystème était en train de bouger en 2006 et que Dromadaire s’était développée en audience mais nous ne la monétisions pas encore. L’entreprise a atteint une cinquantaine de personnes et s’est avérée très profitable, un marché de niche mais très qualifié. Nous avons également lancé une entreprise dans l’impression notamment de cartes de visite sur un segment plus PME que TPE, Ooprint.

Quand et comment est venue l’idée de Malt finalement ?

Il y a eu deux facteurs. J’ai été un des premiers hôtes AirBNB en 2009 sur Paris et trois semaines après l’équipe est venue à Paris. J’ai observé ce concept de marketplace qui possédait un lien étroit avec la communauté. En 2012, j’ai eu envie de repartir sur une entreprise liée à mes propres aspirations, qui soit adaptée à un marché plus vaste.

Concrètement, j’ai été confronté de nombreuses fois, lors de mes expériences entrepreneuriales, à des situations où je n’avais pas les ressources nécessaires en interne pour faire par exemple une action de communication. Je me disais que c’était vraiment dommage qu’il n’existe pas d’opportunités pour trouver la personne adéquate qui rejoigne et complète notre équipe. Il existait des plateformes qui permettaient de trouver un graphiste en or, pour pas cher. J’ai rencontré alors en 2012, ceux qui sont devenus mes associés qui étaient des freelances, développeurs JAVA. Ils font partie de cette première vague de personnes qui sont sorties des SSII. Nous avons fusionné nos visions et nous avons vu que nous pouvions pénétrer un marché colossal de 300 milliards d’euros. Nous avons lancé Malt en juin 2013.

Le concept était le même dès le début ?

Oui à peu près sauf qu’au départ nous nous sommes orientés vers les start-ups. Rapidement, les grands comptes, qui étaient en train d’évoluer, voulaient innover, s’étaient réorganisés par équipe, et sont venus sur le site. Ils voulaient avoir suffisamment d’autonomie et de contrôle avec des systèmes de paiement très sécurisés. Aujourd’hui, nous travaillons avec des dizaines de milliers de clients mais également 80 % du CAC40 qui représentent une grosse partie de nos revenus.

Quelles ont été les grandes étapes depuis 2013 ?

Elles sont assez marquées par les levées de fonds car celles-ci mettent en exergue que nous dépassons un palier. Nous avons en effet besoin d’investir pour acquérir de nouvelles ressources, surtout en ce qui concerne les produits. 6 mois après les levées de fonds, nous constatons en général un décrochage positif. Nous avons fait une première levée de fonds auprès de business Angels en 2014, puis auprès du fonds ISAI en 2015, en 2016 avec SERENA et en 2019, la dernière avec ID INVEST. A chaque fois, cela correspond à des étapes de maturité de l’entreprise, de séniorité de personnes, de talents ou à l’internationalisation. En 2016 – 2017, nous avons ainsi lancé l’Espagne et l’Allemagne en fin d’année dernière. Nous sommes encore au début mais cela représente aussi de grandes étapes.

A quoi ont servi les différentes levées de fonds ?

Lors de la levée de fonds auprès des Business Angels, nous avions quelques clients et des freelances. Nous pouvions réaliser déjà beaucoup de choses et nous avions des revenus mais l’entreprise était encore au stade embryonnaire. Cela nous a permis de recruter des personnes qualifiées et de gagner du temps. Nous aurions pu le faire en autofinancement mais nous aurions recruté beaucoup moins vite et nous aurions passé les paliers de manière ralentie. Par exemple, nous n’aurions pas pu recruter des profils plus seniors et il aurait fallu passer du temps à former. Les levées de fonds peuvent permettre d’investir aussi en publicité, mais pour nous, c’était avant tout l’équipe et le produit.

Quels sont les plus grands défis à venir ?

Il y en a deux pour nous. Il y en un a qui relève du fait que les grandes entreprises sont en train de comprendre qu’elles ne peuvent plus travailler seulement avec les grands acteurs du conseil mais doivent aussi composer avec des freelances. Elles se rendent compte que les talents prennent de plus en plus ce statut et elles doivent donc aller les chercher. L’enjeu est énorme car une banque par exemple peut y dépenser jusqu’à 1 milliard. Ils ont peut-être aujourd’hui moins besoin de conseils mais davantage d’exécutants qui développent des concepts. Le deuxième enjeu est de répliquer notre modèle. Nous aurions pu rester sur la France car le marché est gigantesque mais dès le début nous avons souhaité être international. Marché par marché, il faut reprendre tout ce que nous avons réalisé et l’adapter à chaque pays. Il faut recréer une communauté de clients et de freelances.

Y-a-t-il des difficultés particulières ?

La fragmentation du marché en Europe reste une problématique, contrairement aux États-Unis. Il faut comprendre que la notoriété que vous avez sur un marché, en France par exemple, n’est pas du tout la même qu’en Allemagne. Nos méthodes nous suivent mais pas la notoriété. Cela prend donc du temps et les entreprises américaines arrivent en concurrence avec une grande force de frappe. Recruter les personnes qui correspondent avec la bonne vélocité représente également une difficulté. Il faut trouver à chaque étape de l’entreprise, les personnes adéquates qui peuvent rejoindre l’équipe. Tout est souvent une histoire de rencontres dues la plupart du temps au hasard et de discussions autour de nos problématiques. Elles engendrent le fait que l’on nous présente de futurs collaborateurs.

Vous avez toujours eu envie d’entreprendre ?

Pas vraiment. Je voulais travailler en marketing grande consommation. C’est un peu le hasard qui a fait qu’au fil de rencontres avec des entrepreneurs, je me suis lancé. Le facteur déclencheur est dû au fait que j’ai connu Internet très tôt. J’étais plutôt geek à la base et j’ai travaillé dans les grandes comme dans les petites structures. Le fil conducteur est plutôt comment on met en relation à travers Internet une offre et une demande. Après avoir goûté à l’entrepreneuriat et le fait de prendre mes propres décisions, j’ai voulu continuer.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’entrepreneuriat ?

C’est la liberté de savoir que si nous avons une urgence personnelle, un enfant malade par exemple, nous pouvons nous réorganiser en permanence. La contrepartie c’est que cela engage davantage notre responsabilité c’est-à-dire que nous devons rattraper le temps. Nous avons créé une culture dans l’entreprise où nous faisons en sorte que chacun puisse se sentir entrepreneur et dispose de suffisamment d’autonomie pour pouvoir dire « j’ai une urgence à gérer. Je m’organise ».

Nous n’allons pas regarder derrière les gens et c’est ce que j’apprécie. Je suis aussi content de me lever le matin et de rencontrer les personnes avec lesquelles je travaille, surtout que nous passons une bonne partie de notre temps au travail. Nous avons une vision et nous voulons pouvoir choisir avec qui nous la concrétisons et il en va de même en ce qui concerne les investisseurs. Enfin, le fait d’avoir un impact sur l’économie et de constater que nous pouvons rendre service à nos clients me motivent.

Nous aurions pu le faire en autofinancement mais nous aurions recruté beaucoup moins vite et nous aurions passé les paliers de manière ralentie.

2 Conseils de Vincent Huguet

  • Ne pas se poser trop de question. Il ne s’agit pas de passer son temps sur des power point mais d’aller sur le terrain. Il faut agir et analyser le feed-back client. Se tromper, itérer et revenir en arrière si besoin et ne jamais rester dans la théorie pour avancer vers la réussite.
  • Bien choisir avec qui on s’associe et on travaille. Cela comprend les investisseurs qui ne sont pas uniquement de l’argent. Ils représentent certes 50 % du financement mais aussi du conseil, de l’accompagnement et du réseau. Ils possèdent une valeur incontestable. On s’aperçoit rapidement quand on est entrepreneur qu’on a besoin de personnes autour de soi et qu’on ne va pas bien loin tout seul. Il faut bien les choisir car vous allez passer plusieurs années avec vos associés et investisseurs.

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